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Francophonie : l’Algérie et son «butin de guerre»

La langue française ne connaît pas la crise en Algérie. Les médias arabophones explosent tous les chiffres de vente, mais l’usage du français ne cesse de s’étendre. Les autorités, partagées entre réalisme et idéologie, refusent d’adhérer à l’OIF tout en faisant discrètement la promotion de cette langue.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Manifestation d'étudiants à Alger pour plus de moyens pédagogiques. (Farouk Batiche/AFP)

Premier pays francophone après la France, l’Algérie a une relation passionnelle avec la langue de Molière. La scène se passe dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale algérienne dans les années 90. Un député prend la parole en français. Il est immédiatement pris à partie par les nationalistes et les islamistes qui essayent de l’empêcher de finir son intervention. Autre lieu, mêmes années, le leader du Front des forces socialistes (FFS) tient un discours dans un silence presque religieux. En français. Pourquoi cette différence ?

Les Algériens (autorités et population) ont toujours entretenu une relation complexe, voire schizophrénique, avec la langue française. Au lendemain de l’indépendance en 1962 s’est posée la question de savoir en quelle langue écrire pour les écrivains algériens, Kateb Yacine a eu cette réponse définitive : la langue française est un «butin de guerre» des Algériens. «La Francophonie est une machine politique néocoloniale, qui ne fait que perpétuer notre aliénation, mais l'usage de la langue française ne signifie pas qu'on soit l'agent d'une puissance étrangère, et j'écris en français pour dire aux Français que je ne suis pas français», déclarait-il.

La langue et l’Organisation
Pour l’écrivain Mohamed Kacimi, l’aventure de la langue française en Algérie est avant tout une initiative algérienne. «Toute la période coloniale (1830-1962, NDLR) n'aura produit en tout et pour tout que 1.000 étudiants algériens. La scolarisation massive en français sera l'œuvre de l'Algérie indépendante... L'aventure de la langue française en Algérie commence en fait le jour où la France donne son indépendance à ce pays.» Et de préciser : «Aussi des auteurs algériens comme Kateb Yacine ou Mustapha Lacheraf n'ont cessé de rappeler dans leurs écrits que la langue française n'a jamais été imposée aux Algériens mais qu'elle a été arrachée de force à la puissance coloniale.» 

Trou temporel
Le français est revenu en force, après une éclipse de quelques années due à la guerre civile, avec le retour des entreprises étrangères. Dans les années 90, les enseignants de français étaient désignés par les groupes islamiques armés comme des cibles.

Aujourd'hui, il est plus facile pour un jeune diplômé francophone de trouver un travail qu’à un étudiant arabophone. Dans le secteur privé, il n’est pas rare que l’entretien d’embauche se passe en français. Dans les annonces d’emploi, il est souvent exigé de maîtriser la langue de Voltaire. Sur les réseaux sociaux, des internautes s’indignent que les responsables politiques au pouvoir ou dans l’opposition, voire des ministres, envoient leurs enfants se former en Europe et boudent les universités algériennes. Résultat : ces enfants reviennent travailler en Algérie mais avec des salaires d’expatriés.


Bouteflika observateur
L’Etat algérien a toujours considéré l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) comme un outil de pression de la diplomatie française. C’est cette méfiance, en plus de la gestion des équilibres politiques en Algérie entre partis nationalistes et islamistes d’un côté et démocrates et laïcs de l’autre, qui a toujours prévalu.

L’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Etat en 1999 favorisera une approche plus pragmatique. La langue française devient obligatoire dès la deuxième année du primaire. Sur le plan politique, l’Algérie participe timidement aux Sommets de la Francophonie en tant qu’observatrice même si elle boycotte celui de cette année. Le passé ne passe pas encore.

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