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Mort de Mohamed à Marseille : où en est l'enquête, après la mise en examen de trois policiers du Raid ?

Cinq policiers de l'antenne marseillaise du Raid avaient été placés en garde à vue mardi. Trois ont été mis en examen, a annoncé le parquet de Marseille jeudi.
Article rédigé par franceinfo
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Des policiers devant une poubelle brûlée lors d'une manifestation après la mort de Nahel, le 1er juillet 2023, à Marseille (Bouches-du-Rhône). (CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)

L'enquête se poursuit pour déterminer les circonstances précises du drame. Après avoir été placés en garde à vue, trois policiers de l'antenne de Marseille du Raid, une unité d'élite, ont été mis en examen dans le cadre d'une enquête sur la mort de Mohamed Bendriss, a annoncé le parquet de Marseille, jeudi 10 août.

Ce jeune homme de 27 ans est, à ce stade, la seule personne décédée recensée en marge des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel. Mohamed Bendriss est mort dans la nuit du 1er au 2 juillet à Marseille, alors qu'un important dispositif policier avait été déployé pour répondre aux heurts dans la cité phocéenne. Voici ce que l'on sait de l'enquête.

Le Raid informé du pillage d'un magasin 

Mohamed Bendriss est mort après avoir fait un malaise alors qu'il circulait à scooter dans le centre de Marseille. D'après ses proches, le jeune homme de 27 ans était livreur pour Uber Eats, rapportent Mediapart et Marsactu. Il a été découvert cours Lieutaud, puis transporté à l'hôpital où il est décédé, a appris franceinfo de source proche du dossier. Selon ses proches, le jeune homme s'est effondré devant l'immeuble où vit sa mère. "Mon fils n'était pas avec les émeutes, je sais qu'il n'a rien fait", a-t-elle affirmé auprès de Mediapart

Dans un communiqué dévoilé jeudi, le parquet de Marseille a apporté de nouveaux éléments sur les faits. Il y est expliqué que la colonne du Raid a été informée du pillage d'un magasin Foot Locker et de sa réserve. Des images de vidéo surveillance "démontrent qu'un homme avait pris la fuite depuis la rue Montgrand", et qu'il était "poursuivi" par Mohamed Bendriss "à scooter, qui avait tenté de prendre le sac dont il était porteur". Ce sac contenait des produits volés dans le Foot Locker.

L'homme ayant fui à pied a été interpellé par des policiers du Raid, puis entendu à l'hôtel de police, précise le parquet dans son communiqué. "Lors de son audition, il indiquait qu'après avoir pris le sac contenant des marchandises provenant du magasin Foot Locker, un autre individu conducteur d'un scooter avait tenté de lui prendre le sac de force et l'avait poursuivi." 

Pour le parquet, "il existe donc des éléments démontrant que ces deux individus participaient à une action d'appropriation frauduleuse dans un contexte de pillage généralisé des magasins du centre-ville", "fondant une action d'intervention pour en interpeller les auteurs".

Deux tirs de LBD, dont un mortel, selon le parquet 

Selon le parquet, Mohamed Bendriss est parvenu "à s'enfuir à scooter, longeant la colonne du Raid en circulant à contre-sens sur le trottoir". C'est alors qu'il est "atteint dans un laps de temps très court par deux tirs de LBD (lanceur de balles de défense), dont l'un au niveau du thorax se révélera mortel".

Le parquet ajoute que le jeune homme a été également touché "par un tir de munition type 'bean bag' qui impactait son scooter". Il a continué "sa route jusqu'au cours Lieutaud où il était découvert en arrêt cardio-respiratoire".

L'autopsie a conclu à un "choc sur le cœur"

Dès le 4 juillet, le parquet de Marseille notait que "les éléments de l'enquête permettent de retenir comme probable un décès causé par un choc violent au niveau du thorax, causé par le tir d'un projectile de 'type flash-ball'". "Cet impact a entraîné un arrêt cardiaque et donc la mort dans un temps proche", précisait-il. 

La trace d'un possible impact de tir de lanceur de balle de défense avait été repérée lors de l'autopsie du corps de Mohamed Bendriss. L'examen a conclu à un "choc sur le cœur" ayant probablement entraîné une crise cardiaque, avait appris mardi franceinfo auprès d'une source proche du dossier.

Contacté par franceinfo, Arié Alimi, avocat de la compagne de Mohamed Bendriss et membre de la Ligue des droits de l'homme, précisait mercredi que deux impacts avaient été constatés sur le corps du jeune homme, l'un "au niveau du cœur", l'autre "sur la cuisse". 

Trois policiers mis en examen

Cinq policiers de l'antenne marseillaise du Raid avaient été placés mardi matin en garde à vue, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte début juillet pour "coups mortels avec usage ou menace d'une arme". "Plusieurs autres policiers sont également convoqués ce jour afin d'être entendus en qualité de témoins", avait ajouté le parquet dans un communiqué. Deux policiers du Raid ont été relâchés mardi soir, tandis que trois autres ont vu leur garde à vue prolongée.

Ces agents ont été présentés jeudi "devant les magistrats instructeurs cosaisis", a précisé le parquet dans son communiqué. Ils ont été mis en examen "du chef de violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Les trois hommes ont ensuite été relâchés, mais placés sous contrôle judiciaire, "assorti des mesures d'interdiction de rentrer en contact avec les parties civiles et d'interdiction de participer", dans le cadre de leur travail, "à des interventions concernant des violences urbaines et de grands événements sur la voie publique".

Le parquet souligne que des investigations "complémentaires" doivent être menées. Elles concernent en particulier "la régularité des conditions d'emploi des armes 'moyen de force intermédiaire'" visant Mohamed Bendriss, ainsi que "la proportionnalité de cet engagement".

L'enquête est menée par la direction territoriale de la police judiciaire (DTPJ) de Marseille, et l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des polices".

La famille de Mohamed va porter plainte contre la procureure 

Les proches de Mohamed Bendriss ont l'intention de porter plainte contre la procureure de la République de Marseille, a déclaré jeudi sur franceinfo Arié Alimi, avocat de la famille. Selon lui, la procureure, à travers son communiqué, a tenté de "jeter une forme de soupçons maladroits sur la personne de Mohamed Bendriss", en déclarant "qu'il aurait pu tenter de voler un voleur". Pour l'avocat, "elle aurait pu en tirer des conclusions inverses, c'est-à-dire qu'il a pu tenter un acte civique en empêchant un vol""L'interprétation qui est donnée par la procureure est regrettable", dénonce l'avocat. 

La conjointe de Mohamed Bendriss demande également, dans un communiqué consulté par franceinfo jeudi, que les faits soient "immédiatement requalifiés en homicide volontaire". Elle "déplore la stratégie de la procureure de la République de Marseille qui consiste à criminaliser maladroitement une victime""Tenter de faire passer cet acte civique pour un acte délictueux est constitutif d'une grave diffamation qui n'entre pas dans les prérogatives du ministère public", ajoute-t-elle.

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