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Violences après la mort de Nahel : comment l'exécutif et la majorité tentent prudemment "de ne pas mettre d'huile sur le feu"

France Télévisions
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Des pompiers interviennent pour éteindre un incendie après des heurts aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, le 29 juin 2023. (GAUTHIER BEDRIGNANS / HANS LUCAS / AFP)
Les élus macronistes abordent avec précaution la question de la sortie de crise face aux émeutes qui secouent la France depuis mercredi.

Comme une périlleuse ligne de crête. Trois jours après la mort de Nahel, tué par un policier, et les émeutes qui frappent la France depuis mercredi, la majorité présidentielle doit naviguer entre la demande de grande fermeté de la droite et de l'extrême droite, qui exigent la mise en place de l'état d'urgence, et celle de la gauche, qui leur réclame de revenir sur la loi de 2017 assouplissant l'usage des armes à feu pour les policiers. "C'est toujours plus inconfortable d'être aux responsabilités. Collectivement, ce n'est pas facile", concède Shannon Seban, présidente de Renaissance en Seine-Saint-Denis.

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Un maître-mot domine en macronie depuis la mort de l'adolescent : la prudence. "Il ne faut surtout pas mettre de l'huile sur le feu et nous devons avoir une parole publique très mesurée, explique le député Renaissance Louis Margueritte. Un mot mal dit ou dans le mauvais contexte peut nous mettre en difficulté." Tous ont en mémoire les images des émeutes qui avaient embrasé à l'automne 2005 les quartiers populaires durant de longues semaines. "On a fait bloc pour prendre tout de suite partie pour la victime. Il fallait éviter les maladresses de 2005", souffle un conseiller de l'exécutif.

Au fil de jours émaillés d'un déferlement de violences, le discours présidentiel s'est progressivement raidi. Après avoir évoqué "l'émotion de la nation toute entière" mercredi midi, face à une mort "inexplicable" et "inexcusable", Emmanuel Macron a changé de vocabulaire vendredi 30 juin. Lors d'une réunion de la cellule de crise interministérielle, le chef de l'Etat s'est dit prêt à adapter "sans tabou" la stratégie de maintien de l'ordre pour faire face à une situation "inacceptable et injustifiable". Un discours suivi par ses soutiens. "Il y a d'abord le temps du calme et de l'apaisement de la situation", défend le député Renaissance Mounir Belhamiti. "On doit être extrêmement fermes dans la réponse policière, la majorité des Français veulent qu'on revienne à un ordre républicain", tonne sa collègue Anne-Laurence Petel.

"Qu'on reconnaisse quand on a fauté"

Les responsables politiques pensent déjà à la suite, quand bien même celle-ci paraît encore très floue. Il faudra agir une fois l'émotion, la colère et les violences passées. Mais pas maintenant, évidemment. "On ne peut pas prendre de décisions de façon épidermique", met en garde Anne-Laurence Petel.

Que faudra-t-il changer dans quelques jours ou quelques semaines ? A l'actif de la majorité, il y a certes le dédoublement des classes de CP, le label Cités éducatives et d'autres mesures que les élus citent à l'envi. Mais l'heure ne sera pas vraiment à l'autosatisfecit. "On aura à l'évidence un retour d'expérience sur beaucoup de choses qu'on est en train de vivre", juge Louis Margueritte. "Il faudra qu'on apprenne, collectivement, et qu'on reconnaisse quand on a fauté, pour se remettre en question", anticipe Shannon Seban. 

Car c'est tout le bilan d'Emmanuel Macron et du gouvernement en matière de politique de la ville qui est aujourd'hui ausculté et remis en cause. Celui qui voulait mettre fin à "l'assignation à résidence" dans les quartiers populaires et qui s'était déclaré candidat à la présidentielle en novembre 2016 depuis Bobigny, en Seine-Saint-Denis, est désormais accusé de ne pas avoir honoré ses promesses. Même le dispositif Quartiers 2030, présenté au même moment que les émeutes, voit déjà son ambition minorée. "Il faut aller plus vite et plus fort, pas de main morte !", soutient Shannon Seban.

"S'il faut adapter le dispositif Quartiers 2030 en fonction de ce qu'il se passe actuellement, la porte est grande ouverte."

Shannon Seban, présidente de Renaissance en Seine-Saint-Denis

à franceinfo

Il y a en revanche un domaine où Renaissance réagit avec vigueur, sans attendre : contre La France insoumise, la colère de la majorité gronde face à ce qu'elle appelle une "instrumentalisation dégueulasse" de la mort de Nahel. Le parti d'extrême gauche n'a pas fermement appelé au calme, "une attitude scandaleuse" pour Louis Margueritte. Renaissance et LFI se livrent depuis à des affrontements en cascade, même quand le micro et la caméra sont coupés. Jeudi soir, à la sortie d'un plateau de télévision, le député Louis Boyard a ainsi qualifié son homologue Nadia Hai et les membres du camp présidentiel de "serviteurs des bourgeois", avant de les traiter de "connards" au moment de quitter les lieux. "Ils jouent aux guignols, ils sont odieux, insultants, méprisants", s'emporte Shannon Seban.

"On navigue à vue"

Au sein de la majorité, les députés fustigent même "l'appel à l'insurrection" des "insoumis". "Plus les jours passent, plus on se rend compte qu'ils sont du côté du chaos", tonne l'élue locale. "Les élucubrations contre LFI ne masqueront pas la responsabilité de ceux qui ont créé cette situation", a répondu Jean-Luc Mélenchon face aux attaques, vendredi sur Twitter.

Les prochains jours s'annoncent décisifs pour le gouvernement. "On va voir les prochains jours, le remaniement peut être repoussé", imagine un conseiller. Le temps est à l'incertitude, alors qu'il est pour l'heure impossible de déceler une porte de sortie vers le retour au calme. Pour l'exécutif, l'inquiétude est à son comble. "On navigue à vue, soupire un conseiller de l'exécutif. Il faut qu'Emmanuel Macron aille sur le plateau du '20 heures' dimanche soir."

"Peut-être qu'une intervention solennelle du président de la République changera les choses."

Mounir Belhamiti, député Renaisance

à franceinfo

En attendant une possible prise de parole du chef de l'Etat face à la nation, Elisabeth Borne a annoncé vendredi l'annulation d'événements d'ampleur, tandis que Gérald Darmanin a demandé aux préfets l'arrêt des bus et des tramways à 21 heures dans toute la France. Les députés de la majorité contactés par franceinfo, eux, vont jouer la discrétion. "Je maintiens ce que j'ai prévu ce week-end", explique Mounir Belhamiti, qui se déplace dans sa circonscription "sans tambours ni trompettes". "Il faut le faire discrètement", abonde Louis Margueritte, alors que débute un week-end à très hauts risques. 

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