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Présidentielle : le programme de Fabien Roussel est-il dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

Celui ou celle qui remportera l'élection devra prendre rapidement des décisions importantes pour limiter le réchauffement climatique. En collaboration avec l'association Les Shifters, franceinfo vous propose une analyse détaillée des programmes des candidats à l'Elysée.

Article rédigé par franceinfo
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En collaboration avec Les Shifters, franceinfo.fr publie une analyse du programme de Fabien Roussel en fonction des objectifs climatiques de la France. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Cet article fait partie d'une opération spéciale, en collaboration avec Les Shifters, une association de bénévoles qui accompagne le groupe de réflexion The Shift Project, spécialiste de la transition énergétique.


Face au réchauffement climatique, la prochaine ou le prochain président de la République devra prendre des décisions importantes. Son mandat prendra fin en 2027, trois ans avant 2030, date à laquelle la France devra avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 40% pour respecter l'accord de Paris sur le climat.

Pour ce faire, il ou elle trouvera sur son bureau la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), un document officiel qui décrit, secteur par secteur – transports, bâtiments, agriculture, industrie, etc. – les efforts importants à réaliser. Une feuille de route que les gouvernements successifs peinent à respecter depuis sa mise en place en 2015.

Les programmes des candidats sont-ils compatibles avec ces objectifs ? C'est la question à laquelle a voulu répondre franceinfo, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle 2022. Cet article présente un résumé de l'analyse faite par Les Shifters du programme du candidat communiste Fabien Roussel. Vous pouvez retrouver leur évaluation complète sur leur site.

Son programme respecte-t-il l'accord de Paris ?

- (FRANCEINFO)

Pour Les Shifters, le programme de Fabien Roussel est "contrasté". D'un côté, une "volonté forte pour la décarbonation et un plan d'ampleur au niveau européen" respectant les grandes lignes de la SNBC. Le candidat communiste veut ainsi mobiliser un fonds de 140 milliards d'euros par an pour une politique "conforme aux recommandations du Giec" (même si le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ne formule pas de recommandation mais fournit des analyses et des rapports), investir dans les transports du quotidien et rénover les logements.

De l'autre, Fabien Roussel n'évoque pas la sortie des énergies fossiles pour les transports, pourtant le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France. En matière d'énergie renouvelable, il insiste davantage sur le développement de l'énergie hydraulique, malgré "son potentiel de croissance très limité en France", que sur l'éolien ou le solaire. Rien dans son programme n'est prévu pour lutter contre l'artificialisation des sols. Enfin, certaines mesures, comme la baisse des taxes sur les prix de l'énergie, "peuvent engendrer une augmentation des émissions" et éloigner la France de ses objectifs climatiques.

Que propose-t-il secteur par secteur ?

- (FRANCEINFO)

Transports. Pour le secteur qui alimente le plus le réchauffement climatique en France (31% des émissions en 2019), Fabien Roussel défend l'accès à des transports moins émetteurs de gaz à effet de serre : gratuité des transports collectifs urbains, développement du vélo, aide pour accélérer le renouvellement du parc automobile, "sans favoriser toutefois les véhicules électriques". Il prévoit également 4 milliards d'euros pour développer le fret ferroviaire. Mais la baisse proposée de la TICPE, une taxe sur le carburant, risque d'augmenter la consommation et donc les émissions du secteur.

Bâtiments. Sur le chantier de la rénovation énergétique – 17% des émissions françaises viennent des bâtiments –, Fabien Roussel s'aligne sur les objectifs climatiques. Il prévoit de rénover 700 000 logements par an, de rendre obligatoire la rénovation des "passoires thermiques" d'ici 2030, de remplacer les 3 millions de chaudières au fioul et de développer les matériaux bio-sourcés dans la construction avec un objectif "zéro béton". Mais la baisse des taxes sur le chauffage des logements "peut inciter tous les ménages, quels que soient leurs revenus, à maintenir leur consommation de gaz et d'électricité et les dissuader de faire les investissements de décarbonation".

Agriculture. Le candidat communiste veut réorienter l'agriculture française, une autre source importante d'émissions (19%) vers l'agroécologie et l'agroforesterie. Il prévoit également de créer 500 000 emplois dans la production agricole, "en actionnant les leviers de la formation, de la rémunération et des aides allouées". Mais Fabien Roussel, qui a vanté à plusieurs reprises la consommation de viande, ne prévoit rien pour diminuer la consommation de protéines animales, source importante d'émissions de gaz à effet de serre.

Forêts. Sur ce point essentiel – des forêts en bonne santé peuvent capter du CO2 et limiter le réchauffement climatique –, le député du Nord évoque "une gestion durable", sans donner beaucoup de détails. Il propose toutefois de protéger les forêts primaires d'outre-mer et de renforcer les moyens de l'Office national des forêts.

Industrie. Sur ce volet qui pèse 19% des émissions de gaz à effet de serre sur le sol français, "les mesures du candidat paraissent pertinentes au regard de la SNBC". Fabien Roussel prévoit une "grande loi d'orientation et de programmation" pour "rebâtir une industrie sur la base de nouveaux critères de production, sociaux et écologiques". Les Shifters soulignent qu'il "articule également clairement les enjeux emplois/compétences associés à la transformation de l'industrie, ce qui démontre une bonne compréhension des problématiques de décarbonation de l'industrie". Le tout reste cependant imprécis "en termes d'horizon temporel d'application, de niveau d'ambition et de moyens financiers".

Energies. Sur ce dossier très débattu pendant la campagne malgré son poids relatif par rapport aux précédents (10% des émissions), Fabien Roussel s'appuie sur le développement du nucléaire – six EPR et un moratoire sur la fermeture des centrales – et des énergies renouvelables. Plutôt que sur l'éolien et le solaire, il mise "surtout" sur l'hydraulique. Seulement voilà : le développement de cette énergie "est limité car son potentiel est exploité en quasi-totalité à ce jour" en France, relèvent Les Shifters.

Déchets. En matière de déchets (4% des émissions), le candidat "ne propose pas un ensemble de mesures concrètes et cohérentes avec les enjeux de décarbonation de ce secteur", constatent les Shifters. Seul point rapidement évoqué : le réemploi et le recyclage des déchets plastiques.

La mise en œuvre de ces mesures est-elle réaliste ?

Les Shifters se sont enfin intéressés à la manière dont le candidat compte mettre en œuvre ses mesures pour le climat. Là encore, leur analyse est contrastée. Fabien Roussel prévoit un "mécanisme de gouvernance" tenant compte des différents échelons, avec également des plans nationaux par filière et une coordination nationale. Sur le volet social, il tient compte de l'objectif de transition préconisé par la SNBC, avec l'augmentation du chèque énergie et la gratuité des transports publics.

Mais certaines mesures laissent perplexes. Sur les carburants, "l'affirmation faite de la baisse simultanée des prix et de la consommation, sans explication supplémentaire peut sembler paradoxale, voire contradictoire", résument Les Shifters. Le candidat parle également très peu de sobriété.

- (FRANCEINFO)

Le programme de Fabien Roussel "affiche une forte volonté au vu des moyens engagés et des ambitions annoncées", mais "sans se traduire par des mesures systématiques en particulier lorsque les modes de vie des citoyens sont concernés", concluent Les Shifters.

- (FRANCEINFO)

Retrouvez ci-dessous les analyses climatiques des programmes des autres candidats : 

>> On a épluché les programmes des candidats à la présidentielle pour voir s'ils respectent l'accord de Paris

>> Les programmes de Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Philippe Poutou et Eric Zemmour sont-ils dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

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