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Présidentielle : le programme d'Eric Zemmour est-il dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

Celui ou celle qui remportera l'élection devra prendre rapidement des décisions importantes pour limiter le réchauffement climatique. En collaboration avec l'association Les Shifters, franceinfo vous propose une analyse détaillée des programmes des candidats à l'Elysée.

Article rédigé par franceinfo
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En collaboration avec Les Shifters, franceinfo.fr publie une analyse du programme d'Eric Zemmour en fonction des objectifs climatiques de la France. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Cet article fait partie d'une opération spéciale,en collaboration avec Les Shifters, une association de bénévoles qui accompagne le groupe de réflexion The Shift Project, spécialiste de la transition énergétique.


Face au réchauffement climatique, la prochaine ou le prochain président de la République devra prendre des décisions importantes. Son mandat prendra fin en 2027, trois ans avant 2030, la date à laquelle la France devra avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 40% pour respecter l'accord de Paris sur le climat.

Pour ce faire, il ou elle trouvera sur son bureau la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), un document officiel qui décrit, secteur par secteur – transports, bâtiments, agriculture, industrie, etc. – les efforts importants à réaliser. Une feuille de route que les gouvernements successifs peinent à respecter depuis sa mise en place en 2015.

Les programmes des candidats sont-ils compatibles avec ces objectifs ? C'est la question à laquelle a voulu répondre franceinfo, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle 2022. Cet article présente un résumé de l'analyse faite par Les Shifters du programme du candidat d'extrême droite Eric Zemmour. Vous pouvez retrouver leur évaluation complète sur leur site

Son programme respecte-t-il l'accord de Paris ?

- (FRANCEINFO)

Dans son programme, Eric Zemmour ne couvre "que de façon très partielle" les secteurs mis en avant par la Stratégie nationale bas carbone. Certaines mesures – en faveur de la réindustrialisation, d'une taxe carbone aux frontières, du développement des transports en commun ou contre la construction de nouvelles grandes surfaces à l'entrée des villes – vont dans le sens de la SNBC. Mais certains axes majeurs sont absents, comme la réduction des énergies fossiles, la décarbonation de l'industrie, la sobriété ou la sensibilisation à ces enjeux. 

D'autres mesures peuvent, de plus, "être jugées contre-productives sur les objectifs de décarbonation", observent Les Shifters. Ils citent l'objectif de garantir un accès large et au meilleur prix de l'énergie, qui pourrait avoir "des effets dissuasifs sur la transition énergétique et les volontés d'investissements visant à l'efficacité énergétique", la volonté de faire rembourser par les employeurs 50% des frais de carburant pour les trajets domicile-travail, qui "va largement à rebours de la dissuasion par les prix recommandée" ou plus généralement les mesures de soutien à la voiture.

Que propose-t-il secteur par secteur ?

- (FRANCEINFO)

Transports. C'est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France et le programme d'Eric Zemmour "ne couvre que faiblement les objectifs [de la Stratégie nationale bas carbone]", écrivent Les Shifters. Le candidat propose notamment de développer l'usage de l'électricité et de l'hydrogène dans les transports en commun. Mais "aucun objectif chiffré ni de levier de mise en œuvre ne sont annoncés". En outre, la mise en œuvre de plusieurs mesures auraient un "impact néfaste sur les émissions", comme la fin des zones 30 en ville ou le passage à 90 km/h sur les routes départementales.

Bâtiments. Alors que le secteur représentait 17% des émissions nationales en 2019 selon le Haut Conseil pour le climat (PDF), Eric Zemmour ne propose qu'une mesure sur le bâtiment. Il souhaite "investir dans l'isolation des bâtiments résidentiels et industriels", comme le réclame la SNBC. "Toutefois ni les montants des aides financières, ni l'échelle temporelle ne sont spécifiés, il est donc difficile d'évaluer" la portée de cette proposition, estiment Les Shifters.

Agriculture. De par l'élevage des ruminants, l'utilisation de fertilisants azotés et la consommation d'énergie des tracteurs ou des serres, le secteur agricole est le deuxième plus gros émetteur en France. "Dans l'ensemble, le programme [d'Eric Zemmour] ne permet pas d'atteindre les objectifs de la SNBC pour ce secteur", analysent Les Shifters. Le candidat n'aborde pas la diminution de la part carnée de l'alimentation, l'utilisation des engrais ou la consommation des exploitations agricoles, mais seulement "la consommation d'énergie pour transporter les marchandises agricoles via la mise en avant des circuits courts et une réduction de l'usage des pesticides", énumèrent Les Shifters.

Forêts. La forêt est un enjeu essentiel de captation de carbone pour limiter le réchauffement climatique. Toutefois, Eric Zemmour "ne propose pas de mesure concrète concernant le secteur. Il mentionne simplement l'établissement d'une 'stratégie forestière nationale' pour le reboisement et l'adaptation au changement climatique", écrivent Les Shifters, qui déplorent un programme "ni concret ni aligné avec les objectifs fixés par la SNBC".

Industrie. Le secteur est responsable de 19% des gaz à effet de serre de la France. Sur le sujet, Eric Zemmour propose de réindustrialiser la France, en contraignant par exemple le public à choisir des produits français. "Son programme ne précise cependant pas le périmètre des industries ciblées, les leviers d'actions, les compétences mobilisées et les financements utilisés", observent Les Shifters. Le secteur est donc "très partiellement et indirectement couvert" au regard des objectifs de la SNBC.

Energies. Si le secteur est moins émetteur en France que dans d'autres pays, la production d'énergie reste responsable d'environ 10% des émissions de gaz à effet de serre. Dans son programme, Eric Zemmour se concentre sur la production d'électricité "puisque sa politique de décarbonation des transports et de l'industrie repose largement dessus". Il souhaite relancer le nucléaire avec la construction de 14 nouveaux EPR d'ici 2050 et la prolongation au-delà de 60 ans du parc existant, mais aussi développer la géothermie et la biomasse. Le candidat rejette par ailleurs le photovoltaïque et l'éolien. Ainsi, les mesures d'Eric Zemmour pour ce secteur "sont partiellement alignées sur la SNBC", estiment Les Shifters.

Déchets. Sur ce secteur responsable de 4% des émissions françaises, Eric Zemmour veut développer une filière industrielle de recyclage des plastiques. "Cette proposition semble pertinente même si elle demeure peu détaillée quant aux conditions de sa mise en place (notamment sur les investissements nécessaires), aux acteurs qui en auront la charge et aux technologies à mettre en œuvre (si elles existent)", note l'association.

La mise en œuvre de ces mesures est-elle réaliste ?

Dans leur analyse, Les Shifters constatent plusieurs lacunes quant à la mise en route de ces propositions. Tout d'abord, l'absence d'une instance d'évaluation des politiques publiques en matière de lutte contre le changement climatique. L'association soulève également qu'"Eric Zemmour ne propose aucune mesure ayant pour but d'atteindre les objectifs de la SNBC pour éduquer, sensibiliser et accompagner les citoyens dans leur transition vers un mode de vie bas-carbone, exception faite de la mise en place d'un étiquetage pour indiquer la provenance française des produits". Difficile donc d'engager la société dans ces changements.

- (FRANCEINFO)

En terme de financements, Eric Zemmour n'évoque souvent pas, dans son programme, de moyens significatifs pour transformer notre économie. "Deux points majeurs ne sont pas envisagés par le candidat : la suppression des soutiens financiers publics et privés aux projets allant à l'encontre de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'aspect solidaire de la transition énergétique", notent Les Shifters. Ils soulignent enfin les paris technologiques incertains que contient le programme et concluent : "De manière générale, le programme mise beaucoup sur des technologies qui ne sont pas immédiatement disponibles, comme les réacteurs nucléaires EPR de seconde et de quatrième génération ou les transports à l'hydrogène. La sobriété n'est pas une considération abordée par le programme, qui ne présente pas de trajectoire de décarbonation organisée et planifiée."

- (FRANCEINFO)

Retrouvez ci-dessous les analyses climatiques des programmes des autres candidats : 

>> On a épluché les programmes des candidats à la présidentielle pour voir s'ils respectent l'accord de Paris

>> Les programmes de Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Philippe Poutou et Fabien Roussel sont-ils dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

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