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Présidentielle 2022 : pourquoi la campagne ne va pas forcément coûter plus cher malgré le Covid-19

La crise sanitaire n'occasionne pas de surcoût notable pour les candidats à l'élection présidentielle. Les équipes de prétendants à l'Elysée promettent de ne pas se restreindre.

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Une partie du public au meeting d'Eric Zemmour le 5 décembre 2021 à Villepinte (Seine-Saint-Denis). (STEFANO RELLANDINI / AFP)

Débats incessants sur le vaccin, bains de foule limités et masqués, contrôle du pass sanitaire puis vaccinal à l'entrée des réunions publiques... Pour la première fois, une campagne présidentielle se déroule en temps de pandémie et en subit les nombreux effets secondaires. Plus complexe en termes d'organisation qu'en 2017, va-t-elle plomber les comptes des différents candidats qui veulent accéder à l'Elysée ? Pas vraiment, à en croire les différentes écuries contactées par franceinfo. Malgré le Covid-19, la facture de cette campagne singulière ne devrait pas exploser, loin de là.

A commencer par l'absence de très grands meetings, comme ceux de Nicolas Sarkozy à Villepinte en 2012 (devant au moins 30 000 personnes) ou François Hollande au Bourget la même année (devant 25 000 personnes). En 2022, aucun candidat n'envisage à ce jour de rassembler plus de 10 000 personnes dans un même lieu, avant la fin de la campagne. "Du fait de la crise, les différents candidats vont éviter ces grands meetings, qui sont devenus de véritables opérations de spectacle", explique René Dosière, ancien député PS et spécialiste du financement de la vie politique.

Finis les grands meetings

L'ère de la démesure semble bel et bien révolue. "On a été amenés à réduire la voilure sur les événements majeurs", observe pudiquement l'entourage de Marine Le Pen, qui a décalé son "grand meeting de Reims" au samedi 5 février en raison de la vague de contaminations au variant Omicron. "Cette année, on est plus sur le visuel et les déplacements", insiste son équipe, avec une opération "5 000 marchés" avec le déploiement d'une vingtaine de bus loués pour sillonner une partie de la France pendant deux mois et demi.

En tirant un trait sur les réunions publiques de dizaines de milliers de personnes pour miser sur le terrain, comme tous les autres candidats, la candidate du Rassemblement national va pouvoir économiser sur ses frais de campagne. Réunir 4 000 personnes, comme Eric Zemmour l'a fait à Cannes, samedi 22 janvier, coûte près de 200 000 euros, selon Gilbert Payet, son mandataire financier pour cette campagne. C'est lui qui a validé la dépense d'environ 550 000 euros pour le meeting de Villepinte, le plus grand à ce jour, organisé le 5 décembre dernier. Et qui envisage déjà "un très très grand meeting en fin de campagne".

Certes, certains de ses concurrents sont contraints de louer des salles avec une capacité plus élevée qu'en dehors de période de pandémie pour accueillir le même nombre de personnes, distanciation physique oblige. "On a passé la consigne en interne de trouver des salles un peu plus grandes que d'habitude", explique Sylvain Duchène, trésorier du Nouveau parti anticapitaliste de Philippe Poutou. Le candidat d'extrême gauche a prévu de dépenser "à peu près" 800 000 euros lors de cette campagne, comme en 2017, contre "environ 8 millions d'euros" pour Yannick Jadot et aux alentours de 12 millions pour Eric Zemmour, par exemple, selon leurs équipes. A en croire René Dosière, cette contrainte nouvelle n'engendrerait pas de surcoût prohibitif, même pour les plus modestes des candidats.

"La location des salles n'est pas excessive et vu que ce n'est pas vraiment le moment de les louer, les équipes peuvent négocier les prix."

René Dosière, ancien député spécialiste des finances publiques

à franceinfo

De fait, les réunions publiques de toutes sortes pèsent de moins en moins lourd dans l'addition présentée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Evaluée à 50% de l'enveloppe globale en 2012, la part des réunions publiques dans la somme moyenne dépensée par un candidat a chuté à 41% en 2017, rappelle l'ancien parlementaire. François Fillon, candidat de la droite en 2017, a dépensé 35% de son enveloppe de 15 millions d'euros dans les meetings, contre 61% des 21,8 millions d'euros déboursés par Nicolas Sarkozy cinq ans plus tôt. Et selon René Dosière, cette proportion pourrait encore baisser avec la crise du Covid-19 cette année, entraînant avec elle la diminution de la facture globale.

Le plafond de dépenses ne bougera pas

Des membres de l'opposition, notamment à La France insoumise, chez Les Républicains et au Rassemblement national, craignent au contraire une campagne aussi coûteuse, voire plus onéreuse encore que lors des précédents scrutins : ils mettent en avant l'achat de gel hydroalcoolique et de masques pour les participants aux réunions publiques. 

"Ce ne sera pas un surcoût de 5 millions d'euros, mais quand vous additionnez les dépenses à la marge, à la fin, ça fait beaucoup."

L'entourage de Marine Le Pen

à franceinfo

Pour faire face à ces dépenses nouvelles, Les Républicains et La France insoumise ont demandé ces dernières semaines un rehaussement du "plafond remboursable" des dépenses, qui correspond à la somme maximale que l'Etat peut rembourser aux partis après la campagne. Le "comité de liaison Covid sur le déroulement de la campagne présidentielle", mis en place par Jean Castex le 11 janvier et réunissant chaque vendredi les différentes équipes, en a décidé autrement.

Comme en 2017, ce plafond s'établira à 47,5% des 16,85 millions d'euros autorisés pour un candidat qui dépasserait les 5% des suffrages. Soit un peu plus de 8 millions d'euros qui pourraient lui être remboursés. Pour ceux qui accéderaient au second tour, le pourcentage reste le même, mais le plafond de dépenses passe à 22,51 millions d'euros, soit environ 10,69 millions d'euros potentiellement remboursés au finaliste. En revanche, ceux qui ne dépasseraient pas le cap des 5% se verront accorder au maximum 4,75% du plafond de 16,85 millions d'euros, soit environ 800 000 euros.

Le prix des tracts victime de l'inflation ?

Lors de l'avant-dernière réunion, vendredi 21 janvier, le "comité de liaison Covid", présidé par le haut fonctionnaire Jean-Denis Combrexelle, a décidé "d'attirer l'attention du président de la CNCCFP sur ces dépenses annexes", rapporte un participant. "Jean-Denis Combrexelle est très à l'écoute, c'est la courroie de transmission entre les partis et la CNCCFP", salue le directeur de campagne d'un des principaux candidats. En réponse, l'instance assure à franceinfo que "les dépenses occasionnées par des mesures de précaution dues à la crise du Covid-19, soit pour des membres de l'équipe, soit pour l'accueil du public, seront éligibles au remboursement", tout en nuançant l'impact de ces nouveaux postes de dépenses.

"Je ne m'attends pas à un raz-de-marée, la hausse des coûts restera limitée"

Jean-Philippe Vachia, président de la CNCCFP

à franceinfo

Les masques et le gel ne sont pas les seules conséquences tangibles du Covid-19 sur la campagne : la crise des matières premières, dont le bois, a fait augmenter le prix de la pâte à papier, ingrédient indispensable des tracts distribués sur les marchés et dans les boîtes aux lettres. Le camp de Philippe Poutou évoque une hausse "de 10 à 20%" de ce budget impression. "On va peut-être rogner un peu sur la qualité et sur le grammage" des feuilles, anticipe son trésorier. "Ce n'est pas exactement une explosion du coût que l'on constate", nuance Gilbert Payet, proche d'Eric Zemmour. "Les imprimeurs qui ont pignon sur rue et qui sont en mesure de fournir les tracts avaient constitué des réserves."

Pas de meetings de 15 000 personnes, du papier de moins bonne qualité... Les Français assistent-ils à une campagne présidentielle au rabais ? "Je ne suis pas sûre que le Covid-19 change quoi que ce soit à notre stratégie", répond Nathalie Arthaud. La candidate de Lutte ouvrière, qui se targue de mener "une campagne bon marché" pour un coût anticipé d'environ 800 000 euros, n'a pas renoncé à ses deux grands rendez-vous, un meeting à la Maison de la Mutualité le 12 février et un autre au Zénith de Paris le 3 avril.

Un coût par électeur plus élevé

Crise sanitaire ou pas, "on ne va pas se limiter pendant cette campagne", insiste l'une des représentantes de l'extrême gauche. "Bien sûr, on tient compte du Covid-19 et on gère cela dans de très bonnes conditions, mais au fond, ce n'est pas l'économie qui guide la campagne", tranche pour sa part Jean-Paul Garraud, le mandataire de Marine Le Pen.

D'un coût similaire à 2017 pour les candidats, la bataille pour l'Elysée s'annonce en revanche légèrement plus onéreuse pour les finances publiques et le contribuable. C'est ce que montre l'évolution du "coût moyen de l'élection par électeur", une estimation réalisée par le bureau des élections et des études politiques du ministère de l'Intérieur avant un bilan définitif dressé après le scrutin.

En raison de l'inflation et de la hausse du nombre d'inscrits sur les listes électorales, ce coût individuel moyen s'élève à 4,72 euros pour l'élection présidentielle de 2022, soit un peu moins de 250 millions d'euros, contre 4,22 euros en 2017.

Le coût moyen de chaque élection pour un électeur inscrit sur les listes électorales, selon l'annexe au projet de loi de finances 2022. (MINISTERE DE L'INTERIEUR)

"Si on prend 1 000 euros de dépense publique pour 2022, l'organisation de cette élection représente seulement 15 centimes", relativise René Dosière. Marquée en tous points par la crise sanitaire, la campagne présidentielle ne devrait pas donner lieu à un "quoi qu'il en coûte" électoral.

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