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Résultats des élections municipales 2020 : l'épidémie de coronavirus, première cause de l'abstention record au second tour

L'abstention atteint 59% dimanche, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria. Il y a six ans, au second tour, elle était de 37,9%. 

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Un bureau de vote à l'Hôtel de Ville de Paris, lors du second tour des élections municipales, le 28 juin 2020.  (JOEL SAGET / AFP)

Un nouveau record d'abstention, plus de trois mois après celui du premier tour des élections municipales. Dans les près de 5 000 communes concernées par le second tour du scrutin, dimanche 28 juin, le taux d'abstention s'est élevé à 59%, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France et les chaînes parlementaires*. Dans ces villes, le taux d'abstention s'était élevé à 57,6% le 15 mars, lors du premier tour. 

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A midi, le taux de participation n'était que de 15,29% selon le ministère de l'Intérieur, soit trois points de moins qu'à la même heure le 15 mars (18,38%), et 4,5 points de moins que lors du second tour des municipales en 2014 (19,83%). A 17 heures, la participation n'était que de 34,67%, contre 38,8% à la même heure lors du premier tour. C'est près de 18 points en dessous de celle du second tour des municipales de 2014 (52,36%) et près de 20 points en dessous de celle du scrutin en 2008 (54,45%).

Le taux de participation est ainsi de seulement 41% parmi les plus de 16 millions d'électeurs concernés, contre 61,7% au second tour des élections municipales de 2014. Les mesures du projet de loi pour "sécuriser l'organisation du second tour des municipales" visant à faciliter les procurations, ainsi qu'une campagne plus longue que prévu, n'auront pas permis de remobiliser les électeurs.

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Un nouveau record prévisible

"C'est du jamais-vu pour une élection municipale, l'élection qui pourtant mobilise le plus les Français, derrière la présidentielle" et qui jusque là "résistait bien à la hausse générale de l'abstention", commente auprès de franceinfo Céline Braconnier, directrice de SciencesPo Saint-Germain et coautrice de La Démocratie de l'abstention (Gallimard, 2007). "Cette exceptionnalité municipale a été neutralisée par le contexte sanitaire de façon évidente. Cela ne veut pas dire que les gens ont moins confiance en leurs élus, mais cela n’a pas été suffisant pour qu'ils se déplacent." Un tel niveau d'abstention "n'est pas vraiment une surprise", poursuit Céline Braconnier. 

"C'est dans la continuité du premier tour", analyse auprès de franceinfo le politologue Pascal Perrineau. L'abstention avait atteint 55,34% le 15 mars – un niveau historiquement bas pour des élections municipales en France, lié à l'épidémie de coronavirus. Pour pas moins de 9 872 communes, elle s'était même élevée à plus de 50% ce jour-là. Six ans plus tôt, seules 298 communes affichaient une telle abstention. 

Ce nouveau record d'abstention était aussi annoncé ces dernières semaines. Seules 38% de personnes interrogées dans les communes concernées par le second tour prévoyaient d'aller voter, d'après un sondage Ifop pour Directs.fr**, réalisé entre le 9 et le 12 juin. Dans les communes de plus de 1 000 habitants, elles n'étaient que 34% à vouloir voter quelques jours plus tard, d'après un sondage OpinionWay-Square pour Les Echos et Radio Classique***, réalisé entre le 15 et le 18 juin. Dans cette étude, 61% des personnes sollicitées reconnaissaient alors ne pas être intéressées par le scrutin. 

"Je ne suis pas surpris d'une telle catastrophe démocratiquea commenté dimanche sur franceinfo le politologue Jean Petaux, professeur à Sciences Po Bordeaux. Un deuxième tour qui a lieu quinze semaines après un premier, vous avouerez qu'il faut être sacrément attaché à la vie politique municipale pour ne pas trouver la série un peu longue."

Le coronavirus, facteur majeur de l'abstention

Les principales raisons de l'abstention au second tour des élections municipales.  (IPSOS/SOPRA STERIA)

Comme au premier tour de ces élections municipales, l'épidémie de Covid-19 reste un facteur majeur de l'abstention. L'enquête Ifop menée début juin montrait déjà que 40% des électeurs appelés à voter dimanche souhaitaient s'abstenir (en partie ou entièrement) du fait du coronavirus. D'après le sondage Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France et les chaînes parlementaires, le virus reste la première cause de la faible participation au second tour : 43% des potentiels abstentionnistes interrogés ont estimé qu'ils ne voteraient pas "à cause du risque d'attraper le Covid-19" en se rendant dans leur bureau de vote. 62% des abstentionnistes se disent également inquiets pour leur santé et celle de leurs proches. Au premier tour, ils étaient 39% à désigner l'épidémie comme l'une des principales causes de leur abstention. 

Les raisons suivantes de l'abstention sont la conviction que ce scrutin ne changera rien à la vie quotidienne des personnes interrogées (38%), un manque d'affinité politique avec les listes ou les candidats (27%), et "d'autres préoccupations en ce moment" (25%). 

"Le contexte du Covid-19 est le facteur principal de cette abstention", analyse Céline Braconnier. "Il y a un effet direct : la peur pour certains électeurs âgés, fragiles de se rendre au bureau de vote, mais aussi l'absence d'une campagne électorale dans des conditions normales. Or, les campagnes de terrain, comme le porte-à-porte, sont les plus à même de mobiliser les électeurs les plus éloignés." L'enseignante en sciences politiques ajoute que "ces élections sont déconnectées du quotidien" "la reprise du travail, la gestion de l'école pour les enfants… Voilà ce qui préoccupe les électeurs aujourd'hui. Il y a encore plus une déconnexion avec le politique." "Les gens ont la tête ailleurs en ce moment, il y a une crise économique et sociale d’ampleur", confirme Pascal Perrineau. 

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Une abstention très élevée chez les jeunes

Le profil des abstentionnistes selon le sexe et l'âge. (IPSOS/SOPRA STERIA)

Ce second tour vient confirmer la réticence des électeurs les plus jeunes à se rendre aux urnes. Seuls 28% des 18-24 ans et des 25-34 ans ont ainsi voté dimanche, contre 35% des 35-49 ans, 43% des 50-59 ans et 57% des plus de 60 ans, selon l'estimation d'Ipsos/Sopra Steria. Les électeurs les plus âgés se sont un peu moins mobilisés que le 15 mars. 62% des 60-69 ans s'étaient déplacés pour voter lors du premier tour, tout comme 63% des électeurs âgés de 70 ans et plus. 

"L'âge reste le facteur essentiel de l'abstention aujourd'hui", développe Céline Braconnier. "L'abstention est très forte chez les jeunes, en particulier pour les élections locales. Ce qui est inédit, c'est le taux d'abstention des personnes âgées", en lien avec l'épidémie de Covid-19. 

Les femmes ont également davantage boudé les urnes dimanche : seules 38% d'entre elles sont allées voter, contre 45% des hommes, d'après l'estimation d'Ipsos/Sopra Steria. 

Les partisans de LREM ont davantage voté

Le profil des abstentionnistes au second tour des élections municipales de 2020 selon leur sympathie partisane.  (IPSOS/SOPRA STERIA)

Cette abstention record profite-t-elle à une formation politique plus qu'à une autre ? Difficile de le dire vu le caractère local de ce scrutin, répond Céline Braconnier. "D'habitude, l'abstention sert la droite, mais le Covid-19 a joué un rôle sur la démobilisation des personnes âgées" qui d'habitude votent davantage à droite, développe-t-elle. "Cela va peut-être neutraliser cet avantage."  

L'estimation Ipsos/Sopra Steria montre toutefois que les sympathisants de La République en marche se sont davantage mobilisés que les autres pour cette élection : ils sont 53% à être allés voter, contre 49% des sympathisants Les Républicains, 43% des électeurs socialistes et 42% des sympathisants du Rassemblement national. 

Les sympathisants de La France insoumise et d'Europe Ecologie-Les Verts, souvent plus jeunes, sont les plus abstentionnistes : 41% des sympathisants d'EELV se sont rendus dans leur bureau de vote, et 32% des électeurs de LFI. Sans surprise, les Français ne se sentant proches d'aucun parti sont peu nombreux à avoir voté : seuls 29% ont placé un bulletin dans l'urne dimanche. 

Au premier tour, selon une étude d'Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France et les chaînes parlementaires,  61% des sympathisants de La République en marche et du MoDem avaient voté, contre 55% des sympathisants de droite et 44% des électeurs de gauche. Les sympathisants du Rassemblement national n'avaient été que 40% à aller voter, comme 30% de ceux ne se sentant proches d'aucun parti. 

* Cette enquête a été réalisée en ligne les 26 et 27 juin auprès d'un échantillon de 3 004 personnes inscrites sur les listes électorales, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. 

** Cette enquête avait été menée auprès d’un échantillon de 3 018 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine. Parmi cet échantillon, 1 167 personnes résident dans les communes concernées par le second tour des élections municipales de 2020.

*** Cette étude d'opinion a été réalisée auprès d'un échantillon de 2 285 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Des marges d'incertitude doivent être prises en compte : 1 à 2,2 points au plus pour un échantillon de 2 000 répondants. 

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