Législatives 2024 : pourquoi Les Républicains pourraient, une nouvelle fois, jouer un rôle clé en cas de majorité relative pour le Rassemblement national

Ils pourraient apporter un renfort de voix précieux aux élus d'extrême droite pour faire adopter certains textes, comme ils l'ont parfois fait avec le camp présidentiel. Au sein du parti, les avis divergent sur cette perspective.
Article rédigé par Margaux Duguet - avec Laure Cometti
France Télévisions
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Les bancs des députés Les Républicains à l'Assemblée nationale lors de la précédente législature, le 4 juin 2024. (ANDREA SAVORANI NERI / NURPHOTO / AFP)

Ils étaient le groupe pivot lors de la précédente législature. Pendant deux ans, Les Républicains et leurs 61 députés ont souvent servi d'appui au camp présidentiel, qui ne disposait que d'une majorité relative, pour faire passer ses textes. Le parti de droite jouera-t-il le même rôle dans une Assemblée dominée par le Rassemblement national et ses alliés ? Au soir du premier tour des élections législatives, dimanche 30 juin, LR, fortement affaibli par plusieurs défaites électorales, a relativement limité la casse en recueillant 10,2% des suffrages, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.

Le parti, qui a refusé de suivre son président Eric Ciotti dans une alliance avec l'extrême droite, est qualifié dans 54 circonscriptions. "Comme en 2022, on peut imaginer que les LR qualifiés sont en bonne position pour le second tour, car ils peuvent récupérer les voix de pas mal de candidats éliminés au premier tour, notamment lors des duels, observe Mathieu Gallard, directeur d'études de l'institut de sondages Ipsos. Il y a deux ans, ceux qui étaient parvenus à se qualifier s'en étaient généralement très bien sortis ensuite."

"On attend le second tour"

Alors que la gauche et le camp présidentiel ont donné des consignes de vote pour battre le RN, la direction des Républicains a, comme lors des législatives de 2022, décidé de laisser ses électeurs libres. Résultat : des figures du parti ont opté pour des prises de position opposées. "Personnellement, je regrette cette absence de choix", a ainsi déploré la députée sortante Virginie Duby-Muller sur France Inter. "Quand il y a eu les présidentielles [de 2017 et 2022] et le Rassemblement national face à Emmanuel Macron, j'avais dit clairement que je voterai Emmanuel Macron." Sur TF1, la tête de liste aux européennes François-Xavier Bellamy a estimé pour sa part que "le danger qui guette notre pays aujourd'hui, c'est l'extrême gauche".  

Des dissonances qui rendent difficilement lisibles la position du groupe LR et son futur rôle au sein d'un hémicycle dans lequel le RN aurait une majorité relative. Ils sont d'ailleurs nombreux à botter en touche sur ce sujet. "Cette semaine, on la consacre au soutien de nos candidats, pas aux conjectures", répond ainsi Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR. "Les hypothèses, on les fera à partir des résultats concrets précis du 7 au soir !", assure aussi le député sortant de la Manche Philippe Gosselin. "Nous n'en sommes pas encore là, côté attitude", balaye-t-on également du côté du groupe sortant à l'Assemblée. D'autres rappellent aussi que Jordan Bardella a assuré qu'il refuserait le pouvoir si le RN n'obtenait pas de majorité absolue. "On attend le second tour. Je pense qu’ils seront loin de la majorité absolue, et je ne sais pas s’ils accepteront de former un gouvernement", relève ainsi un cadre de LR. L'extrême droite ne serait alors pas en capacité de dicter l'agenda de l'Assemblée nationale. 

Mais dans ce scénario, les troupes de droite pourraient jouer un rôle clé dans le nouvel hémicycle, à en croire les spécialistes. "En cas de majorité relative, ils seraient effectivement en bonne position, constate Mathieu Gallard. Soit, éventuellement, pour servir d'appoint à un RN avec une forte majorité relative. Soit, si le RN est à un plutôt bas niveau, comme acteur incontournable d'une majorité alternative allant de la gauche à la droite."

Plusieurs lignes se dessinent déjà

Imaginer LR comme force d'appoint du RN fait sourire dans le camp présidentiel. "Les LR n'ont pas forcément changé", tacle le député Renaissance sortant Marc Ferracci, proche d'Emmanuel Macron. "Depuis deux ans, ils ont eu beaucoup de mal à œuvrer collectivement. Si le RN a besoin de LR comme un groupe pivot, ils vont être confrontés à la problématique à laquelle on a fait face tout au long de cette législature : c’était un syndicat d’autoentrepreneurs de la politique". Lors de l'examen de la réforme des retraites, les macronistes s'étaient arrachés les cheveux pour tenter de comptabiliser les votes en faveur du texte des rangs des Républicains, fortement divisés sur le sujet. La majorité présidentielle avait finalement préféré ne pas prendre le risque de se reposer sur eux, en dégainant l'article 49.3 de la Constitution. 

Interrogés sur leur future conduite par rapport aux potentiels textes présentés par le RN, peu de députés sortants de LR répondent à cette heure. Mais ceux qui le font dessinent déjà des divergences. Seul député du parti réélu dès le premier tour, Philippe Juvin annonce qu'il votera les lois qui lui "paraissent bonnes" et s'opposera "à celles qui paraissent mauvaises". "Tout ça est du bon sens", justifie-t-il. Jean-Yves Bony, député LR sortant du Cantal, qui s'est mis pour le moment en retrait de son parti, est sur la même ligne : "Comme je l'ai toujours fait, quand les textes vont dans le bon sens, pour notre ruralité, pour la France, je ne regarde pas d'où viennent les propositions : je vote et je soutiens".

Mais d'autres ne partagent pas ce positionnement, sans le dire ouvertement. "Mon premier souvenir politique, c'est Jean-Marie Le Pen au second tour. Je vais être élu contre le RN, confie un autre sortant, en ballotage favorable dans sa circonscription. Pour les grands textes du RN, je ne serai pas leur béquille s'ils n'ont pas la majorité absolue". Les futurs députés LR parviendront-ils à déterminer une ligne commune ? La question reste posée. 

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