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Grève à la SNCF : qu'est-ce qui pourrait faire durer le conflit (ou au contraire le tuer) ?

Les cheminots ont donné le ton mardi, lors du premier jour de leur mobilisation contre la réforme ferroviaire, prévue pour durer jusqu'à fin juin. Face à eux, le gouvernement assure "tenir bon". Jusqu'où ce face-à-face peut-il tenir ? 

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La grève des cheminots à la gare du Nord, à Paris, le 3 avril 2018. (MAXPPP)

"Nous tiendrons le temps qu'il faudra", assure Erik Meyer, porte-parole de Sud Rail. Comme l'avait anticipé la SNCF, le trafic a été "très perturbé", mardi 3 et mercredi 4 avril, premier et deuxième jours d'une grève au long cours des cheminots. Ces derniers contestent la réforme du rail du gouvernement et entament une grève "tournante" avec deux jours de mobilisation sur cinq, étalés sur trois mois.

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En face, le gouvernement se dit prêt à gagner le bras de fer. "Cette réforme est indispensable, je la conduirai jusqu'au bout, le gouvernement tiendra bon", a assuré la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Le conflit semble parti pour durer. Mais quels paramètres peuvent orienter le conflit ? Le gouvernement et les syndicats sont-ils disposés à négocier ? Eléments de réponse.

L'entente entre les syndicats

Les syndicats CGT, Unsa, Sud Rail et la CFDT se sont tous lancés dans la bataille du "rail", mais sans unité sur la stratégie. Sud Rail a refusé de participer à une grève "intermittente" (deux jours de mobilisation sur cinq jusqu'au 28 juin) voulue par la CGT, l'Unsa et la CFDT, et prône une grève illimitée reconductible par 24 heures. Sud Rail, qui pèse 17% des salariés de l'entreprise, a déjà déposé son préavis de grève reconductible pour permettre une poursuite du mouvement après le 4 avril, dernier jour de grève de la semaine pour les autres syndicats.

La poursuite de la grève doit être votée en assemblées générales ce mercredi. L'issue de ces réunions est essentielle, Sud Rail pourrait jouer sur la mobilisation des premiers jours pour convaincre les cheminots d'entrer dans un mouvement illimité. Au contraire, l'intersyndicale pourrait insister pour garder le plan initial et avoir des marges de manœuvre en cas de négociation avec le gouvernement, notent Les Echos

Le soutien des cadres de la SNCF au mouvement

Selon les chiffres de la SNCF, 17% des cadres se sont mis en grève mardi, un taux de mobilisation identique à celui du 22 mars selon Les Echos, où près d'un cadre sur cinq avait rejoint le mouvement. L'implication des cadres est scrutée de près par la direction car ces salariés sont traditionnellement peu mobilisés. Certains cadres non grévistes habilités à remplacer les conducteurs de trains peuvent être réquisitionnés par l'entreprise les jours de grève pour faire circuler les trains.

Cette année, les cadres se mobilisent davantage car ils contestent, entre autres, le discours du gouvernement, jugé injuste pour le personnel, reprennent Les Echos. "Je suis cadre et j'ai beaucoup de collègues qui sont en grève, explique Yves Le Pallec, secrétaire général de la CFDT cheminots en Lorraine, à France Bleu. On compte souvent sur l'encadrement pour remplacer les contrôleurs grévistes dans les trains. Mais déjà, le 22 mars, beaucoup ont refusé de le faire." 

Pour encourager les cadres "conducteurs occasionnels" à travailler, la SNCF a mis en place une prime de 150 euros, mais les syndicats dénoncent une "manœuvre". Reste donc à savoir combien de temps les cadres se mobiliseront. Mercredi, ils étaient 11% à faire grève, selon les chiffres fournis par la SNCF à 11 heures.

La position de l'opinion publique

La plus dure des batailles est sans doute celle de l'opinion. "La popularité d'un mouvement est liée à la fois à la perception de sa légitimité et à l'impression qu'il défend l'intérêt commun", explique l'historien Christian Chevandier, auteur de Cheminots en grève ou la construction d'une identité (éd. Maisonneuve & Larose, 2002) au Monde. Selon un sondage Elabe pour BFMTV, publié mercredi 4 avril, 22% des Français s'opposent à la mobilisation des cheminots, 44% la soutiennent et 15% y sont indifférents.

Pour gagner cette opinion, gouvernement et syndicats mènent un combat de communication dans les médias et sur les réseaux sociaux. Sur le fond, le Premier ministre Edouard Philippe a donné la position du gouvernement dès février, en présentant la réforme "que tous les Français savent nécessaire" au vu de la situation "alarmante" de la SNCF. Le but est de "conserver le soutien" de l'opinion publique, résume une source gouvernementale à l'AFP. "La première chose à faire, c'est de beaucoup communiquer et de montrer qu'on ne varie pas du cap fixé". 

"Le rapport de force est plutôt favorable au gouvernement" car celui-ci s'appuie sur "le sentiment que le service public ferroviaire ne fonctionne plus assez bien", développe Bruno Jeanbart, de l'institut de sondages OpinionWay, interrogé par l'AFP, même si les cheminots ne sont pas forcément visés en particulier. "Tout va se jouer au mois d'avril". Une grève longue peut "renforcer le sentiment que le gouvernement va au clash sans chercher de négociation" et l'opinion publique pourrait donc se retourner.

Ce que va finalement décider le gouvernement

Pour le moment, Emmanuel Macron a pris soin de ne pas apparaître en première ligne sur le conflit, laissant le gouvernement mener les concertations avec les syndicats, note Le Monde. A plusieurs reprises, l'exécutif s'est montré ouvert aux négociations et a mis en avant la "concertation" lancée avec les syndicats. "Je fais des avancées, les syndicats, eux, n'ont pas changé leur position", assure Elisabeth Borne, sur BFMTV. La ministre des Transports a même lâché du lest, mardi, en annonçant qu’une "contribution" des poids lourds sera discutée au Parlement pour financer les infrastructures de transports. Le gouvernement a aussi décidé d'accorder aux cheminots la portabilité de leurs droits sociaux en cas de transfert dans de nouvelles sociétés privées qui reprendraient certaines lignes, le fameux "sac à dos social", résume Le Monde.

"Plus la ministre (des Transports) passe à la télé, plus elle annonce des réunions", a ironisé Philippe Martinez de la CGT, déterminé à maintenir le mouvement. Mais au sein des syndicats, certains se disent prêts à dialoguer avec le gouvernement. Invité de franceinfo mercredi, le secrétaire général adjoint de la CGT-cheminots Thierry Nier est allé dans ce sens. Il a prévenu que la grève ne se poursuivrait les 8 et 9 avril "que si les négociations ne s'ouvrent pas" avec le gouvernement. 

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