Catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge : l'émotion et le numéro d'équilibriste de Guillaume Pepy lors du procès
Au quatrième jour du procès de Brétigny-sur-Orge, très ému, l'ex-patron de la SNCF a été entendu pour tenter d'expliquer la catastrophe ferroviaire de 2013, qui a fait sept morts et plus de 400 blessés.
Il n'a pas caché son émotion. Au quatrième jour du procès de Brétigny-sur-Orge, jeudi 28 avril 2022, l'ex-patron de la SNCF Guillaume Pepy a fait part de sa "très profonde compassion" et de "sa totale solidarité" avec les victimes à deux reprises. Le tribunal d'Evry juge pendant huit semaines la SNCF, SNCF Réseau et un cadre cheminot pour "homicides involontaires" et "blessures involontaires". Le 12 juillet 2013, le désassemblage et le retournement d'une éclisse en acier - sorte de grosse agrafe qui joint deux rails entre eux - avaient fait dérailler un train Intercités, qui circulait à 137km/h pour une vitesse autorisée de 150km/h. Le drame a fait sept morts et 400 blessés.
Après ce préambule, la voix de l'ancien patron, costume et cravate sombres, a vacillé un instant, face à l'émotion. Il boit un verre d'eau, puis respire le temps de la pause proposée par la présidente. Guillaume Pepy se souvient alors de son arrivée, en moto-taxi, à Brétigny-sur-Orge, quelques minutes seulement après le drame. Un cheminot l'emmène tout de suite et lui montre l'éclisse, cette pièce de métal décrochée des rails et qui s'est logée dans l'aiguillage.
Aussitôt, le patron, devant les caméras, avait assumé la responsabilité de l'entreprise et parlait alors d'un "problème de maintenance". Aujourd'hui, à la barre, il rectifie :
"Je regrette cette approximation due à l'émotion extrême. Je voulais juste exclure la piste terroriste. J'ai tout de suite reconnu la faute morale de la SNCF"
Guillaume Pepy
"Pour la faute pénale, je n'ai pas d'opinion. C'est à vous, le tribunal, de le dire", ajoute-t-il.
"Défaut imprévisible de l'acier"
À propos des réseaux ferrés en Île-de-France, très vieillissants à l'époque, il précise "Vieillissant ne veut pas dire dangereux. Une voiture ancienne qui valide le contrôle technique n'est pas plus dangereuse qu'une voiture récente. Avec le réseau, c'est la même chose". En effet, pour pallier le vieillissement de la voie Paris-Limoges sans affecter cette sécurité, les trains avaient été ralentis auparavant et le trajet rallongé de 40 minutes.
Si Guillaume Pepy a toujours assumé la responsabilité de la SNCF dans cette catastrophe, dans ce procès, pourtant, la compagnie rejette au contraire toutes les fautes dont elle est accusée dans ce dossier. Il doit alors jouer les équilibristes en répondant aux questions du tribunal et des avocats. Il concède alors : "J'ai acquis la conviction avec l'enquête que dans le secteur de Brétigny, la traçabilité n'était pas bien faite, l'organisation de la maintenance pas optimale". Mais pour autant, pour lui, ce n'est pas dans ce contexte que réside les causes de l'accident. Il reprend la thèse des experts cités par la SNCF : celle d'un défaut du métal, de l'acier, de la pièce qui s'est décrochée. Un "défaut imprévisible de l'acier". A l'opposé, donc, de la thèse de l'accusation dans ce procès qui, elle, pointe du doigt un déficit d'entretien des voies.
Des briefings juridiques édifiants
Un avocat de parties civiles lui rétorque "Ça semble plus facile à la SNCF d'incriminer le matériel que les hommes". L'ex-PDG est cuisiné, aussi, au sujet des écoutes téléphoniques que les juges d'instruction ont ordonné, tant ils doutaient de la volonté de transparence au sein de la SNCF dans ce dossier.
On y entend une cadre du service juridique briefer des salariés de Brétigny avant leur audition par les policiers. Elle recommande : "Tu viens sans aucun document. Il faut les laisser chercher". D'autres écoutes sont plus édifiantes encore, laissant penser à une dissimulation d'informations. Guillaume Pepy dit "regretter profondément" ce qu'il qualifie de "dérapages verbaux qui ne répondent aucunement à une instruction de la direction générale de la société". Cette cadre du service juridique, "elle a quitté l'entreprise et c'est heureux", commente-t-il.
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