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On adore détester la SNCF, et pourtant…

L'entreprise publique a commandé des TER trop larges par rapport aux quais, suscitant de multiples railleries, et donnant là une raison de plus de la critiquer. Francetv info détaille pourquoi ces condamnations ne sont pas forcément fondées.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Un TER de la région Nord-Pas-de-Calais entre en gare de Bailleul (Nord), le 18 février 2014. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

En commandant des trains TER trop larges par rapport aux quais, la SNCF a été l'objet de nombreuses moqueries depuis mardi 20 mai. Jacques Rapoport, le PDG de Réseau ferré de France (RFF), qui gère les infrastructures ferroviaires, a beau assurer, dès le lendemain, qu'il ne s'agit pas d'une "boulette", et qu'il n'y aura pas d'incidence sur le prix des billets, le mal est fait.

Retards, tarifs, sécurité, la SNCF fait très fréquemment l'objet de railleries et de remarques acerbes. Les Français ont-ils raison de l'accabler de la sorte ? Francetv info s'attarde sur quatre points pour tenter d'y voir plus clair.

Les rames trop larges

La SNCF est contrainte de raboter 1 300 quais sur les quelque 8 700 du réseau français, en raison de ces rames surdimensionnées. Selon Christophe Piednoël, directeur de la communication de RFF, ces travaux vont coûter 50 millions d'euros sur un budget annuel de 4 milliards d'euros. Mais Le Canard enchaîné affirme que RFF aurait débloqué d'urgence 80 millions, "la note [risquant] d'être beaucoup plus salée".

Pour Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, cette affaire est "consternante" et "stupide". De son côté, le secrétaire d'Etat aux Transports, Frédéric Cuvillier, réclame une enquête interne pour "identifier la façon dont les choses sont décidées".

Et pourtant… Ces aménagements n'ont rien d'une surprise. Le problème était connu depuis au moins deux ans, grâce à des essais réalisés en gare, a indiqué RFF au FigaroSlate relève que sur le site internet du Transilien, le réseau de trains de la région Ile-de-France, "on peut lire dès le 17 janvier 2014 que l'arrivée du Régiolis sur plusieurs lignes nécessitera des travaux de rabotage des quais".

Pour sa défense, RFF dit avoir commandé des rames plus larges que les anciennes de façon délibérée. Pour au moins trois raisons, se justifie-t-il : d'abord, la nécessité d'avoir des trains plus grands pour accueillir un nombre croissant de voyageurs. En dix ans, expose le réseau, le trafic a augmenté de 50% en Ile-de-France et de 40% dans les autres régions. Ensuite, la coexistence de gares aux mensurations variées à cause des différentes périodes de construction nécessite une normalisation, insiste RFF. Enfin, le vieillissement du réseau fait que les constructions bougent "verticalement et transversalement", explique le site spécialisé Transport Rail.

Les retards

Qui n'a pas râlé à cause d'un train en retard, qui ne s'est pas emporté en affirmant que cela arrivait "tout le temps" ? Travaux, matériel vétuste, voyageur malade, météo, vol de métaux… les raisons de ces contretemps sont nombreuses, comme l'expliquaient Rue89 et 20minutes.fr, en 2010. La SNCF a même été condamnée, en 2012, car des retards à répétition sur la ligne reliant Lyon (Rhône) à Ambérieu (Ain) avaient causé le licenciement d'une employée de 25 ans.

Et pourtant… 90% des TGV sont à l'heure, comme le montre cette infographie de l'Autorité de la qualité de service dans les transports reproduite ci-dessous.

Dans le détail, la ligne Méditerranée est plus ponctuelle que l'Atlantique. Un train sur quatre arrive en retard sur la première. Si vous allez vers l'Ouest, les conditions de circulation sont meilleures : sur la ligne Paris-Poitiers, seuls 4% des trains sont en retard, 4,4% sur la liaison Paris-Brest, et 4,8% sur l'axe Paris-Saint-Malo, précisait une étude du magazine 60 millions de consommateurs, en 2013.

Du côté des TER, le constat est identique. Le taux de ponctualité flirte, en moyenne, avec les 90%, selon des chiffres de la SNCF.

Les tarifs

Deux Français sur trois jugent la communication sur la grille tarifaire insuffisante ou opaque. Et huit voyageurs sur dix pensent que les prix des billets sont trop élevés, affirmait en octobre l'association de défense des consommateurs CLCV. La faute à des différences de tarifs, notamment entre Paris et les régions. Ou encore à des prix variables dans la même voiture, pour le même trajet.

Comme souvent, Guillaume Pepy, le président de la SNCF, a tenté de rassurer les clients avec des annonces choc. Par exemple, en décembre, il a assuré que les billets pour voyager le 1er janvier 2014 seraient vendus au tarif "prem's".

Un "tour de passe-passe", dénonce alors sur Mediapart Hubert Huertas, ancien chef du service politique de France culture. "C'est sympathique pour les familles. Elles pourront faire des économies, à condition de voyager le 31 décembre à partir de 20 heures, donc à l'heure du réveillon, 29 euros pour un Paris-Marseille, et repartir le 1er de l'an, car le jeudi 2 janvier le Marseille-Paris, en deuxième classe, évolue en moyenne entre 100 et 150 euros, soit sensiblement plus cher que le billet d'avion", ajoute-t-il.

Et pourtant… Un journaliste de la chaîne américaine CNN, Stephen Clarke, estime dans un article (en anglais) publié en février, que le système ferroviaire français fait partie des réussites de l'Hexagone. Il évoque des prix "attractifs", et vante "les excellentes affaires" du site de la SNCF, qui propose "d'acheter un billet de première classe pour quelques euros de plus".

Si le prix des billets a augmenté de 3% au 1er janvier 2014, il ne s'agit pas d'un choix de la SNCF, mais de l'Etat qui empoche la totalité des recettes générées par cette hausse. En cause, le relèvement du taux de TVA de 7 à 10%, qui s'est appliqué aux billets de trains, du Transilien au TER, et du TGV à l'Intercité, expliquait Libération en octobre 2013.

La sécurité

Après le drame de Brétigny-sur-Orge (Essonne) de juillet 2013, qui a fait sept morts, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les risques accrus d'accident. Différents facteurs ont été pointés : l'âge avancé des infrastructures, le manque d'entretien de certains réseaux secondaires, l'organisation désordonnée.

"Le recours à la sous-traitance contribue à fragiliser le système par l'utilisation de main-d'œuvre mal équipée et peu formée, mais aussi par la dilution des responsabilités derrière des relations contractuelles en cascade", ont dénoncé les cheminots CGT de Lyon, rapportait alors L'Humanité.

Et pourtant… "Sur le réseau ferroviaire français, il existe une sécurité parfaite ou presque", a affirmé Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports, à 20minutes.fr. En France, il y a tous les ans entre 70 et 100 morts dans des accidents dus à des trains, selon les données d'Eurostat, l'office européen de la statistique. De façon générale, les déraillements et les collisions sont rares.

En 2012, sur les 5 millions de trains qui ont circulé dans l'Hexagone, 136 accidents significatifs se sont produits. Le graphique qui suit s'inspire d'une infographie du Monde.fr, datant de juillet 2013. Il présente le nombre de morts sur le réseau français, en 2012, selon les différentes circonstances : accidents à des passages à niveau, accidents "provoqués par du matériel roulant en mouvement" (c'est-à-dire des personnes fauchées par un train ou qui en sont tombées, sans tenir compte des suicides), ou encore collisions.

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