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"Je me suis positionné pour des raisons commerciales" : près de 40 personnes ont déposé des marques "gilets jaunes"

Franceinfo a interrogé plusieurs d'entre elles pour connaître leurs motivations. Certains imaginent des badges pour montrer son appartenance au mouvement et Florian Philippot espère pouvoir créer une liste aux européennes.

Article rédigé par franceinfo - Auriane Guerithault
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des gilets jaunes pendant l'acte 6 à Paris.  (KARINE PIERRE / HANS LUCAS)

Opportuniste ? Eric Zajdermann plaide la pure coïncidence : mardi 13 novembre, à quelques jours des premiers blocages de ronds-points, son entreprise Anatome a déposé la marque "gilet jaune" à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) pour répondre à un appel d'offres de la Sécurité routière. "J'ai été inspiré par une ancienne expérience", explique-t-il à franceinfo : une campagne de publicité de 2008, déjà pour la Sécurité routière, et pour laquelle le styliste Karl Lagerfeld, portait un gilet jaune, accompagné du slogan "C'est jaune, c'est moche, ça ne va avec rien mais ça peut sauver des vies".

"J'avais un souvenir ému de ce travail, donc j'ai proposé ce nom mais je n'ai aucune intention d'utiliser la marque 'gilet jaune'", affirme Eric Zajdermann. Selon lui, sa demande est bien antérieure au mouvement. "Pour des raisons administratives, elle a été publiée avec du retard et coïncidait avec le début des manifestations des 'gilets jaunes' en France", assure-t-il. La Sécurité routière a confirmé à Numerama que son agence de communication et deux autres avaient répondu, avec cet intitulé, à un de ses appel d'offres pour des services de "conseil stratégique" et d'"outils de communication offline". Et ce dès le 4 octobre, bien avant l'émergence du mouvement.

Bientôt des pin's à l'effigie des "gilets jaunes" ?

Au total, 38 demandes de dépôt de marque avec les expressions "gilet jaune" ou "gilets jaunes" ont été enregistrées par l'Inpi depuis début novembre. Mohamed Ali Mira a ainsi entrepris les démarches fin novembre via son entreprise de promotion immobilière, sans avoir participé à aucune manifestation du mouvement, qu'il juge cependant "légitime"Il assume, auprès de franceinfo, avoir voulu déposer les marques "fier d'être gilet jaune" et "fiers d'être gilets jaunes" – et les noms de domaine correspondants – pour "des raisons commerciales" "A partir du moment où ça pouvait gagner de l'ampleur, du côté politique ou syndical, c'est là que je me suis positionné", précise-t-il.

C'est un mouvement qui marquera la société, les gens s'y reconnaîtront.

Mohamed Ali Mira

à franceinfo

Ancien dirigeant d'une entreprise de régie publicitaire, il affirme avoir déjà déposé des marques par le passé auprès de l'Inpi. Pour l'instant, il assure ne pas savoir exactement ce qu'il pourrait faire de "fier d'être gilet jaune" : "J'attends de voir ce qu'il va se passer, je reste attentif", assure Mohamed Ali Mira. L'entrepreneur a cependant vu large, déposant une demande pour exploiter la marque aussi bien pour des produits imprimés, des vêtements, des publicités ou encore des activités de télécommunications. Pourquoi pas créer "des badges qui permettront aux gens de s'afficher avec dans les manifestations", suggère-t-il, inspiré par des pin's qu'il a distribués dans les années 1990 et sur lesquels on pouvait lire "fier d'être Marseillais".

Florian Philippot veut l'utiliser en politique

Parmi les autres dossiers déposés figure le nom d'un politique. Le directeur de cabinet de Florian Philippot, Joffrey Bollée, a ainsi fait une demande en vue des élections européennes, enregistrée par l'Inpi le 30 novembre. De la récupération politique ? Florian Philippot, désormais président de son propre parti, Les Patriotes, s'en défend dans L'Opinion. "J'encourage nos élus et nos adhérents à soutenir le mouvement depuis le début, justifie-t-ilL'idée n'est pas sortie de mon chapeau depuis trois semaines, je voulais déjà donner cette coloration sociale au Front national."

Il s'agit surtout de faire en sorte que les vrais amis des 'gilets jaunes' disposent de l'appellation, et pas les faux amis ou les ennemis.

Florian Philippot

à "L'Opinion"

"Jamais de la vie [le parti Les Patriotes] ne privatisera la marque 'gilet jaune'", insiste Joffrey Bollée auprès de franceinfo. Il évoque une simple "mesure de précaution" "On se méfie, il peut y avoir des gens malintentionnés. On veut se prémunir du pouvoir autour de Macron." "On est partie prenante du mouvement depuis le début, on va essayer de faire une liste 'gilet jaune'" aux européennes, poursuit Joffrey Bollée, qui assure avoir été contacté par des manifestants de plusieurs départements. Rien de précis n'est acté pour l'instant, d'autant que d'autres "gilets jaunes" envisagent également une candidature.

Des dossiers toujours "en cours de traitement"

Pour l'heure, aucune de ces demandes de marques n'a été validée par l'Inpi. En 2015, l'organisme avait refusé que le slogan "Je suis Charlie", largement repris par le grand public après l'attentat contre Charlie Hebdo, ne devienne une marque, malgré une cinquantaine de demandes déposées"Ce slogan ne peut pas être capté par un acteur économique du fait de sa large utilisation par la collectivité", avait alors jusitifié l'Inpi.

En sera-t-il de même pour les "gilets jaunes" ? Sollicité par franceinfo, l'Institut national de la propriété industrielle n'a pas voulu répondre à nos questions, ne souhaitant pas commenter "les dossiers en cours de traitement". "Si un parti politique s'approprie l'expression, je considérerais qu'on peut attaquer pour dépôt frauduleux", estime Emmanuelle Hoffman, avocate spécialisée dans la propriété intellectuelle, interrogée par franceinfo.

A ce jour, seule la marque "Mon gilet jaune", déposée en juillet 2008, bien avant l'émergence du mouvement, est protégée. Sa propriétaire, Claudine Bucourt, l'avait enregistrée pour commercialiser des gilets jaunes "personnalisés, fabriqués en matière imperméable et dotés d'une capuche", racontait à l'époque La Manche libre. Comme le veut la procédure, des juristes sont actuellement en charge de l'examen des nouvelles demandes de dépôts, des démarches qui peuvent prendre jusqu'à quatre mois.

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