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Vrai ou faux Les syndicats n'ont-ils pas proposé de "compromis" sur la réforme des retraites, comme l'affirme Emmanuel Macron ?

Les organisations syndicales contestent ses déclarations. Si, concernant les mesures phares de la réforme, le président dit plutôt vrai, des propositions en matière d'emploi des seniors et de financement du système ont pourtant bien été avancées.
Article rédigé par franceinfo
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La tête du cortège lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 15 mars 2023. (THOMAS SAMSON / AFP)

Une pique adressée aux syndicats opposés à la réforme des retraites. Lors de son interview aux "13 heures" de France 2 et de TF1, mercredi 22 mars, Emmanuel Macron n'a pas seulement défendu le bien-fondé du texte. Pour sa première prise de parole depuis l'utilisation de l'article 49.3 par Elisabeth Borne pour faire adopter la réforme, il a aussi dénoncé l'attitude de ses opposants. "Je regrette qu'aucune force syndicale n'ait proposé de compromis" au cours des discussions avec les partenaires sociaux, a affirmé le chef de l'Etat. De quoi faire bondir les organisations en question, qui ont dénoncé du "mépris", du "foutage de gueule" et des "mensonges".

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Selon Erik Meyer, secrétaire fédéral du syndicat Sud-Rail, interrogé par franceinfo, "c'est le gouvernement qui a refusé tout compromis sur le financement et le partage de l'effort entre le capital, les entreprises et le salariat". "Nous avions tous la volonté d'aboutir à un compromis avec le gouvernement en matière d'emploi et de salaires, on disait d'attendre, de voir comment réagit le marché du travail", a, pour sa part, déploré le secrétaire confédéral du syndicat Force Ouvrière Michel Beaugas, sur franceinfo. Le chef de l'Etat dit-il vrai ou fake ?

Aucun compromis de la part des syndicats ? Pas si simple

Pour le savoir, un détour préalable par le dictionnaire s'impose. Le président a utilisé le terme "compromis" qui, selon Le Robert, désigne "un arrangement dans lequel on se fait des concessions mutuelles". Pas de motion de défiance du côté du Larousse qui parle d'une "action qui implique des concessions réciproques". Rétrospectivement, un compromis aurait pu être discuté à partir d'octobre 2022, lorsque les huit organisations syndicales nationales s'apprêtaient à prendre part à la concertation sur la réforme du gouvernement.

Avant même qu'un projet de loi soit déposé, les syndicats se sont opposés aux premiers contours de la réforme, à commencer par un report de l'âge légal de départ. Engagé sur une limite à 65 ans dans un premier temps, le gouvernement a abaissé ce seuil à 64 ans, avant tout pour convaincre Les Républicains (LR) dans l'espoir de trouver une majorité à l'Assemblée nationale pour voter la réforme. Pas question non plus, pour les syndicats, d'allonger la durée de cotisation. C'est pourtant bien ce que souhaite faire le gouvernement, en accélérant l'allongement de la durée de cotisation requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein, voté en 2014 via la réforme Touraine.

Sur ces deux points centraux, aucun terrain d'entente n'a été trouvé entre les syndicats et le gouvernement ces derniers mois. Ainsi, au sens strict, l'affirmation d'Emmanuel Macron est juste. Aucune concession n'a été faite par les syndicats. Ceux-ci n'ont pas changé de position et sont restés unis dans leur refus de ces deux mesures. Leur mot d'ordre a toujours été le "retrait" du texte, même si sur certains aspects de la réforme, les deux camps ont pu être d'accord. En octobre, l'Unsa proposait la création d'un index senior, comme le gouvernement. La CFDT était aussi d'accord avec cette mesure, la jugeant toutefois "très en deçà des enjeux" en matière d'emploi des seniors.

Un dialogue difficile

Néanmoins, les dires du chef de l'Etat peuvent être nuancés. Si un compromis implique une réciprocité des concessions, celles-ci n'ont pas non plus émergé du côté de l'exécutif, à la demande des syndicats. Le gouvernement n'a jamais accepté de revenir sur le report de l'âge légal de départ à 64 ans. Ni sur l'allongement de la durée de cotisation. Deux mesures qu'il a toujours considérées nécessaires, ne voulant ni baisser les pensions, ni augmenter les cotisations. Des concessions ont bien été faites par le gouvernement, mais surtout à la suite des demandes du parti LR, notamment sur les carrières longues ou les pensions des mères de famille.

A défaut de compromis sur les dispositions phares du texte, les syndicats ont néanmoins proposé des options pour financer dans la durée le système de retraites. La CGT a par exemple calculé qu'une augmentation de 5% des salaires du privé et la fin des inégalités salariales entre les femmes et les hommes dégagerait respectivement 9 et 5,5 milliards d'euros pour les retraites. La CFDT et la CFTC proposaient de leur côté de lutter contre le chômage des seniors, en introduisant davantage de formation après 45 ans ou à travers l'instauration de mesures contraignantes en termes d'emploi des seniors. L'augmentation des cotisations sociales des employeurs ou de salariés avec de hauts revenus a également été évoquée, notamment par la CGT et l'Unsa. Autant d'idées rejetées par la majorité.

"La CFDT a (...) proposé d'autres sources de financement possibles une fois que nous avions compris que le président de la République et le gouvernement voulaient aller sur un report de l'âge", a résumé Laurent Berger sur France Inter, mercredi. "Avant cela, nous avions proposé de repartir sur un système universel des retraites qui soit peut-être un peu plus simple que ce qui avait été esquissé en 2019", a-t-il poursuivi. Une manière de rappeler que le syndicat était d'accord avec l'idée d'une réforme du système de retraites par points, comme le souhaitait Emmanuel Macron en 2019. Une époque qui paraît lointaine.

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