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Réforme des retraites : combien vont coûter les concessions faites par le gouvernement aux Républicains dans le texte final ?

A l'issue d'un examen parlementaire mouvementé, la version finale du projet de loi contient "sept milliards d'euros de mesures d'accompagnement social", a reconnu lundi le ministre de l'Economie.
Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, lors du vote sur la réforme des retraites, le 16 mars 2023. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

L'objectif d'équilibre du système des retraites à l'horizon 2030 est-il toujours garanti ? Au fil des débats parlementaires, le gouvernement a répondu favorablement à plusieurs revendications des élus Les Républicains, dont les voix étaient cruciales pour faire passer la réforme. La version définitive du texte, adoptée à l'Assemblée lundi 20 mars après le rejet des motions de censure, intègre ainsi une série de nouvelles mesures chères à la droite, notamment sur les carrières longues ou la pension des mères de famille. 

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Avec ces concessions, le projet contient désormais "sept milliards d'euros de mesures d'accompagnement social", a déclaré Bruno Le Maire lundi sur BFMTV. Un budget "généreux" et "nécessaire", selon le ministre de l'Economie, mais bien plus élevé que les 4,8 milliards initialement évoqués début janvier, lors de la première présentation du projet de loi (document PDF).

Les carrières longues vont bénéficier de 700 millions supplémentaires

Si le recul de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans doit permettre de dégager 17,7 milliards d'euros de recettes, selon l'étude d'impact de la réforme (document PDF), ces dernières ne sont pas suffisantes pour à la fois combler le déficit du régime (anticipé à 13,5 milliards d'euros en 2030) et mettre en œuvre les mesures supplémentaires adoptées au cours de l'examen du texte. Avant même l'arrivée de la réforme à l'Assemblée nationale, le gouvernement a d'ailleurs fait le choix de financer la revalorisation des petites pensions (dont le coût est estimé à 1,8 milliard d'euros) par des transferts de cotisations entre branches de la Sécurité sociale. 

Concrètement, les entreprises paieront davantage de cotisations vieillesse. En contrepartie, les prélèvements qui alimentent la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécu, "très excédentaire" selon l'exécutif, seront réduits dans les mêmes proportions, afin que l'opération ne pèse pas sur les entreprises. "Au total, 1,7 milliard d'euros de recettes supplémentaires seront affectés au système de retraite en 2030", relève l'étude d'impact.

Ces dernières semaines, plusieurs gestes faits en direction des Républicains ont contribué à alourdir encore la facture. Sur les carrières longues, Elisabeth Borne s'est par exemple montrée favorable à l'extension du dispositif aux actifs qui ont débuté leur vie professionnelle entre 20 et 21 ans. En commission mixte paritaire, les élus de droite ont également obtenu la possibilité pour les carrières longues de partir à la retraite après 43 années de cotisation, si l'âge minimum de départ est atteint. Ces deux mesures coûteront respectivement "400 millions d'euros et 300 millions d'euros", a détaillé la rapporteure du texte à l'Assemblée nationale, Stéphanie Rist, lors des travaux de la commission mixte paritaire. Soit 700 millions d'euros de dépenses supplémentaires sur les carrières longues.

Des mesures pour les mères de famille chiffrées à 300 millions

Les Républicains ont par ailleurs obtenu des avancées sur les pensions des mères de famille. La commission mixte paritaire a retenu une surcote pouvant aller jusqu'à 5% pour les femmes qui atteignent le taux plein un an avant l'âge légal de départ, sous l'effet des trimestres maternité et éducation des enfants. Ce geste, chiffré à 300 millions d'euros, "touchera 30% des femmes d'une génération", soit "130 000 personnes" par an, selon le sénateur Les Républicains de la Marne René-Paul Savary, rapporteur du texte à la chambre haute.

Sur l'emploi des seniors, le Sénat avait voté en première lecture la création d'un contrat de travail spécifique, exonéré de cotisations familiales, pour encourager l'embauche des chômeurs de plus de 60 ans. Le coût de cet amendement était estimé à "800 millions d'euros". En commission mixte paritaire, les parlementaires se sont finalement accordés sur une version moins ambitieuse et moins onéreuse, qui prévoit l'expérimentation de ces contrats jusqu'en septembre 2026.

Cette nouvelle mouture représentera chaque année "100 millions d'euros de dépenses pour la branche famille", d'après René-Paul Savary. Le sénateur LR juge cependant que cette disposition ne pèsera pas sur les comptes de la Sécurité sociale, car en retrouvant un emploi, les seniors concernés seront soumis à d'autres cotisations, qui compenseront les exonérations.

Enfin, les élus LR ont inscrit dans le texte le maintien de la retraite à 60 ans pour une partie des travailleurs en incapacité. Là encore, "cette mesure ne pèsera pas sur l'équilibre du système", a expliqué René-Paul Savary lors de la commission mixte paritaire. "Les dépenses créées par le dispositif étant compensées par la branche accidents du travail et maladies professionnelles", selon le sénateur LR.

Un transfert de cotisations pour "boucler l'équation budgétaire"

Au total, environ un milliard d'euros restait à trouver pour financer les mesures sur les carrières longues et la pension des mères de famille. Pour rentrer dans les clous budgétaires, les sénateurs ont voté plusieurs dispositions de "lutte contre la fraude", "qui devraient générer 200 millions d'euros", a souligné la députée Renaissance Stéphanie Rist.

Sur ce point, le texte reprend un amendement du chef des sénateurs LR, Bruno Retailleau, qui vise à augmenter de six à neuf mois la durée annuelle de résidence en France nécessaire pour percevoir le minimum vieillesse. Les parlementaires ont également acté une hausse de la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle, qui doit créer 300 millions d'euros de recettes.

Enfin, le gouvernement a annoncé jeudi au Sénat (document PDF) un nouveau transfert de cotisations entre les branches de la Sécurité sociale. L'entourage du ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, assure à franceinfo que 700 millions d'euros supplémentaires seront ainsi transférés de la branche accidents du travail-maladie professionnelle vers la branche vieillesse, et permettront de "boucler l'équation budgétaire". Malgré cette manœuvre, la branche AT-MP resterait excédentaire de 1,4 milliard en 2026, selon les prévisions du texte.

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