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Réforme des retraites : quatre questions sur le "CDI seniors" voté par le Sénat contre l'avis du gouvernement

Les sénateurs de droite veulent favoriser l'emploi des salariés les plus âgés avec ce nouveau type de contrat, critiqué par l'exécutif et diversement apprécié par les partenaires sociaux.
Article rédigé par franceinfo
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Les élus Les Républicains au Sénat, à Paris, le 6 mars 2023. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

Est-ce le signe que Les Républicains veulent marquer la réforme des retraites de leur empreinte, alors que le texte est examiné au Sénat jusqu'à dimanche soir minuit ? Le Sénat, à majorité de droite, a voté lundi 6 mars un nouveau type de CDI, le "CDI seniors", qui vise à favoriser l'emploi des salariés les plus âgés avant la retraite.

Introduit dans le projet de loi contre l'avis du gouvernement et des parlementaires de gauche, le dispositif pourrait toutefois être sacrifié lors des dernières étapes législatives de cette réforme. Franceinfo revient en quatre questions sur les contours et l'avenir de ce contrat, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial.  

1 Comment fonctionnerait ce "CDI seniors" ?

Défendu par les rapporteurs LR René-Paul Savary (LR) et Elisabeth Doineau (UDI), l'amendement voté au Sénat par 202 voix contre 123 vise à "créer un contrat de fin de carrière pour le recrutement de salariés âgés d'au moins 60 ans", est-il écrit dans sa présentation

L'employeur ne serait pas tenu de conserver le salarié jusqu'à ses 70 ans, "âge butoir qui représente aujourd'hui un frein à l'embauche de seniors", selon les rapporteurs. "Les outils actuels d'emploi des seniors ne sont pas suffisants", affirme René-Paul Savary, alors que la France est en dessous de la moyenne européenne pour l'emploi des 55-64 ans (56% contre 60,5%).

Avec ce nouveau contrat, "l'employeur sera exonéré de cotisations famille, afin de compenser le coût d'un salarié senior qui, compte tenu de son expérience, peut prétendre à une rémunération plus élevée qu'un jeune actif", précise l'amendement LR.

2 Pourquoi le gouvernement est-il contre ?

Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a donné un avis "défavorable" à ce nouveau "CDI seniors". Il s'est notamment interrogé sur son "ciblage". "Je crains un effet d'aubaine qui mène notre branche famille dans le rouge", a de son côté déclaré Gabriel Attal. Selon le ministre délégué aux Comptes publics, il y a "100 000 CDI" qui sont signés chaque année pour des salariés de plus de 60 ans. 

Si tous ces CDI étaient signés avec le nouveau contrat, le coût est estimé à "800 millions d'euros pour la branche famille", défend Gabriel Attal. Et pourrait même atteindre jusqu'à "2,2 milliards d'euros" en cas d'effet d'aubaine, une situation dans laquelle un employeur procéderait malgré tout au recrutement, même sans incitation à le faire, ce qui rendrait le dispositif inutile mais coûteux.

Or, ces cotisations d'allocations familiales, dont les employeurs pourraient être exonérés pour les salariés embauchés via un "CDI seniors", servent à financer une partie de la branche famille de la Sécurité sociale. Celle-ci gère le versement de l'allocation adulte handicapé (AAH), la prime d'activité et le revenu de solidarité active (RSA), pour un total de 95,5 milliards d'euros de prestations versés en 2021 par les caisses d'allocations familiales, selon le rapport d'activité de la Caf.  

3 Quelle est la position des partenaires sociaux ?

Ils sont divisés. D'un côté, le patronat estime que "cette mesure va dans le bon sens", selon les mots d'Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), à Ouest-France. Selon lui, "on peut transformer les mentalités avec des mesures fortes"

Les syndicats se montrent plus sceptiques sur cette mesure. "C'est une mesurette, qui n'incitera en rien les entreprises à embaucher des seniors", balaie Gérard Mardiné, secrétaire général de la CFE-CGC, auprès du quotidien régional. Le "CDI seniors" est une "vieille recette" qui va faire "moins de rentrées d'argent", a également dénoncé Philippe Martinez sur franceinfo, mardi matin.   

4 Ce contrat a-t-il une chance d'être adopté dans le texte final ? 

La question se pose d'autant plus que le texte actuellement examiné au Sénat, et qui comporte désormais le "CDI seniors", n'est pas sûr d'être voté avant la fin des débats, dimanche soir. Quoi qu'il arrive, dès lundi, sept députés et sept sénateurs vont ensuite tenter de s'entendre sur une version du texte en commission mixte paritaire (CMP).

Si la CMP est dite "conclusive", le texte reviendra en séance à l'Assemblée nationale et au Sénat pour être soumis au vote en milieu de semaine prochaine. Si cette CMP échoue, le texte refera une navette parlementaire : une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, et enfin de nouveau à l'Assemblée.

Les Républicains sont, dans l'ensemble, favorables à la réforme des retraites, mais ils veulent "modifier substantiellement le texte pour en faire une vraie réforme de droite", a répété le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, dimanche sur RTL. Disposant de quatre élus sur 14 à la CMP (trois au Sénat et un à l'Assemblée), le parti de droite pourrait utiliser la création du "CDI seniors" comme une monnaie d'échange pour faire converger le projet du gouvernement et le sien sur d'autres points de la réforme. Le dispositif n'est donc pas assuré de figurer dans le texte final qui reviendra dans les mains des parlementaires dans quelques jours.

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