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Vrai ou faux Réforme des retraites : augmenter les cotisations de quelques euros par mois suffirait-il à équilibrer le système ?

Article rédigé par Quang Pham
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
En plein débat sur la réforme des retraites, la piste d'une hausse limitée des cotisations est exclue par le gouvernement. (DENIS CHARLET / AFP)
D'après certains syndicalistes et élus d'opposition, une légère hausse des cotisations permettrait de combler les milliards d'euros qui manqueraient au système d'ici 2027. Les économistes estiment plutôt que l'augmentation nécessaire se chiffre en dizaines d'euros et aurait un impact sur le pouvoir d'achat.

Cotiser quelques euros de plus chaque mois pourrait-il permettre d'équilibrer le régime de retraite ? Alors que le gouvernement s'apprête à présenter son projet de réforme, l'idée fait son chemin, même si la mesure est pour l'instant exclue par l'exécutif. "Il y a clairement une ligne rouge pour nous, c'est de ne pas augmenter le coût du travail. Ma priorité, c'est le plein emploi. Nous ne voulons pas alourdir les cotisations", a tranché la Première ministre Elisabeth Borne le 3 janvier sur franceinfo.

Pour plusieurs élus d'opposition comme pour certains syndicalistes, il ne faudrait pourtant que très légèrement relever les cotisations mensuelles pour régler le déficit du système de retraite. A peine "un euro par mois", d'après le député écologiste Aurélien Taché. Environ "deux ou trois euros", selon Cyril Chabanier, le président de la CFTC. L'ex-candidat à la présidentielle Yannick Jadot a lui avancé un autre montant, le 5 janvier, au micro de franceinfo : "4,5 euros".

Mais peut-on vraiment financer le déficit du régime de retraite avec une hausse de seulement quelques euros des cotisations ? Franceinfo a interrogé des économistes.

"Pas grand-chose" à l'échelle du système

En 2027, le système de retraite sera déficitaire d'environ 10,7 milliards d'euros, estime le Conseil d'orientation des retraites (COR) dans son dernier rapport (PDF). Contacté par franceinfo, l'économiste Michaël Zemmour, cité par Yannick Jadot pour justifier cette augmentation des cotisations, estime que la hausse nécessaire pour combler ce déficit s'élèvera en 2027 à 14 euros, pour un salaire au niveau du smic, et à 28 euros pour un salaire moyen (2 518 euros net, d'après l'Insee).

En 2023, les cotisations devront bien augmenter mensuellement d'environ 4,5 euros, le montant évoqué par l'eurodéputé écologiste, confirme Michaël Zemmour. Mais cette hausse atteindra 11 euros en 2024, puis devra continuer d'être relevée chaque année, jusqu'à atteindre 28 euros en 2027, détaille l'économiste, dans un tableau publié sur son blog. En 2027, la hausse cumulée annuelle s'élèvera ainsi à 336 euros par rapport à 2022.

Un montant qui, pour Michaël Zemmour, reste modeste par rapport à la somme des cotisations du régime des retraites. "Trouver 12 milliards – le montant de déficit – à l'échelle d'un système de santé qui a des recettes d'environ 350 milliards par an, ce n'est pas grand chose", juge l'économiste. La solution d'une hausse des cotisations paraît, pour Michaël Zemmour, le choix le plus équitable pour combler le déficit du régime.

Un "effet contraire" avec plus de chômage ?

Une hausse des cotisations risque d'être une "solution sans fin", avertit cependant Franck Morel, expert sur les sujets du travail et de l'emploi à l'Institut Montaigne, un groupe de réflexion libéral. Le rapport du COR (PDF) souligne en effet que le régime sera déficitaire au-delà de 2027 pendant les 25 prochaines années. "C'est un déficit annuel, il faudra trouver jusqu'à 23 milliards d'euros chaque année pour le régler", pointe-t-il. Selon le scénario le plus favorable, les cotisations continueront d'augmenter, jusqu'à un pic en 2032 pour atteindre "environ 45 euros par mois", soit une contribution de 540 euros par an, relève Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE.

"La hausse des cotisations peut entraîner une augmentation du coût du travail et engendrer une hausse du chômage. Ce qui pourrait entraîner un effet contraire à ce que l'on veut, c'est-à-dire une augmentation du déficit", le régime des retraites étant financé par les salariés ayant un emploi, prévient par ailleurs Frank Morel. Pour autant, si un lien entre niveau des cotisations sociales et coût du travail peut être établi, une étude menée en 2019 par des économistes français (PDF) a montré qu'une hausse des cotisations patronales pesait plus sur le niveau de rémunération des salariés que sur le coût du travail supporté par les employeurs.

Un "choix social" pour financer le régime

"Le pouvoir d'achat des actifs baissera, abonde Henri Sterdyniak, "mais une hausse de 1,8 point des cotisations n'est pas dramatique." Et de calculer : "Si on considère que les salaires augmentent annuellement de 1%, il faudra consacrer 0,25% des gains salariaux aux retraites, compte tenu du vieillissement de la population." S'il paraît possible, un financement du déficit du régime de retraite par une hausse des cotisations ne se limitera donc pas à une dépense de quelques euros par mois et pèsera sur la rémunération des salariés.

"Il s'agit d'un choix social qu'on peut tout à fait accepter, dès lors qu'il y aurait consensus sur son financement et son impact sur le niveau de vie net des actifs", résume le Comité de suivi des retraites dans son dernier avis (PDF), publié en septembre dernier. "Il faudrait toutefois s'assurer que ce supplément de prélèvements ne réduirait pas d'autant la ressource disponible pour le financement d'autres besoins économiques, sociaux et environnementaux."

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