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Réforme des retraites : l'augmentation des cotisations sociales permettrait-elle d'éviter un allongement de la durée de travail ?

Pour assurer l'équilibre du système des retraites, le gouvernement veut repousser l'âge légal de départ à 65 ans. Certains syndicats proposent à la place d'augmenter le taux de cotisation sur les salaires. Mais en période d'inflation, la proposition fait débat.

Article rédigé par Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié
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Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, le 15 septembre 2022 à Matignon. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Et si les actifs n'avaient pas besoin de travailler plus longtemps pour préserver notre modèle en matière de retraite ? Le premier cycle de concertation entre les partenaires sociaux et le ministère du Travail à propos de la réforme des retraites a débuté, mardi 11 octobre. Les objectifs fixés par le gouvernement sont clairs : résorber le déficit à venir du système et dégager des marges de manœuvre budgétaires pour financer d'autres priorités – de l'hôpital à la transition énergétique. Pour y arriver, le moyen privilégié par l'exécutif fait grincer des dents : allonger la durée de travail, notamment via le recul de l'âge de départ légal à la retraite à 65 ans. 

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Mais les syndicats ont fait de cette mesure une ligne rouge, arguant que d'autres leviers pour rééquilibrer le ratio entre les recettes et les dépenses du système existent. A commencer par le montant des cotisations sociales, c'est-à-dire ce qu'un salarié (cotisations salariales) et son employeur (cotisations patronales) paient, chaque mois, pour financer le système de retraite. 

Un levier pour négocier

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a appelé dans Le Journal du Dimanche (article abonnés) à jouer sur la "fiscalité" plutôt que sur l'âge de départ et la durée de cotisation. Il considère que ces mesures sont "injustes" et "brutales" puisqu'elles demandent un effort à une population active proche de la retraite et qui a parfois commencé à travailler très jeune. "Bien sûr que les cotisations sont un levier !" abonde auprès de franceinfo Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa, chargé de la négociation sur les retraites, qui prévient qu'il mettra "le sujet sur la table", en particulier celui des cotisations patronales, lors de la concertation avec le ministère du Travail.

En 2021, le taux de cotisation total sur le revenus des actifs (tous salariés et employeurs confondus) était de 31% en France. En clair, pour 100 euros de rémunération nette versée à un salarié, ce salarié et son employeur payaient, à eux deux, 31 euros de cotisations pour financer le régime des retraites. Ce taux est néanmoins très variable en fonction du régime de retraite et du statut du salarié.

De combien faudrait-il augmenter ces cotisations pour rééquilibrer le système des retraites ? Difficile de le dire avec certitude, car, exceptionnellement cette année, il est à l'équilibre. Quant au futur besoin de financement, il se base sur des scénarios qui varient selon les hypothèses économiques retenues (croissance, chômage, gains de productivité...). Selon le dernier rapport (en PDF) du Conseil d'orientation des retraites (COR), sans réforme, le "trou" atteindrait en 2027 entre 7,5 et 10 milliards d'euros, d'après les scénarios retenus par l'organisme, dont les projections servent de référence.

Entre 20 et 30 euros de plus par mois en 2027

Rapporté à l'ensemble de la population active, il faudrait que chaque actif cotise entre 21 et 28 euros de plus par mois en 2027 pour rééquilibrer le système cette année-là. Une somme qui pourrait être répartie, selon les arbitrages politiques, entre le salarié et son employeur.

Mais il est aussi possible de n'augmenter les cotisations que pour une partie des actifs, par exemple le secteur privé, dont les cotisations sont moins importantes que dans le secteur public. "Il faudrait que chaque salarié ou employeur cotise quatre euros de plus par mois, et il n'y aurait pas de déséquilibre" du système, a estimé le 3 octobre l'économiste Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE, dans "Le Talk" de franceinfo, sur Twitch.

Il précise après coup qu'il s'agissait de "quatre euros de plus par mois et par an". Soit quatre euros par mois en plus la première année, puis huit euros l'année suivante, puis seize... A ce rythme, le "trou" de 10 milliards d'euros prévu pour 2027 ne serait néanmoins comblé qu'en "neuf ans", reconnaît-il. Interrogé à ce sujet début octobre sur France Inter, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, estimait de son côté que pour pérenniser le financement des retraites, il faudrait demander une cotisation de l'ordre d'une "cinquantaine d'euros" supplémentaires par salarié, chaque mois.

L'exécutif n'est pas du tout sur cette ligne

Le gouvernement, mais aussi les organisations patronales et une partie des économistes, ne sont pas toutefois pas favorables à une augmentation du taux des cotisations sociales. Le Medef estime (PDF) que "les cotisations ne peuvent pas être la variable d'ajustement (...), puisqu'elles renchériraient le coût du travail, qui est déjà un handicap comparatif de notre économie". "Une augmentation des cotisations, c'est moins de pouvoir d'achat pour les salariés et plus de charges pour les patrons, ça tuerait l'économie", avait aussi justifié en 2019 sur BFMTV Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics.

Alors que la concertation avec les partenaires sociaux a démarré, le ministère du Travail se fait désormais plus discret à ce sujet, de peur de froisser les syndicats. Mais la proposition n'avait pas été retenue par Emmanuel Macron dans le cadre du projet de réforme présenté durant la campagne présidentielle, et elle s'oppose à la philosophie des allégements de cotisations patronales et à celle des mesures de soutien économique adoptées par l'exécutif.

La France est effectivement le pays de l'OCDE où le taux de cotisations patronales, pour le salarié moyen, était le plus élevé en 2021, rapporte l'organisation. L'OCDE souligne que ce taux était environ deux fois supérieur (26,63%) à la moyenne de ses pays membres (13,46%).

Une inévitable baisse du pouvoir d'achat

Pour autant, si les économistes s'accordent à dire qu'il existe en général un lien entre niveau des cotisations sociales et coût du travail, une étude (PDF) menée par des économistes français en 2019 montre que la hausse des cotisations patronales liées au financement du système de retraite pèse finalement sur la rémunération des salariés, et non sur le coût du travail pour les employeurs. "Tout se passe comme si les salariés acceptaient, dans les négociations salariales individuelles, une réduction de leur salaire horaire en contrepartie d'une augmentation des droits à pension induite par la hausse des cotisations retraite", écrit le COR, qui traduit l'article en français. "La cotisation employeur serait alors perçue par le salarié comme le financement d'un revenu différé." 

Combler le déficit à venir du système de retraite via une seule hausse des cotisations sociales est donc théoriquement possible, mais au prix d'une diminution du pouvoir d'achat des actifs, quelle que soit l'option potentiellement retenue : baisse du salaire net en cas de hausse des charges salariales et/ou ralentissement de la progression salariale en cas de hausse des charges patronales.

Une proposition qui peut sembler "difficile à entendre", reconnaît l'économiste Eric Heyer, alors que le contexte économique a bien changé depuis 2019. Avec une inflation à près de 6% sur un an, le portefeuille des salariés est déjà mis à rude épreuve. D'autant qu'à l'inverse des pensions des retraités ou de la rémunération des fonctionnaires, leur salaire est très rarement indexé sur l'inflation.

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