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L'article à lire pour comprendre la loi Macron

Une bonne partie de la gauche s'oppose à ce projet, censé stimuler la croissance, qui sera discuté à l'Assemblée à partir du 22 janvier. En attendant, voici des explications sur cette loi qui fait tant parler d'elle.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, présente son projet de loi, le 10 décembre 2014 à l'Elysée. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Le Conseil des ministres a adopté, mercredi 10 décembre, le projet de loi pour la croissance et l'activité, présenté par le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron. Un texte "fourre-tout" selon ses détracteurs. Trop libérale pour les uns, inefficace pour les autres, que contient vraiment la future loi Macron ? Et que lui est-il concrètement reproché ? Francetv info répond à toutes vos questions sur cette loi Macron qui fait tant parler d'elle.

1Cette loi Macron, qu'est-ce que c'est ?

Son vrai nom, c'est loi "pour la croissance et l'activité". Concrètement, le projet de loi compte 106 articles qui balaient un grand nombre de sujets très différents. Un véritable inventaire à la Prévert. Parmi les plus médiatisées figurent la réforme du travail dominical, la réforme des professions juridiques réglementées (avocats, notaires, huissiers…), et l'ouverture du marché du transport par autocar.

Mais le texte contient une myriade d'autres mesures : la réduction des délais et du coût du permis de conduire, la construction de davantage de logements, l'ouverture du capital des aéroports de Lyon et de Nice, des mesures pour encourager l'actionnariat salarié et l'épargne salariale ou encore la réforme des conseils de prud'hommes.

2Toutes ces mesures, d'où viennent-elles ?

"Vous vous souvenez qui est à l'origine de ce texte ? C'est pas Emmanuel Macron, tout de même !" La remarque, un brin agacée, sort de la bouche de Manuel Valls. Manière de dire à sa gauche que ce projet de loi avait initialement été porté par Arnaud Montebourg. Fin juin, l'ancien ministre avait en effet annoncé la préparation d'une loi sur "la croissance et le pouvoir d'achat". Il voulait s'attaquer aux avantages des professions réglementées, mais il était opposé à l'extension du travail dominical.

Contrairement à ce que suggère Manuel Valls, Arnaud Montebourg est toutefois loin d'être l'inspirateur principal de ce projet de loi. Nombre de mesures proviennent des propositions de la commission Attali "pour la libération de la croissance française", mise en place par Nicolas Sarkozy en 2007. Ce n'est sans doute pas un hasard : Emmanuel Macron était l'un des rapporteurs de cette commission. La réforme des professions réglementées, la libéralisation du travail le dimanche, la modernisation des règles de l'urbanisme commercial étaient autant de thèmes déjà abordés par la commission Attali, relève Libération.

3Est-ce que ça peut vraiment relancer l'économie ?

Bercy ne donne aucun chiffre sur les retombées économiques potentielles de la loi. Ni en termes de points de croissance, ni en termes d'emplois créés. Exit également les milliards d'euros qu'Arnaud Montebourg voulait "rendre aux Français". Le cabinet d'Emmanuel Macron explique qu'il s'agit d'une loi transversale qui s'inscrit dans une série de réformes déjà engagées (pacte de responsabilité, crédit d'impôt pour les entreprises, réforme du marché du travail, etc.) et que mesurer l'impact de cette loi n'aurait pas de sens.

En octobre, les économistes de l’OCDE estimaient l’impact de la loi Macron à environ 0,1 point de croissance supplémentaire par an à horizon de cinq ans. La direction du Trésor, elle, prévoyait la création de 50 000 à 60 000 emplois à dix ans grâce à l'ouverture à la concurrence dans les professions réglementées et le secteur des transports, rappellent Les Echos. Le contenu de la loi ayant changé depuis, "l’impact de la loi devrait finalement être supérieur à celui que nous avions estimé", déclare un économiste de l'OCDE au quotidien économique.

Mais d'autres économistes, comme Philippe Aghion, estiment au contraire que la loi reste insuffisamment ambitieuse pour pouvoir relancer l'économie. 

4Vais-je devoir travailler le dimanche ?

Non. Le gouvernement le répète sur tous les tons : le travail dominical reste l'exception, et repose entièrement sur la base du volontariat. Mieux, le projet de loi précise que tout travail le dimanche doit s'accompagner d'une compensation salariale, ce qui n'est actuellement pas le cas partout. En revanche, le niveau de cette compensation ne sera pas inscrit dans la loi : il devra être négocié dans chaque branche ou chaque commerce entre patronat et syndicats.

Le recours au travail dominical sera toutefois assoupli. Actuellement, les maires ont la possibilité d'autoriser les commerces à ouvrir cinq dimanches par an. Désormais, ils ne pourront plus refuser si un commerce leur fait la demande. Et pourront même autoriser jusqu'à douze dimanches ouvrés. La loi prévoit en outre la création de zones touristiques internationales où les magasins seraient ouverts tous les dimanches, ainsi qu'en soirée.

5Pourquoi les notaires et les avocats manifestent-ils ?

Notaires, avocats, mais aussi membres des autres professions réglementées du droit (greffiers, commissaires-priseurs, administrateurs et mandataires judiciaires) ont manifesté à Paris mercredi contre la loi Macron. Le texte prévoit en effet de permettre l'installation des nouveaux arrivants chez les huissiers, notaires et commissaires-priseurs, ce qui est actuellement quasi impossible. Mais ce n'est pas tout : le gouvernement veut aussi revoir à la baisse les grilles tarifaires de ces professions, ce qui entraînerait une baisse de leur chiffre d'affaires.

La loi ouvre en outre le capital entre professionnels. Par exemple, un notaire et un avocat pourront s'associer au sein d'une même structure. Ces professions craignent de voir émerger des "déserts juridiques", car les nouvelles installations se feraient majoritairement dans les grandes villes. Autre sujet d'inquiétude pour les avocats : la création d'un statut d'avocat d'entreprise. "On n'aura plus aucun dossier !", redoute un avocat interrogé par l'AFP.

6Et Martine Aubry, pourquoi s'y oppose-t-elle ?

La maire PS de Lille a réussi à parasiter la présentation en grande pompe du projet de loi en publiant une tribune dans Le Monde quelques heures plus tôt, mercredi. Elle y attaque frontalement la loi Macron, en particulier l'extension du travail dominical, qu'elle qualifie de "régression de la société". "Dans quelle société voulons-nous vivre ? Veut-on faire de la consommation –  encore plus qu’aujourd’hui – l’alpha et l’oméga de notre société ?" tacle Martine Aubry.

Au-delà de ces considérations idéologiques, elle craint que "les petits commerçants ne résistent pas" et que "des dizaines de milliers d’emplois" ne soient détruits. Quant au principe du volontariat réaffirmé par le gouvernement, elle estime qu'il s'agit d'un leurre : "En période de chômage de masse, on ne refuse pas de travailler aux horaires que demande l’employeur." Des arguments auxquels le gouvernement tente de répondre point par point.

7Comment la loi peut passer si la gauche s'y oppose ?

La loi n'en est qu'au stade du projet présenté en Conseil des ministres. Beaucoup de mesures pourront donc être modifiées lors de son examen au Parlement, à partir du 22 janvier. Nul doute que ce projet, loin de faire l'unanimité à gauche, sera largement réécrit par les députés.

La direction du Parti socialiste marque son opposition sur plusieurs dispositions, à commencer par celles sur le travail du dimanche. Le PS trouve le nombre de douze dimanches trop élevé, et réclame que les commerces ne puissent ouvrir que "cinq à sept dimanches par an". Mercredi, Manuel Valls a laissé entendre que le gouvernement était prêt à discuter du nombre de dimanches travaillés. Les désaccords entre le gouvernement et sa majorité ne sont donc pas rédhibitoires. 

8A la fin, la loi ne risque-t-elle pas d'être retoquée par le Conseil constitutionnel ?

Une fois votée, la loi devra passer l'épreuve du Conseil constitutionnel, qui pourrait rejeter plusieurs mesures. Le Conseil d'Etat, chargé d'analyser les risques juridiques dans les textes de loi présentés par le gouvernement, en a déjà relevé certains, dans un avis révélé par France Inter.

Ainsi, en voulant faciliter l'installation des notaires, huissiers et commissaires-priseurs, le texte ferait porter "un préjudice trop grave" aux professionnels déjà installés, affectant leur "sécurité juridique et financière", selon le Conseil d'Etat, ce qui serait un motif d'inconstitutionnalité. Les juges indiquent aussi avoir des "interrogations au regard du principe d'égalité" sur le fait que la compensation salariale au travail dominical doive être déterminée par des accords entre partenaires sociaux. 

9J'ai eu la flemme de tout lire. Vous me faites un petit résumé ?

Le projet de loi présenté par le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, vise à stimuler la croissance et l'activité à travers des mesures aussi variées que faciliter l'installation des professionnels du droit, assouplir le travail dominical ou libéraliser le transport par autocar. Alors que l'efficacité potentielle de ces réformes est discutée par les économistes, une grande partie de la gauche, Martine Aubry en tête, considère le texte comme trop libéral, et devrait largement l'amender lors de la discussion parlementaire.

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