Six idées reçues sur les plans sociaux
La Redoute, Gad, FagorBrandt… La semaine sociale est chargée. Plus qu'avant ? A qui la faute ? Francetv info vérifie les poncifs sur les plans sociaux.
La Redoute, FagorBrandt, Gad, Goodyear, Alstom, Alcatel-Lucent, Tilly-Sabco, Nice-Matin, Natixis… La semaine sociale est chargée, avec notamment une manifestation des salariés de La Redoute, jeudi 7 novembre. Alors que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a assuré lundi que la France était "en train de remonter la pente", francetv info vérifie six idées reçues sur les plans sociaux.
1Il y en a de plus en plus
Vrai. Plus de 1 000 plans sociaux ont été officiellement lancés en un an, rapporte RFI le 6 novembre. Nous sommes loin du "record" établi en septembre 2009 (plus de 2 000, note Le Monde), mais le chiffre "remonte clairement", commente le quotidien. Entretemps, il était pourtant retombé à son niveau d'avant-crise.
D'autres chiffres sont plus inquiétants. En France, plus de 1 200 entreprises ont déposé le bilan au troisième trimestre. C'est 7,5% de plus que sur la même période en 2012. Redressements judiciaires et liquidations ont en outre atteint leur niveau le plus élevé pour un été depuis vingt ans.
2C'est à cause des délocalisations en Asie
Faux. Les délocalisations se font d'abord vers l'Union européenne, établit une étude de l'Insee publiée en juin. Et les entreprises privilégient d'abord les quinze pays originels de l'UE : c'est la destination de 38% des sociétés ayant délocalisé. Viennent ensuite l'Afrique (24%), les nouveaux Etats membres de l'Union (22%), puis la Chine (18%) et l'Inde (18%), selon l'enquête "Chaînes d'activité mondiales" (PDF).
Notre blog Classe éco expliquait, en novembre 2012, que l'ère du travail chinois bon marché était en train de s'achever. Selon lui, le développement rapide de la Chine par l'exportation grâce aux bas salaires va prendre fin. Il mettait toutefois en garde contre l'Inde et l'Indonésie, qui restent très prisés par les entreprises recherchant une main-d'œuvre peu onéreuse.
3C'est parce que les entreprises paient trop de charges
Pas forcément. La question de la compétitivité de la France fait débat et beaucoup d'entrepreneurs se plaignent des charges, qu'ils jugent trop onéreuses. "Le niveau de prélèvement des entreprises n'est pas bon et nous devons baisser le coût du travail", concédait le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, en août. L'Hexagone est même passé de la 21e à 23e place du classement des pays les plus compétitifs, en septembre.
La dernière critique émane du président du groupe pharmaceutique Ipsen. "Si vous êtes dans un pays qui augmente les taxes, qui ne tient pas sa parole et dont les conditions d'attractivité diminuent, les investissements ne vont pas se faire et les nouveaux projets vont être réalisés ailleurs !", a-t-il prévenu dans un entretien à L'Usine Nouvelle.
Certains reviennent pourtant en France. Bercy a lancé, en juillet, un logiciel baptisé Colbert 2.0. Il se présente comme un outil "d'auto-diagnostic" permettant à une entreprise de mesurer son "potentiel de relocalisation" en répondant à une série de questions simples, détaille Le Nouvel Observateur. France 2 a rencontré un entrepreneur français qui a fait le choix de partir, puis de revenir. Sans que la rentabilité de sa fonderie en pâtisse.
Il y a aussi l'exemple de Solex, qui a décidé de relocaliser en France une partie de sa production chinoise. Et Easybike, propriétaire de la marque culte, a annoncé en septembre qu'il comptait assembler des vélos électriques dans une usine de Saint-Lô (Manche).
4Ce sont des sociétés en difficulté
Pas toujours. C'est le cas, par exemple, d'Alcaltel-Lucent. L'objectif pour le groupe, qui a encore perdu 1,3 milliard d'euros l'an dernier, est de réduire ses coûts d'un milliard, afin de retrouver "le chemin de la rentabilité". PSA Peugeot Citroën a annoncé en février une perte record de 5 milliards d'euros pour 2012.
Mais la situation n'est pas toujours morose pour les entreprises qui annoncent un plan social. Goodyear, par exemple, a enregistré au deuxième trimestre un doublement de ses bénéfices, rapportait Le Figaro en juillet. Une recette due à ses performances en Amérique du Nord et en Asie, sans compter que le fabricant de pneus a décelé des signes encourageants en Europe.
Comment l'expliquer ? "Une entreprise, c'est un peu comme un bateau. Quand vous êtes rentré dans l'iceberg, c'est trop tard (…) Et donc il faut changer de cap avant", explique sur France Info Olivier Babeau, qui enseigne la stratégie d'entreprise à l'université Paris 8. "Cela doit nécessiter, par exemple, des changements dans la façon dont on est organisé, dans ce qu'on produit. Et puis, il y a des changements technologiques aussi."
5C'est pour cela que le chômage augmente
Faux. Selon les derniers chiffres officiels (PDF) collectés en septembre, les licenciements économiques, individuels ou collectifs, sont même le dernier motif d'inscription à Pôle emploi. Ils n'ont représenté que 2,6% des entrées à l'organisme entre fin août et fin septembre. Une proportion similaire à celle enregistrée l'année dernière, évoquée par Le Figaro.
Mais ce chiffre peut être trompeur. Car tout licencié économique ayant au moins un an de présence peut bénéficier durant 12 mois de 80% de son ancien salaire, en échange d'une obligation de formation, rappelle La Tribune. Pendant cette période, il n'est pas comptabilisé comme chômeur. Sans compter que le nombre de plans sociaux "ne reflète pas l'ensemble des emplois supprimés, souligne L'Usine Nouvelle, car il ne s'impose pas aux entreprises de moins de 50 salariés et il ne prend pas en compte les postes supprimés sans licenciement".
6C'est l'abandon des salariés
Ni vrai, ni faux. Après un licenciement économique, les salariés entrent dans une phase de reclassement, au cours de laquelle ils perçoivent une allocation. A leurs côtés, Pôle emploi ou un cabinet privé, chargés en principe de les accompagner pour éviter qu'ils ne sortent du système.
Sauf que cette prise en charge n'est pas toujours efficace. Les entreprises Freescale, à Toulouse (Haute-Garonne) et Doux, en Bretagne, ont massivement licencié durant l'été 2012. Dans les deux cas, des plans de reclassement ont accompagné les anciens salariés – et les résultats ont été plutôt décevants. Chez Doux, 116 personnes sur les 782 licenciées ont retrouvé un emploi. Mais seules 18 ont signé un contrat à durée indéterminée. Chez Freescale, c'est l'âge des salariés qui pose problème aux employeurs : 51 ans en moyenne. Une équipe de France 2 est allée à leur rencontre.
En 2012, francetv info a rencontré Christiane, 50 ans, ex-employée de l'entreprise de vente par correspondance Quelle, près d'Orléans (Loiret). Licenciée pour raisons économiques, elle estime que les ateliers collectifs proposés par le cabinet censé l'accompagner n'ont "pas été d'une grande utilité".
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