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Accord sur le télétravail : quels sont les points de blocage entre syndicats et patronat ?

Les principaux syndicats de salariés et ceux des patrons se réunissent lundi à Matignon afin de trouver un accord national concernant les modalités du télétravail. Les négociations s'annoncent compliquées.

Article rédigé par franceinfo
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Un employé en télétravail sur son ordinateur depuis son domicile à Paris, le 23 mars 2020. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

Appelé par le gouvernement à devenir la norme en cette période de lutte contre le Covid-19, le télétravail doit néanmoins se réguler. Syndicats de patrons et de salariés ont entamé, depuis le début du mois de novembre, des négociations sur plusieurs mesures. "Il y a des 'bougés' de formulations", a reconnu lundi 23 novembre Fabrice Angéi, de la CGT, qui prévoyait encore d'étudier au plus près le document, envoyé par le Medef dans la nuit de dimanche à lundi.

"Il ne suffit pas de réaffirmer des droits existants, il faut les rendre effectifs", ajoute le négociateur de la CGT, qui avait prévenu la semaine dernière que son organisation ne signerait pas un "texte a minima". Une ultime réunion pour un accord national interprofessionnel s'est tenu lundi 23 novembre à 15 heures, à Matignon. Mais les points de désaccords restent nombreux. 

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Le côté contraignant ou non de l'accord

Cette négociation doit en principe aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI), traditionnellement formalisé par une loi. Ce qui peut prendre plusieurs années : le précédent ANI de 2005, que l'accord doit compléter, a été transposé très partiellement dans une loi en mars 2012. Il y est notamment inscrit qu'en "cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés." 

Dans tous les cas, l'ANI s'impose à l'employeur membre d'un syndicat patronal signataire (Medef, CPME et l'U2P sont à la table de la négociation). Paradoxalement, le patronat veut que ce texte ne soit "ni normatif", "ni prescriptif". "Si c'est un ANI, c'est forcément contraignant", balaient les syndicats de salariés, qui refusent de signer un document s'apparentant à "un guide de bonnes pratiques".

Les postes éligibles au télétravail (et les personnes qui doivent en décider)

C'est une autre "grosse pierre d'achoppement". Pour le patronat, ce sujet relève uniquement de la responsabilité de l'employeur, qui doit "aborder ces questions, en lien avec les missions essentielles de l'entreprise". Selon lui, toute une entreprise ne peut pas passer en télétravail de manière automatique. C'est seulement à la direction que revient la responsabilité de décider quels sont les postes qui doivent passer au travail à domicile.

Pour les syndicats, ce sujet doit relever du dialogue social en entreprise, figurer dans l'accord collectif sur le télétravail et dans l'ANI, insistent la CFDT, la CGT et FO.

La prise en charge des frais de télétravail

Au fil des négociations, le patronat semble faire un pas vers les syndicats sur cet aspect. Ces derniers réclamaient que ce sujet fasse l'objet d'une négociation en entreprise. Ils ont été entendus dans le nouveau texte transmis lundi. Le document souligne que leur prise en charge "éventuelle" peut être, "le cas échéant, un sujet de dialogue social au sein de l'entreprise". S'il y a une allocation forfaitaire, il faut qu'elle soit "exonérée de cotisations et contributions sociales". Interrogé par franceinfo en octobre, le ministère du Travail n'a pas donné de précisions par rapport à ce qu'il écrivait sur son site internet"L'employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit." Depuis la mise à jour de la page le 17 novembre, cette phrase n'apparaît plus.

La CGT réclame, quant à elle, une indemnisation couvrant l'occupation d'une partie du logement, l'eau, l'électricité, l'abonnement internet, etc. et une participation aux frais de repas.

La Cour de cassation avait spécifié, en avril 2010, que "si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile". En clair, selon la Cour de cassation, l'employeur est censé indemniser le salarié qui transforme son salon ou sa chambre à coucher en bureau de travail. A moins que le télétravail résulte d'une demande du salarié, ont tranché les juges, rappelle Le Parisien (article payant)

Le droit à la déconnexion

Le document rappelle que le télétravail doit faire l'objet d'un accord ou d'une charte, et que les managers doivent être formés. Des points positifs pour les syndicats, qui souhaitent toutefois des obligations en termes de protection de la vie privée des salariés. 

"La distinction entre temps de travail et temps de repos doit être claire et [elle doit] garantir le droit à la déconnexion des salariés", indique le ministère du Travail sur son site. Il précise que "les plages horaires pendant lesquelles vous devez être disponible doivent être précisément déterminées par l’employeur".

Les accidents du travail 

Le patronat a également revu sa copie par rapport à la dernière réunion mardi 17 novembre concernant ce point. Le nouveau texte transmis aux organisations syndicales ne propose plus un assouplissement de la législation sur les accidents du travail (actuellement imputables à l'employeur), ce qui était une "ligne rouge" pour toutes les organisations syndicales. "La présomption d'imputabilité (...) s'applique également en cas de télétravail", indique désormais le document de travail. Cela signifie que si jamais un employé est victime d'un accident à son domicile pendant son temps de travail, cet accident est présumé être un accident de travail. 

C'est donc à la direction de l'entreprise de prouver que l'accident de son salarié "n’était pas sous son autorité, qu’il avait par exemple quitté temporairement son poste pour vaquer à des occupations personnelles", indique la CGT.

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