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Accueil de réfugiés à Callac : la fondation à l'origine du projet abandonné porte plainte pour "provocation à la haine"

La fondation Merci à l'origine de ce projet, finalement abandonné à Callac (Côtes-d'Armor), a été la cible de menaces, d'injures et d'intimidation. Avec cette plainte, elle ne souhaite pas laisser passer "la haine et la peur sans rien dire".
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Jean-Yves Rolland, le maire de Callac, lors d'une manifestation pour le projet d'accueil des réfugiés, en septembre 2022. (MATHIEU PATTIER / MAXPPP)

C'est l'histoire d'un bourg un peu déclinant de Bretagne, 2 000 habitants, du nom de Callac dans les Côtes-d'Armor qui voulait accueillir quelques familles de réfugiés afin de se redynamiser. Menaces, injures, intimidations venues en très grande majorité de l'extérieur et de l'extrême droite ont fini par créer un climat et une pression intenable. La municipalité "divers gauche" a finalement abandonné le projet. La fondation Merci, c'est son nom, qui le dirigeait s'est résignée mais ne souhaite pas laisser passer "la haine et la peur sans rien dire". Elle annonce mercredi 12 avril avoir déposé une plainte contre X, devant le procureur de la République de Paris, pour harcèlement en ligne, injure liées à une appartenance religieuse et provocation à la haine.

Dès la première réunion de présentation à Callac de son projet d'accueil de réfugiés, la fondation a subi une déferlante de haine par mail mais aussi sur les réseaux sociaux, dans les commentaires en bas des nombreuses publications sur le sujet diffusées par des sites d'extrême-droite comme Riposte laïque ou Breizh Info. "On en vient à regretter que les chambres à gaz soient un mythe face à ces youpins qui veulent nous apporter leurs bougnoules", peut-on lire parmi les phrases relevées dans la plainte contre X.

Des militants de Civitas et des partisans de Reconquête

"J'ai été extrêmement choqué par la manière dont tout s'est passé, d'abord pour les gens de Callac. Les élus locaux ont vécu l'horreur, c'est-à-dire qu'ils ont eu des menaces de mort et de viol, se souvient Benoît Cohen, l'un des cofondateurs de la fondation à l'initiative du projet. On a menacé de bruler leur maison, de s'attaquer à leurs enfants, on a été épargnés de ce côté-là. En revanche, on n'a pas été épargnés par les mots. Il se trouve qu'on s'appelle Cohen, un nom juif, donc en plus du racisme qui apparaissait dans tous ces messages, l'antisémitisme était omniprésent. On avait affaire à des méthodes mafieuses, de gens qui menaçaient, insultaient. Ils ont gagné, c'est pour eux un précédent, ça veut dire que ces méthodes-là marchent. Ce qui est terrible c'est que ces méthodes mafieuses sont appuyées par des partis politiques qui ont pignon sur rue."

"Lorsque le projet a été abandonné, Éric Zemmour a fait un tweet dans l'heure, pour se féliciter. Il se félicite que des gens, en menaçant de mort des élus, puissent obtenir l'arrêt d'un projet."

Benoît Cohen, cofondateur de la fondation à l'initiative du projet

à franceinfo

Une manifestation a réuni, à Callac, 150 personnes hostiles au projet, avec à peine une dizaine d'habitants des environs parmi eux. C'était en réalité surtout des militants du mouvement catholique Civitas, des identitaires ou bien de Reconquête, le mouvement d'Éric Zemmour. Tous dénonçaient une opération de grand remplacement, selon cette théorie conspirationniste qui annonce l'éviction future des Français "de souche" au profit de peuples non européens.

Le domicile d'un maire incendié en Loire-Atlantique

Avant cette plainte, 16 plaintes ont été déposées localement auprès du procureur de Saint-Brieuc. On retrouve des plaintes d'élus de Callac, de journalistes locaux aussi : des plaintes pour menaces de mort, dégradations de biens publics et appel à la haine. Cette fois, la plainte déposée le 17 mars l'a été devant le procureur de la République de Paris avec l'espoir qu'une enquête soit confiée au pôle "haine en ligne" du parquet et à des enquêteurs spécialisés. 

>> "Il y a une méthode pour terroriser": le rédacteur en chef du "Poher" dénonce les tentatives d'intimidation après l'alerte à la bombe visant l'hebdomadaire

"Aujourd'hui on attend véritablement de la part du procureur de la République de Paris une réponse extrêmement rapide, extrêmement ferme, et donc l'ouverture d'une enquête préliminaire, explique Maitre Vincent Brengarth, avocat du fonds de dotation et de la famille Cohen, fondatrice de Merci. Que des investigations soient faites sur l'ensemble des personnes qui ont pu poster des messages. Un message suffit pour être poursuivi et l'anonymat sur internet est un leurre. Aujourd'hui, nous avons les moyens techniques de savoir qui peut être derrière telle ou telle adresse IP."

"Callac, c'est un laboratoire. Il est impensable que l'on réponde à ces intimidations par un renoncement et non pas par une réponse judiciaire pour que ces expressions de haine fassent l'objet de sanctions."

Me Vincent Brengarth

à franceinfo

"Lorsqu'on vous dit notamment qu'il faut que l'on restaure les chambres à gaz, reprend Maître Vincent Brengarth, ce n'est pas une expression qui appartient au débat d'idées". Dans une récente tribune, plusieurs associations de défense des exilés ont dénoncé une escalade de la violence envers ceux, élus ou structures, qui accueillent les étrangers. Elles appellent le gouvernement à réagir pour faire cesser les actions fomentées selon elles par l'extrême-droite. Cela suite à l'incendie le mois dernier du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), ciblé en raison du déménagement sur sa commune d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile.

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