Education : quatre questions sur le retour des mathématiques "en option" dans le tronc commun en classe de première
A peine annoncée par Emmanuel Macron, jeudi lors d'un déplacement à Marseille, la nouvelle option mathématiques pour les élèves de première dès la prochaine rentrée de septembre fait réagir professeurs et syndicats.
Un retour des mathématiques, comme promis. A la rentrée de septembre, les lycéens en première pourront suivre une option mathématiques. Cette proposition faisait partie des promesses de campagne d'Emmanuel Macron pour sa réelection à la présidentielle. En visite à Marseille (Bouches-du-Rhône), jeudi 2 juin, le chef de l'Etat a souligné que cet enseignement "ne sera(it) pas obligatoire dès cette première année", afin de "le faire vite". Or, à peine annoncé, ce retour des mathématiques suscite maintes questions. Syndicats et fédération de parents d'élèves s'inquiètent du manque de moyens pour la mise en place de cette option. Franceinfo fait le tour de la question.
1Quelle est cette nouvelle option proposée à la rentrée ?
Il s'agit tout simplement de la réintroduction des mathématiques en classe de première générale. Depuis la réforme du lycée en 2019, mise en place par le ministre de l'Education de l'époque, Jean-Michel Blanquer, les mathématiques ne faisaient plus partie du tronc commun regroupant les matières enseignées à tous les lycéens, y compris ceux inscrits en filière littéraire. Or, un rapport d'experts préconisait, en mars, de réintroduire les mathématiques dans le tronc commun dès la classe de première, à raison d'une heure et demie à deux heures de cours en plus par semaine.
C'est pourquoi, dès la rentrée, tous les élèves volontaires de première qui n'auront pas opté pour les mathématiques parmi leurs trois spécialités pourront choisir "l'enseignement scientifique et mathématique". "Cet enseignement leur permettra de consolider l'apprentissage et la maîtrise des notions fondamentales, assure le ministère de l'Education nationale sur son site. Et leur assurera un socle de connaissance et de compétences mathématiques utiles pour la vie sociale et professionnelle (statistiques, probabilités, traitement de données, etc.)."
Les élèves qui se prédestinent à des études scientifiques dans l'enseignement supérieur devront, eux, toujours choisir mathématiques dans leur trio de spécialités en première.
Cette tranche optionnelle de mathématiques vient s'ajouter aux deux heures d'enseignement scientifique du tronc commun, dont le coefficient 3 au baccalauréat n'est pas modifié. D'ailleurs, cet enseignement facultatif sera évalué dans le cadre du contrôle continu pour le bac. Quant aux élèves qui souhaiteront poursuivre en terminale, ils le pourront, selon le ministère. En revanche, dès la rentrée de septembre 2023, l'enseignement des maths réintégrera le tronc commun et tous les élèves en classe de première générale suivront obligatoirement ce cours.
2Tous les lycées seront-ils en capacité de proposer cette option ?
A un mois de la fin de l'année scolaire et de la coupure estivale, l'annonce tombe mal pour les chefs d'établissements qui vont devoir caser, dans un court délai, cette option dans les prochains emplois du temps. "Le risque est de voir cette possibilité uniquement dans les établissements favorisés" puisque la mise en œuvre de cette "option facultative" demande davantage de moyens, anticipe Sébastien Planchenault, le président de l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public (Apmep), interrogé jeudi. "Surtout s'il n'y a pas d'heures consacrées en plus à la mise en œuvre de cet enseignement-là", complète-t-il. L'option mathématiques devrait être assurée sur un nouveau contingent d'heures supplémentaires.
Pour la principale association de parents d'élèves, la FCPE, il est clair que les lycées vont manquer de moyens et de temps pour "expliquer la démarche, le pourquoi de la réintroduction de cette heure et demie supplémentaire de mathématiques" aux élèves de seconde qui ont fini leur année scolaire "la semaine prochaine", s'insurge Eric Labastie, secrétaire général de la Fédération des conseils de parents d'élèves sur franceinfo.
3Y aura-t-il assez de profs de maths pour mettre en place cette réforme ?
Il semble que non. Car côté ressources humaines, la situation est critique pour la rentrée de septembre, les professeurs, notamment de mathématiques, manquant à l'appel. Leur recrutement est en deçà des besoins, avec 816 candidats admissibles aux différents concours, dont le Capes, pour 1 035 postes ouverts. Le métier n'attire plus "par manque de culture scientifique dans le pays", analyse Laurent Pujo-Menjouet, enseignant chercheur à l'université Claude-Bernard Lyon 1, pour franceinfo. Certaines académies ont d'ailleurs lancé en catastrophe des campagnes de recrutement local d'enseignants contractuels, ni formés ni titulaires d’un concours.
"On est quasiment dans un état d'urgence dans l'Education nationale", a prévenu la secrétaire générale du Snes-FSU, Sophie Vénétitay, interrogée vendredi sur France Inter, affirmant qu'à la rentrée prochaine, "il n'y aura[it] pas, contrairement au mantra ministériel, un professeur devant chaque classe". Pourtant le directeur général de l'enseignement scolaire (Dgesco), Edouard Geffray, a affirmé, le 12 mai sur franceinfo : "Nous aurons les professeurs de mathématiques nécessaires devant les classes.". En précisant que l'Education nationale disposait d'"une réserve de personnels" et que la situation cette année était "ponctuelle et particulière" car les règles d'admission au concours de l'enseignement ont été modifiées.
4Comment la mesure est-elle accueillie par les syndicats et autres collectifs ?
Les réactions n'ont pas tardé. Le collectif maths-sciences des sociétés savantes et associations de sciences a demandé à être reçu "sans délai" par le ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye, "avant toute prise de décision définitive". Car, selon le collectif, les mesures visant à ajouter une heure et 30 minutes de mathématiques sont "inadaptées" pour répondre aux problèmes de carence de formation dans cette matière soulevés par la réforme du bac. "Elles contreviennent aux objectifs d'une formation mathématique pour tous et toutes à la hauteur des besoins de la société et des aspirations des lycéennes et lycéens", avance le collectif dans une lettre ouverte adressée à son ministre de tutelle.
Pour le principal syndicat du secondaire, le Snes-FSU, l'annonce présidentielle "ressemble beaucoup à du bricolage". Sophie Vénétitay déplore "des décisions extrêmement tardives" et appelle à "tout remettre à plat" dans la réforme du bac. De son côté, le syndicat SUD-Education regrette, dans un communiqué publié vendredi, que ce retour optionnel des mathématiques ne résolve pas le problème du "choix social et genré de la spécialité mathématiques et celui de la poursuite d'études post-baccalauréat pour les élèves qui n'auront choisi ni la spécialité mathématiques ni l'option mathématiques".
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