Violences à l'école : "Il faut davantage de mixité sociale"
Une demi-douzaine d'actes de violence à l'égard de membres du personnel scolaire ont eu lieu en l'espace de quelques jours. La sociologue Marie Duru-Bellat, connue pour ses travaux sur l'école et le milieu éducatif, apporte des éléments d'explication.
Du 6 au 17 octobre, pas moins de six cas d'agressions contre des membres de personnel scolaire ont été répertoriés. Des enseignants à Argenteuil (Val-d'Oise), Colomiers (Haute-Garonne), Calais (Pas-de-Calais) et Strasbourg (Bas-Rhin), et des proviseurs à Epinay-sur-Seine et Tremblay (Seine-Saint-Denis) ont reçu des coups dans le cadre de leur fonction de la part d'élèves ou de personnes extérieures.
Si aucune coordination ne semble possible entre ces événements, leur simultanéité peut surprendre. Franceinfo a interrogé la sociologue spécialiste de l'école Marie Duru-Bellat pour essayer de comprendre cette flambée de violence.
Franceinfo : Dans vos recherches sur l'école, voyez-vous des éléments qui peuvent expliquer les violences physiques contre le personnel scolaire ?
Marie Duru-Bellat : J'observe deux tendances longues, de fond. La première est d'ordre général sur la jeunesse. On a souvent tendance à dire que ça ne va pas bien. Ce qui se traduit par des problèmes d'intégration de nombreux jeunes, notamment chez ceux qui sont peu instruits.
La seconde est liée à la stratégie pour lutter contre l'échec scolaire. On garde les jeunes longtemps à l'école, dans les filières générales, même lorsqu'ils sont en situation d'échec. Cela nourrit des ambitions et crée des désillusions. Quand vous vous sentez nul pendant dix ans, cela peut poser des problèmes.
Observez-vous une augmentation de ces faits de violence contre une personne détentrice d'autorité, ou est-ce une malheureuse coïncidence ?
C'est très difficile à voir. Aujourd'hui, on mesure beaucoup mieux ce type d'événements qu'il y a dix ans, donc les comparaisons dans le temps sont impossibles. On remarque toutefois que les figures de l'autorité visées ne sont pas les parents. Ici, ce sont les enseignants et les proviseurs, mais également la police [à Tremblay, les policiers ont également été visés par des projectiles], donc des représentants des institutions (école, Etat, police) qui, selon eux, les ont meurtris.
Comment le personnel scolaire et les établissements vivent-ils le fait d'être dans une situation à risque ?
La peur est présente, indéniablement. Tous les films montrent que les enseignants font cours sous une forme de menaces. Depuis plusieurs années, des pubs incitant les professeurs à prendre une assurance sont présentes dans les magazines. Le personnel éducatif élabore des stratégies pour diminuer cette menace potentielle, notamment en faisant en sorte que les élèves soient tout le temps en activité.
En revanche, je suis convaincue que mettre des agents de sécurité dans les écoles n'est pas efficace. On n'en a pas les moyens de toute façon. C'est avant tout un problème d'éducation. Il faut en finir avec ces discours qui disent que l'école ne doit pas éduquer. L'école doit être un lieu où les enfants apprennent les règles de vie.
Finalement, ce que ces événements disent, c'est qu'il faut plus de mixité sociale. C'est en brassant les élèves qui posent problème avec ceux qui souhaitent travailler que les classes pourront s'autocontrôler.
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