Espace : un dernier lancement pour Ariane 5... et un futur qui reste à écrire
C'est une page de l’histoire spatiale qui se tourne aujourd’hui à Kourou, en Guyane. Après 27 ans de service, la fusée Ariane 5 doit décoller pour son 117e et dernier vol, avec deux satellites militaires à bord. Si l'appareil est devenu le symbole d'une grande réussite de l'Europe spatiale, l'histoire avait pourtant très mal débuté.
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Nous sommes le 4 juin 1996. Il fait gris sur Kourou, au Centre spatial. Tous les regards sont tournés vers la toute nouvelle fusée. Le décollage se passe sans encombre, mais une trentaine de secondes plus tard, Ariane 5 dévie de sa trajectoire et doit être détruite. Les images feront la une de tous les médias. Il faudra attendre plus d’un an pour revoir la fusée sur son pas de tir, et même fin 1998 pour qu’un lancement soit parfaitement réalisé. Un démarrage pour le moins chaotique, mais une fois ces déboires passés, c'est une belle et longue histoire Ariane 5 a connu une belle et longue histoire.
Deux gros satellites embarqués à chaque fois
La fusée mesure plus de 50 mètres de haut (c'est la taille de l'Arc de triomphe à Paris). Elle pèse 780 tonnes au décollage, dont 90% constitués par le carburant. Un concentré de puissance qui permet de placer en orbite jusqu’à 10 tonnes de matériel. Et ce qui a permis de faire la différence face à la concurrence, c'est la capacité d'Ariane 5 d'embarquer deux gros satellites. Olivier Sanguy, responsable de l’actualité spatiale à la Cité de l’Espace, à Toulouse : "La stratégie du lancement double a véritablement été une cheville ouvrière du succès d'Arianespace, et pas seulement sur Ariane 5, cela avait déjà été testé sur les précédentes versions. Un lancement double, c'est quoi ? Il faut imaginer que sous la coiffe il y a deux satellites, au lieu d'un seul client."
On partage les coûts du lancement. On met un premier satellite, on l'encapsule, et au-dessus ,on en met un second. Donc quand on va vers l'orbite géostationnaire, on livre d'un coup deux clients, et ça a été une astuce commerciale décisive pendant deux décennies.
Olivier Sanguyfranceinfo
En plus de cet atout commercial, Ariane 5 n'a quasiment plus connu d'échec. Au total, la fusée a un bilan très honorable : 117 lancements pour 270 satellites placés sur orbite et quelques grandes missions spatiales impulsées, comme l’envoi de la sonde Rosetta partie visiter la comète Tchouri en 2004.
Fin 2021, Ariane 5 lance parfaitement le télescope géant James Webb. Un bijou de technologie à 10 milliards d’euros confié par les Etats-Unis. Ce geste rare est une preuve de confiance dans la fusée européenne. Carine Leveau, directrice du transport spatial au Centre National d’Études spatiales (CNES) détaille : "La précision avec laquelle nous avons injecté le télescope en orbite a permis de rallonger de cinq ans la durée de vie de l'outil. Ce qui caractérise Ariane 5, c'est sa fiabilité et sa précision."
Ariane 6 prête à prendre la relève ?
Ariane 5 fera donc ses adieux ce vendredi soir, laissant sa place à Ariane 6. Un appareil qui aurait du être mis en service dès 2020, mais dont le vol inaugural n'a toujours pas eu lieu (il se déroulera probablement en 2024). Une situation en partie imputable à la crise du Covid-19, mais pas seulement selon l'ingénieur Frederic d’Allest : "A l'été 2008, j'ai fait une tribune dans Le Monde où j'expliquais qu'on n'avait aucun lanceur en développement pour prendre la suite d'Ariane 5. Il a fallu attendre 2014 pour décider du programme Ariane 6. C'est ce retard qui est de l'ordre de 7 ou 8 ans, que nous payons aujourd'hui. C'est tout à fait anormal que depuis 2022 nous n'ayons plus de lanceur en production. Je crois que c'est du jamais-vu dans l'histoire."
L’Europe spatiale attend donc avec impatience le premier lancement d’Ariane 6. Tout comme les équipes qui en fabrique les morceaux. C'est par exemple le cas dans le nouveau bâtiment gigantesque construit aux Mureaux, près de Paris. Les salariés attendent de pouvoir montrer les atouts de cette nouvelle fusée, comme le moteur réallumable, qui va changer la donne. Mathieu Chaize est l’un des responsables du programme : "Pour vous donner un exemple, on a déjà eu des demandes pour mettre un premier satellite sur une orbite géostationnaire et ensuite en emmener un deuxième vers la lune. Et ça, ce sont des choses que nous ne pouvions pas imaginer avant."
Le carnet de commandes d'Ariane 6 est déjà bien rempli, avec notamment un énorme contrat signé l'an dernier avec Amazon pour sa future constellation de télécommunication Kuiper : 18 lancements sont d'ores et déjà prévus.
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