Santé : on vous explique pourquoi le gouvernement veut encadrer les médecines non conventionnelles
Aromathérapie, naturopathie, sophrologie… Depuis la crise sanitaire, les médecines "non-conventionnelles" sont en plein essor. Egalement appelées "médecines douces", elles n'ont pas fait l'objet d'études scientifiques ou cliniques démontrant leur efficacité ainsi que leur innocuité.
Afin de mieux réglementer le secteur, la direction générale de la santé organise, mercredi 28 juin, une réunion d'installation du "comité d'appui pour l'encadrement des pratiques de soins non-conventionnelles", en présence de partisans et d'opposants à ces pratiques. Objectif : donner, dans les prochains mois, des clés de compréhension aux patients, afin qu'ils puissent s'y retrouver et éviter les dangers et les dérives de certaines de ces disciplines.
Des pratiques non encadrées par la loi
Les médecins sont les premiers à s'inquiéter de l'essor de ces thérapies alternatives. "Elles ne sont pas reconnues sur le plan scientifique par la médecine conventionnelle et n'appartiennent pas à la formation initiale des médecins", rappelait mardi le Conseil national de l'Ordre de la profession. L'organisme redoute en outre que le manque d'encadrement mène à des écueils graves, comme "l'exercice illégal de la médecine, [ou des] dérives thérapeutiques, voire sectaires", pouvant entraîner "un important problème de santé publique".
D'un point de vue médical, "certaines de ces pratiques de soins non-conventionnelles ont certainement une efficacité sur certains symptômes, mais celle-ci est insuffisamment ou non démontrée", insiste le Conseil de l'Ordre. Par ailleurs, même lorsqu'elles "ne représentent pas de risque pour la santé", elles peuvent "entraîner une perte de chance pour les personnes qui seraient atteintes de maladies graves en retardant la prise en charge du malade en médecine conventionnelle", alerte l'instance.
Ces thérapies suscitent également une autre inquiétude : leur exercice n'est encadré ni par la loi ni par un ordre ou un organisme spécifique, comme c'est le cas pour les médecins. Ainsi, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) affirme prêter une attention particulière à ces pratiques, auxquelles "près de 40% des Français ont recours", selon une enquête publiée en 2022.
"Or ces publics sont parfois en situation de grande vulnérabilité, consultant dans une période de mal-être ou confrontés à un problème que la médecine conventionnelle ne leur semble pas pouvoir résoudre."
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
Egalement dans le viseur de la répression des fraudes : l'absence de cadre légal de la formation des thérapeutes. "La majorité des pratiques ne requièrent pas de cursus, de compétences ou de diplôme", rappelait en mai la DGCCRF. De plus, "les centres de formation sont axés sur l'apprentissage des disciplines, et n'informent pas sur les obligations issues notamment du droit de la consommation ou du code la santé publique", pointait l'organisme.
"Quand on parle de médecines douces, on a l'impression que ça ne fait pas de mal", abonde sur franceinfo Pierre de Brémond d'Ars, médecin généraliste et président de No Fakemed, un collectif qui alerte sur les "fausses médecines". "Or, la Miviludes [Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires], le ministère de la Santé et maintenant le Conseil national de l'Ordre des médecins en sont conscients : il y a un risque à l'utilisation sans frein, sans limite, de ces pratiques", explique-t-il.
Le manque de praticiens en cause
Crise sanitaire, manque de médecins, de kinésithérapeutes, de sages-femmes… Les difficultés du système de santé ont favorisé l'essor des médecines non-conventionnelles ces dernières années, estiment les pourfendeurs des thérapies dites "alternatives". Et ce, alors que les "patients [sont] toujours plus nombreux, toujours plus complexes", souligne Pierre de Brémond d'Ars. "On passe moins de temps avec nos patients", déplore-t-il, soulignant que "le bien-être, par ailleurs, est un marché extrêmement porteur, avec une croissance importante qui représente plusieurs milliards d'euros chaque année."
Les médecins ne sont pas les seuls à s'inquiéter de l'essor de ces "médecines parallèles". La Miviludes dénonçait, dans son rapport annuel publié en novembre 2022, un nouveau record du nombre de saisines en atteignant le nombre de 4 020 en 2021. Parmi elles, plus d'un quart (1 011) ont été confiées au pôle santé de l'organisme, car elles visent des dérives thérapeutiques, des pratiques de soins non-conventionnelles, comme la naturopathie, la nouvelle médecine germanique, la ventousothérapie, la méditation en pleine conscience, ou encore le jeûne et le crudivorisme. Autant d'alternatives thérapeutiques dont l'efficacité n'a jamais été prouvée scientifiquement.
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