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Médecines non-conventionnelles : "ll y a un risque à l'utilisation sans frein, sans limites de ces pratiques", alerte un médecin généraliste

Le docteur Pierre de Brémond alerte sur le danger de la croyance en matière de santé alors qu'un Comité d'appui se réunit mercredi au ministère de la Santé.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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L'hynose "utilisée comme un concept global" pose "un problème parce que vous rentrez dans un système de croyances", dénonce le collectif NoFakeMed (photo d'illustration). (AURÉLIEN ACCART / RADIO FRANCE)

"Il y a un risque à l'utilisation sans frein, sans limites de ces pratiques", a alerté mercredi 28 juin sur franceinfo le docteur Pierre de Brémond, président du collectif NoFakeMed, un collectif engagé afin d’informer et d’alerter sur les "fake médecines". L’essor des médecines non-conventionnelles inquiète le ministère de la Santé. Leurs partisans préfèrent le terme de médecines douces, médecines alternatives, médecines naturelles ou encore médecine traditionnelle.

>> Soins non conventionnels : des dérives inquiétantes

Mercredi aura lieu la première réunion du Comité d'appui à l'encadrement de ces pratiques au ministère de la Santé avec des partisans et des opposants. Leur objectif commun dans les prochains mois, c'est de donner aux patients les clés pour s'y retrouver et éventuellement pointer les dangers et les dérives de certaines de ces pratiques. "L'essentiel, c'est de ne jamais arrêter un traitement sans avoir un avis médical", a expliqué Pierre de Brémond.

franceinfo : Il y avait urgence à se pencher sérieusement sur ces médecines non-conventionnelles ?

Pierre de Brémond : Quand on parle de médecines douces, on a l'impression que ça ne fait pas de mal. Or, la Miviludes, le ministère de la Santé et maintenant le Conseil national de l'Ordre des médecins en sont conscients. Il y a un risque à l'utilisation sans frein, sans limites de ces pratiques. Le rôle du collectif, c'est surtout d'alerter, d'informer les patients pour qu'ils puissent prendre leur décision en toute conscience avec une information claire, loyale et adaptée.

L’idée, c’est de pouvoir faire le tri entre toutes ces pratiques ?

L'idée, ce n'est pas de faire de tri entre les pratiques, mais plutôt de déceler dans les pratiques ce qui peut fonctionner.

"Les pratiques doivent être vues comme des outils et non pas comme des pratiques en elles-mêmes."

Docteur Pierre de Brémond, président du collectif No Fakemed

à franceinfo

L'hypnose, par exemple, c'est un moyen de détourner l’attention. Quand on fait un vaccin, de vous faire changer les idées, le temps juste de faire la piqûre. C'est une forme d'hypnose. C'est un outil utilisé par les soignants. Avec l'hypnose, utilisée comme un concept global, et qui doit amener à une santé meilleure avec un hypnothérapeute, on a un problème parce que vous rentrez dans un système de croyances. Vous ne croyez plus quasiment qu'à l’hypnose, et là, il y a des dangers. On ne peut pas encadrer les pratiques qui sont, par nature, alternatives, floues et qui se mélangent entre elles. Mais par contre, on peut alerter les patients et éventuellement aller vers une meilleure adaptation de nos pratiques, moins prescrire, mieux prescrire, favoriser l'activité physique, favoriser une meilleure alimentation, sans pour autant tomber dans des croyances et des dérives thérapeutiques, l'arrêt des médicaments, voire des dérives sectaires, des phénomènes d'emprise mentale qui sont malheureusement ce que craint la Miviludes.

Comment explique-t-on l’essor important de ces pratiques ?

Il ne vous a pas échappé que le système de santé est un peu en mauvais état. Actuellement, on n'est pas beaucoup de soignants. Je suis médecin généraliste, mais je pense aussi aux kinésithérapeutes, aux pharmaciens, aux sages-femmes, aux infirmières, aux diététiciennes qui ne sont pas assez nombreux face à des patients toujours plus nombreux, toujours plus complexes. On a moins de temps passé avec nos patients. Le bien-être, par ailleurs, est un marché extrêmement porteur, avec une croissance importante qui représente plusieurs milliards d'euros chaque année. Et il y a du coup des gens, des agences, des sociétés qui se lancent dans des campagnes de marketing assez importantes sur les réseaux sociaux ou dans la presse pour voir promouvoir toutes ces techniques. Ça marche parce qu’on appuie sur les leviers qui fonctionnent, le fait de prendre du temps pour soi, le fait d'utiliser des produits naturels. On ne dit pas qu'il ne faut pas penser à la planète et prendre du temps pour soi. On dit peut-être qu'il y a des moyens rationnels de faire ça en se basant sur les données de la science et sans tomber dans des croyances.

À quoi il faut être vigilant quand on a affaire à ces nouvelles formes de médecine ?

L'essentiel, c'est de ne jamais arrêter un traitement sans avoir un avis médical. L'idéal, c'est votre médecin généraliste, mais ça peut être votre oncologue, ça peut être votre pharmacien, votre kinésithérapeute. Garder un lien avec quelqu'un d'autre qui, dans le domaine du soin, n'est pas dans votre système de croyances. C'est vraiment extrêmement important. Ensuite, il y a des petits signaux intéressants. Ça peut-être combien ça vous coûte à l'année ? On parle de plusieurs centaines d’euros ? Est-ce qu'on parle de plusieurs milliers d'euros ? On rappelle que c’est un marché. Si ce n’est pas remboursé, c'est peut-être que l'efficacité n’est pas prouvée. Ensuite, qu'est-ce qui se passe en cas d'échec ?

"Dans un système de croyances, le gourou, qui a la vérité, vous dit que vous n'avez pas été assez loin dans la pratique et va la renforcer. Il va vous mettre dans une situation d'emprise qui peut amener à des dérives extrêmement importantes."

Dr Pierre de Brémond

à franceinfo

Si jamais il y a un échec en médecine, par exemple, autour de l'arrêt du tabac, le médecin va prendre sa part de responsabilité dans cet échec et va vous proposer soit un accompagnement un peu différent, soit d'aller voir un spécialiste. 

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