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Vrai ou faux Le Covid-19 existait-il déjà au XIXe siècle, comme l'affirme Didier Raoult ?

Aucune preuve ne permet de confirmer les propos de Didier Raoult, car le matériel génétique de virus aussi ancien est rare et mal conservé et les études menées sur les anticorps peuvent être faussées par des "réactions croisées". Explications.

Article rédigé par franceinfo - Julien Nguyen Dang
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Le professeur Didier Raoult, directeur de l'IHU de Marseille, donne une conférence de presse sur la situation du Covid-19 à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 27 août 2020. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

"J'ai été surpris de l'ignorance totale de la virologie dans ce pays." Le professeur Didier Raoult, qui devrait être bientôt fixé sur son avenir à la tête de l'IHU Méditerranée Infection, était l'invité de l'émission "Touche pas à mon poste" sur C8, lundi 30 août. Interrogé sur la gestion de la pandémie, il a alors affirmé : "On a des données préliminaires qui montrent qu'il y avait du Covid-19 au XIXe siècle."

Contacté, l'IHU Méditerranée Infection n'a pas répondu aux sollicitations de franceinfo : impossible, dès lors, de connaître la source du professeur Didier Raoult. Le Covid-19 et son virus, le Sars-CoV-2, existaient-ils au XIXe siècle ? Franceinfo a donc soumis l'affirmation du microbiologiste à des experts, alors que la recherche sur les origines du virus identifié en 2019 en Chine bat de l'aile.

Aucune preuve moléculaire

Le virologue Etienne Decroly, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques (AFMB) de l'université d'Aix-Marseille est formel : "Aujourd'hui, il n'y a pas d'évidence moléculaire permettant d'affirmer que le Sars-CoV-2 existait déjà au 19e siècle."

S'il n'y a pas de preuve, c'est parce que le séquençage du génome de ce virus à ARN est difficile, voire impossible, dans des prélèvements plus que centenaires. En effet, il ne reste pas ou presque pas de matériel génétique. "L'ARN ne perdure pas sur des échantillons mal stockés pendant des décennies, ce n'est pas possible", explique Alexandre Hassanin, chercheur de l'Institut de systématique, évolution, biodiversité (Isyeb) au Muséum national d'Histoire naturelle. "Pour que l'ARN soit préservé sur des échantillons, il faut le mettre dans un tampon particulier et le stocker rapidement à −80 °C. Ce n'était évidemment pas possible au XIXe siècle." Pour Alexandre Hassanin, il est donc impossible de recueillir des preuves formelles avec les techniques actuelles.

Le virologue Etienne Decroly va plus loin : "Si le Sars-CoV-2 avait existé, il aurait subi plus d'un siècle d'évolution et aurait fortement divergé. Je crois qu'on ne peut pas raisonnablement dire qu'il existait déjà."

Aucun cas de Covid-19 identifié avant 2019

Les propos de Didier Raoult vont également à l'encontre du consensus scientifique actuel sur la question des origines du virus. Selon l'enquête de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les premiers cas vérifiés de Covid-19 se sont ainsi déclarés en décembre 2019 (PDF en anglais) en Chine. Une enquête italienne (en anglais) a permis de déceler la possible présence de cas dès septembre 2019, en recherchant des "anticorps spécifiques" dans des échantillons sanguins, mais "sans démonstration définitive", objecte Etienne Decroly. Quoi qu'il en soit, aucune recherche n'établit formellement l'existence du Covid-19 avant 2019, encore moins au XIXe siècle.

Des interrogations existent cependant bel et bien autour de formes parentes du Sars-CoV-2. En 2012, une forme sévère de pneumonie avait ainsi touché six mineurs chinois et emporté trois d'entre eux. Un coronavirus de chauves-souris, le RaTG13, avait alors été identifié sur les lieux possibles de leur contamination. Celui-ci serait proche à 96% du Sars-CoV-2. Deux ans plus tôt, c'est un virus proche à 93% du Sars-CoV-2 qu'avait identifié Alexandre Hassanin. Des découvertes remises sur le devant de la scène, alors que l'enquête internationale sur les origines du Covid-19 patine.

La piste de la "grippe russe"

Un événement historique semble toutefois faire en partie écho aux propos de Didier Raoult : l'épisode dit de "grippe russe", une pandémie apparue dans la Russie tsariste (en anglais) et à laquelle on attribue un million de morts sur la planète au tournant des années 1890. Maux de tête, perte de goût et d'odorat, gêne respiratoire… Les symptômes de ce mal rappellent ceux associés au Covid-19. "Pendant longtemps, on pensait qu'il s'agissait d'une épidémie de grippe, mais des recherches récentes (…) suggèrent que le virus aurait pu être un coronavirus, HCoV-OC43", explique Etienne Decroly, en référence à un autre des sept coronavirus humains déjà référencés (en anglais). Virus qui circule, depuis, au sein de l'espèce humaine sous forme bénigne.

L'équipe du virologue belge Marc Van Ranst a supposé que le passage de HCov-OC43 à l'espèce humaine depuis les bovins avait dû se produire à l'époque de la pandémie de "grippe russe", selon des travaux publiés en décembre 2020 (en anglais). Ceci reste cependant une hypothèse, aucune preuve n'ayant pu être apportée au niveau moléculaire. Quoi qu'il en soit, OC43 est un coronavirus distinct du Sars-CoV-2. "Ce sont des virus proches génétiquement, mais ils ne reconnaissent pas le même récepteur et ils ont des différences moléculaires significatives, éclaire Etienne Decroly. On ne peut donc pas tirer de parallèle strict entre ces deux infections."

Notons toutefois qu'une étude effectuée au sein de l'IHU Méditerranée Infection s'est intéressée à cette "grippe russe" en lien avec le Covid-19. Est-ce à ces travaux, codirigés par le professeur Michel Drancourt, que faisait référence Didier Raoult ? En se penchant sur des échantillons issus de dépouilles de soldats russes morts en 1914, l'équipe de l'institut a isolé une réaction positive de l'un d'entre eux aux antigènes du Sars-CoV-2. "La difficulté de ce genre d'études, c'est qu'il y a des 'cross reactions' (des réactions croisées). Un anticorps qui détecte un coronavirus peut aussi reconnaître à faible affinité un autre virus de la même famille. C'est quelque chose de bien connu", nuance Etienne Decroly. D'autant que la réaction était aussi positive vis-à-vis de deux autres coronavirus, dont OC43. Contactés, les auteurs de l'étude n'ont pas fourni d'explications à franceinfo.

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