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"Une alarme se déclenchait si je franchissais ma porte" : Yan, touchée par le coronavirus en Chine, raconte sa maladie et son confinement

Yan est tombée malade après une visite familiale en janvier à Wuhan. Suivie à distance et interdite de sortie, elle tousse encore aujourd'hui malgré la disparition des autres symptômes. Elle raconte à franceinfo la dureté du confinement en Chine.

Article rédigé par franceinfo - Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Yan, son mari et son fils devant la fenêtre de leur appartement dans la ville de Shenzhen, le 28 mars 2020. (DR)

Yan* et son mari, jeune couple trentenaire vivant à Shenzhen, étaient partis passer quelques jours avec leur famille près de Wuhan, là où tout a commencé. Elle raconte à franceinfo sa fuite, sa maladie et son confinement durant les trois derniers mois.

Janvier 2020 : "On a fui Wuhan comme des agents secrets"

Le 19 janvier 2020, je suis partie en voiture avec mon mari et mon enfant dans notre région natale de Hubei pour passer le Nouvel an lunaire. C'est la période la plus animée de l'année en Chine. Nous avons fait un stop à Wuhan pour nous reposer, parce que la maison était encore à environ 200 kilomètres. C'est sans doute là que j'ai été contaminée. Le lendemain, dès notre arrivée à destination, on a compris qu’il se passait quelque chose d’inhabituel dans la région. Le 23 janvier, Wuhan commençait à fermer, alors que c’était la veille du Nouvel an. Contrairement à ce qui était prévu, nous avons décidé de retourner à Shenzhen dès le lendemain, de peur d’être coincés ici. Nous pressentions que la situation risquait d'être plus grave que ce qui se disait sur place. Le 24 janvier au soir, après le dîner, nous nous sommes précipités sur la route. Nous nous sentions comme des agents secrets en train d'être exfiltrés.

On a roulé pendant 18 heures dans la nuit, le brouillard et l’angoisse pour quitter Wuhan

Yan, habitante de Shenzhen

à franceinfo

Février 2020 : "Bien que malade, je préfère quitter l'hôpital"

Après 18 heures de route, nous sommes arrivés à Shenzhen où nous habitons. Je m'attendais à ce que l’on soit mis en quarantaine parce qu’on avait passé une nuit à Wuhan. La première chose que j’ai faite a été d'aller au supermarché pour acheter de la nourriture. Là, j’ai fait le plein : 100 kilos de riz, 40 kilos de nouilles, etc. Il n y avait plus du tout de masques de protection, ni de produits de désinfection.

Pour espérer avoir un masque, on pouvait participer à une loterie en ligne mais on n’a jamais gagné

Yan, habitante de Shenzhen

à franceinfo

Malheureusement, quelques jours plus tard, j'ai commencé à avoir de la fièvre et je toussais beaucoup. J'avais mal à la tête et des douleurs au thorax. Je suis allée à l'hôpital, mais il y avait trop de patients et mes symptômes n'étaient pas considérés comme particulièrement graves. Le médecin m'a donné des médicaments "à essayer", mais j’étais de plus en plus mal. J’ai finalement été hospitalisée. Les conditions étaient très difficiles. Les infirmières n'entraient pas dans ma chambre et se contentaient de déposer les médicaments devant la porte. Les médecins ne surveillaient pas l'évolution de mon état de santé. Je ne pouvais que me surveiller moi-même en espérant survivre. 

Les médecins m'ont dit de ne les appeler que si je ne pouvais plus respirer. J’étais seule. Je me sentais comme dans le couloir de la mort.

Yan, habitant de Shenzhen

à franceinfo

J’ai préféré rentrer à la maison. J’ai été suivie à distance par un ami médecin qui m’a envoyé un oxymètre. Je prenais ma température, je surveillais mon taux d'oxygène sanguin et ma fréquence cardiaque. Heureusement, beaucoup de mes camarades de classe sont médecins et ils m'ont donné beaucoup de conseils. Je me suis isolée dans ma chambre loin de mon mari et de mon enfant qui n'ont pas été malades. On m'a prescrit de la chloroquine - le phosphate de chloroquine fait partie des traitements pouvant être mobilisés en Chine, ndlr - et un remède de médecine chinoise. Je ne sais pas aujourd'hui ce qui m'a soignée.

Dès mon retour à la maison, on a entendu un bruit très fort dans le couloir, devant la porte. A travers le juda, nous avons vu des gens installer du matériel. C'était un système de surveillance parce que j'étais malade. On nous a demandé de ne pas quitter la maison sinon l'alarme se déclencherait au franchissement du seuil. 

Pourtant, il fallait se ravitailler. Les deux premières semaines, on ne pouvait pas faire de courses en ligne. Puis, nous avons pu nous faire livrer des légumes. Les livreurs nous les déposaient devant la porte. Dès qu'on entendait la sonnerie, on ouvrait et on désinfectait tout. 

Le gouvernement nous a envoyé un cadeau et nous a félicités d’être restés à la maison sans causer trop de problèmes et sans contaminer les autres.

Yan, habitante de Shenzhen

à franceinfo

Mars 2020 : "Le plus dur, c'est de se retrouver sans revenus" 

Aujourd'hui, je tousse encore chaque soir pendant une demi-heure avant d’aller me coucher, mais tous les autres symptômes ont disparu. On ne sort toujours pas ou très peu de la maison. On a très peu de masques. On a beaucoup cuisiné, mon fils a transformé la maison en parc de loisirs en roulant sur des valises, j'ai fait la coiffeuse en coupant très mal les cheveux de mon mari qui a des trous sur le crâne.

Tout ça, c'est très drôle mais ce qui est dur, à présent, c'est que nous n'avons pas de revenus. Je ne peux pas sortir pour mon travail qui consiste à rencontrer des clients. Nous essayons de compenser par des contacts en ligne. Petit à petit, nous apprenons de nouvelles façons de travailler. Bref, deux mois après, la situation n'est pas encore revenue normale. Malgré tout, j'essaye de rester optimiste.

*Le prénom a été changé

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