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Coronavirus : sécurité, conditions de vie... Comment sont encadrés les Français placés en quarantaine à Carry-le-Rouet et à Aix-en-Provence ?

Rapatriés dans deux avions qui ont atterri vendredi et dimanche, ils devront passer deux semaines, le temps d'incubation du virus, sans contact avec l'extérieur.

Article rédigé par franceinfo
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Le centre de vacances de  Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône) où sont accueillis 179 Français rapatriés de Wuhan, le 31 janvier 2020. (GERARD JULIEN / AFP)

De l'ambiance pesante d'une ville bouclée à un paisible lieu de villégiature. Des Français rapatriés de Wuhan, épicentre de l'épidémie de coronavirus 2019-nCoV, se sont installés depuis vendredi 31 janvier dans un centre de vacances à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône), où ils passeront 14 jours de quarantaine. Un deuxième avion, transportant d'autres Français mais aussi des ressortissants d'autres nationalités, a atterri dimanche 2 février. Ses occupants seront répartis entre le centre de vacances et une école de pompiers à Aix-en-Provence.

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Franceinfo vous explique les conditions dans lesquelles ils vont passer deux semaines isolés du reste du monde, sous surveillance médicale.

Deux groupes de rapatriés, Français mais aussi étrangers

Le premier avion, arrivé vendredi à Istres (Bouches-du-Rhône) transportait 179 rapatriés, qui passeront leur quarantaine ensemble à Carry-le-Rouet. Tous sont français : des expatriés à Wuhan, des touristes, mais aussi trois journalistes de l'AFP. Envoyés à Wuhan juste avant la mise en quarantaine de la ville, ils ont raconté leur mission et leur départ sur le blog AFP Making Of, et ont, depuis leur arrivée, témoigné sur les conditions de la quarantaine de l'intérieur.

Un deuxième avion a décollé de Wuhan très tôt dimanche, en direction de la France, et la base militaire d'Istres. Cet A380 doit ramener d'autres Français, qui auraient "des regrets" de ne pas avoir pris le premier vol, mais aussi des ressortissants d'autres pays, a indiqué la ministre vendredi. Les Français sont en minorité, 64 sur 258 passagers, a précisé la préfecture.

Sur le vol, 29 autres nationalités sont représentées, avait ajouté le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, dimanche matin sur RTL et LCI. Certains de ces étrangers, 45 au total, ont repris l'avion en direction du Bruxelles : ils sont Belges, Néerlandais, Danois, Tchèques et Slovaques, annonçait l'agence Belga avant leur arrivée. D'autres, au nombre de 88, ont été envoyés vers d'autres destinations, indique la préfecture à franceinfo. Restent donc 125 passagers accueillis en France, parmi lesquels 61 étrangers.

Deux sites, dont un centre de vacances

Le premier groupe de rapatriés séjourne à Carry-le-Rouet, une station balnéaire située près de Marseille, au sein du centre de vacances Vacanciel. Sur son site, l'établissement trois étoiles indique disposer de 136 hébergements. Situé au milieu d'une pinède, dans une calanque, à plus de 3 kilomètres de Carry, le site est isolé et accessible par une seule entrée au bout d'une impasse. Ce qui n'a pas empêché certains habitants de la petite ville de s'inquiéter, lors d'une réunion publique vendredi, de la venue surprise de ces rapatriés et des conséquences sur l'image de la cité, qui organise les dimanches de février une fête de l'oursin, prisée des touristes.

"La solution de facilité aurait été une caserne désaffectée", mais les autorités ont préféré choisir un lieu où la période de confinement sera la moins désagréable possible, a expliqué à l'AFP Marc Zyltman, le responsable de la Croix-Rouge sur le site. "Il faut que le site soit agréable à vivre car les gens vont y passer 14 jours". "C'est une zone de confinement, pas de détention", a-t-il rappelé sur franceinfo. Les journalistes de l'AFP décrivent des chambres à la décoration moderne et minimaliste, et l'établissement dispose notamment d'une piscine chauffée. Un sujet de France 2 donne un aperçu de l'intérieur.

Le deuxième groupe de rapatriés a été réparti entre Carry-le-Rouet et un autre lieu en apparence moins séduisant : l'Ecole nationale supérieure des sapeurs-pompiers (Ensosp) d'Aix-en-Provence. Selon la préfecture, un groupe de 41 Français a rejoint le centre de vacances – Adrien Taquet avait indiqué que les familles seraient prioritaires – tandis que 23 autres Français et les 61 ressortissants étrangers seront hébergés dans le centre de formation des sapeurs-pompiers.

Cette école dispose, selon son site internet, de 525 chambres, et a été vidée de ses occupants en fin de semaine, affirme France 3. "Tout est prêt, nos personnels sont prêts" a assuré Adrien Taquet lors d'une visite sur place dimanche. Le centre de formation, entièrement fermé et grillagé, est situé en zone rurale, loin des habitations, à une dizaine de kilomètres du centre-ville d'Aix-en-Provence. La maire de la ville, Maryse Joissains-Masini, a d'ailleurs exprimé son mécontentement sur ce choix qu'elle dit avoir appris dans la presse : "Je dois pouvoir rassurer et renseigner en toute transparence [les habitants], j’exige donc qu’on me tienne informée", écrit-elle dans un communiqué.

Un encadrement important

Dès leur départ de Wuhan, les rapatriés étaient conduits par des chauffeurs en combinaison de protection, puis accompagnés pendant le vol par un personnel également protégé, de façon plus légère, racontent les journalistes de l'AFP. Dont du personnel médical, habilité à répondre aux questions et à prendre la température des passagers.

A Carry-le-Rouet, ils ne sont pas non plus livrés à eux-mêmes. Une équipe médicale d'une vingtaine de personnes (médecins, infirmiers, psychologues), est sur place 24 heures sur 24, épaulée par des militaires de la sécurité civile et 30 volontaires de la Croix-Rouge, expliquent les journalistes de l'AFP. La Croix-Rouge va assurer la distribution des repas, confectionnés par un préparateur extérieur, et ses membres joueront aussi le rôle d'une conciergerie pour faire des courses pour les rapatriés et proposeront des animations, notamment pour les enfants –on en compte une cinquantaine, dont quelques bébés. Samedi, une partie de volley a même été organisée.

Les membres de l'équipe médicale se relaieront : selon un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône, environ 80 réservistes sanitaires ont été mobilisés pour une durée de deux semaines renouvelable une fois. Et la Croix-Rouge indique mobiliser près de 200 bénévoles et salariés. "Je suis surpris de l'importance des moyens mis en œuvre", a d'ailleurs commenté le maire de la ville, Jean Montagnac, sur franceinfo, décrivant des professionnels arrivés "de la France entière, des médecins, infirmières, psychologues".

Des gendarmes gardent, le 31 janvier 2020, l'entrée du centre Vacanciel à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône), d'où les rapatriés n'ont pas le droit de sortir, et où ils ne peuvent pas recevoir de visites. (MAXPPP)

Les occupants du centre ont le droit de circuler librement dans les 3,5 hectares de la propriété, mais pas d'en sortir, et ils se sont engagés par écrit à respecter les 14 jours de quarantaine, qui correspondent à la durée maximum d'incubation du coronavirus selon les scientifiques : si aucun ne déclare des symptômes d'ici là, on saura donc qu'ils ne sont pas contaminés. "Ce qui est impressionnant, c'est le nombre de gendarmes et de militaires partout autour du centre, témoigne Béatrice Raimbault, une des rapatriées, auprès de France Bleu Touraine.

On sent qu'on est vraiment confinés et qu'on ne pourra pas partir !

Béatrice Raimbault

à France Bleu Touraine

Les contacts avec des personnes extérieures sont également interdits : samedi, les parents d'un étudiant rapatrié ont ainsi dû laisser le sac de vêtements qu'ils lui apportaient aux gendarmes qui gardent l'entrée du centre. Le sac de vêtements a ensuite été remis à l'étudiant. Un arrêté a également été pris pour interdire le survol de la zone, notamment par des drones.

Des mesures médicales peu contraignantes

Les Français en quarantaine à Carry-le-Rouet ne sont pas confinés dans leurs chambres, et peuvent circuler librement dans l'enceinte du centre. Samedi, tous ont été testés pour savoir s'ils étaient contaminés par le coronavirus, des tests qui se sont tous avérés négatifs.

Ils ont tout de même l'obligation de porter un masque de protection, "jusque dans notre chambre", explique Béatrice Raimbault. "Le port du masque est là pour rassurer, c'est un aspect psychologique extrêmement fort", explique à franceinfo un des journaliste de l'AFP rapatriés, Stéphane Ricci. Et si le masque n'empêche pas d'être contaminé de l'extérieur par le virus, il "permet aux personnes qui seraient malade d'éviter de contaminer les personnes autour au cours d'une discussion ou d'un éternuement"Par ailleurs, les pensionnaires se sont vu remettre un thermomètre. Ils doivent prendre leur température deux fois par jour, matin et soir, et communiquer les résultats à l'équipe médicale. 

On ignore, en revanche, si les règles seront les mêmes pour les pensionnaires du site d'Aix-en-Provence. Le secrétaire d'Etat Adrien Taquet a en tout cas assuré que l'arrivée de nouveaux pensionnaires dans le centre, issus du second vol, ne ferait pas repartir à 0 la durée de quarantaine du reste du groupe, car tout est "organisé pour qu'il n'y ait pas d'infection qui se produise".

La surveillance médicale déjà en place lors du trajet, vendredi, avait notamment permis de repérer deux personnes qui "ont présenté des symptômes (...) l'une dans l'avion, l'autre dans le bus", a expliqué Agnès Buzyn vendredi. Elles ont été transportées dès leur arrivée au CHU de Marseille, où elles ont été testées négatives au nouveau coronavirus, a rassuré la ministre de la Santé. "Ils vont pouvoir retourner au centre", a-t-elle indiqué.

Une ambiance détendue et du soulagement

A leur départ de Wuhan, les rapatriés de vendredi ignoraient leur destination, qu'ils ont apprise en chemin, en s'informant sur internet, expliquent les journalistes de l'AFP. "C'était vraiment le soulagement en voyant que c'était le sud de la France, le soleil, les températures clémentes", raconte l'un d'eux, même s'il y avait aussi de la "tristesse" pour certains des passagers : "Pour certains, ce départ, c'est faire un trait sur une vie, [ils] quittent Wuhan et ne savent pas s'ils y reviendront".

Depuis, tous les témoignages font état d'un certain soulagement. "On est contents d'être bien accueillis par toute l'équipe médicale et contents de pouvoir enfin se reposer", s'est réjoui William, un rapatrié de 28 ans interrogé par BFMTV, également séduit par la "belle vue face à la mer""On est sortis de Wuhan maintenant, on ne peut plus être anxieux, acquiesce Béatrice Raimbault auprès de France Bleu Touraine. En plus, on nous a mis dans un lieu assez exceptionnel."

Des rapatriés français accueillis par des bénévoles de la Croix-Rouge, le 31 janvier 2020, à leur arrivée au centre de vacances de Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône). (STR / AFP)

"Hier soir, ils étaient fatigués, c'est bien normal. Les gens sont allés tranquillement se coucher après le repas du soir. Maintenant, la vie reprend son cours, et ça se passe plutôt bien", expliquait samedi Marc Zyltman, le responsable de la Croix-Rouge. Sur place, certains se renseignent sur la façon de laver son linge, d'acheter des cigarettes ou encore d'échanger ses yuans contre des euros, tandis que d'autres profitent de la vue et se détendent à l'extérieur autour d'un café. Les plus petits se sont occupés avec de la pâte à modeler, et les ados lors d'une partie de volley.

Une ambiance de "colonie de vacances""très conviviale, résume le journaliste de l'AFP Sébastien Ricci : "Tous les gens qui se retrouvent ici ont des points communs, ils viennent de Wuhan, ils ont été rapatriés et ils vont passer 14 jours en quarantaine.(...) Les gens ont tendance à prendre ça à la légère, à rigoler quand quelqu'un va éternuer, va tousser, comme ça peut arriver à chacun d'entre nous." La suite dira si cette ambiance perdure pendant deux semaines, et s'il en sera de même dans l'autre groupe de rapatriés.

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