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Coronavirus : l'hospitalisation de Boris Johnson en soins intensifs laisse le Royaume-Uni "comme groggy"

Le Premier ministre britannique est désormais hospitalisé en soins intensifs. Il a chargé son ministre des Affaires étrangères de conduire les affaires courantes du pays.

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le Premier ministre britannique Boris Johnson, visite un laboratoire, à Londres, le 6 mars 2020. (JACK HILL / AFP)

"C'est la première fois qu'un Premier ministre est aussi mal en point, au milieu d'une crise historique, cela ajoute à l'angoisse", décrypte Sonia Delesalle-Stolper, correspondante pour Libération au Royaume-Uni. La nouvelle est tombée dans la soirée, lundi 6 avril : Boris Johnson, testé positif au coronavirus le 27 mars, est transféré en soins intensifs.

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Signe de la gravité de la situation, Boris Johnson a chargé son ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab, de "le remplacer là où nécessaire". Le lendemain, ce dernier s'est présenté devant la presse, "secoué", selon Sonia Delesalle-Stolper, pour tenter de rassurer les Britanniques. "Je suis convaincu qu'il s'en sortira, parce que s'il y a une chose que je sais à propos du Premier ministre, c'est que c'est un combattant et qu'il reviendra très vite à la barre pour nous diriger pendant cette crise", déclare-t-il.

"Le pays est comme groggy"

La nouvelle a pris tout le monde de court. Depuis l'annonce de sa contamination, Boris Johnson avait pris le soin de donner des nouvelles, via des messages vidéos. Le dernier remonte au 3 avril. "J'ai toujours un symptôme, un symptôme léger, de la température", expliquait-il, livide.

Depuis, les journalistes se posaient des questions sur la réalité de l'état de santé du Premier ministre. "Alors que Downing Street insistait sur le fait que son moral était bon, par exemple, Dominic Raab disait en conférence de presse que la dernière fois qu'il avait parlé à Boris Johnson était samedi dernier", relate Sonia Delesalle-Stolper. Depuis l'hospitalisation en soins intensifs du chef du gouvernement, "il y a une forme de choc et de sidération", raconte la journaliste.

Le pays réalise que jusqu'au plus haut sommet de l'Etat, le virus n'épargne personne.

Sonia Delesalle-Stolper

à franceinfo

"Le pays est comme groggy. Boris Johnson, qui a prôné l'immunité collective, est frappé en premier lieu par la maladie", renchérit Arnaud Comte, correspondant de France Télévisions au Royaume-Uni. "Que ce bulldozer, qui a mené des combats politiques très difficiles, que le capitaine de la nation soit frappé et de manière grave, cela rajoute beaucoup d'inquiétude", ajoute-t-il. Pour le journaliste britannique de France 24 Philip Turle, c'est du jamais-vu. "On a eu des dirigeants qui sont morts en fonction, mais la dernière fois c'était en 1865. On est vraiment face à une crise sans précédent, explique-t-il. C'est le chef, celui qui gère le pays, et il est lui-même devenu un sujet d'actualité."

Dominic Raab loin de faire consensus

Face à cette situation, la classe politique s'est rangée derrière son Premier ministre. "Il n'y aucune place à l'heure actuelle pour la polémique, mais une vraie volonté de travailler de manière constructive", constate Sonia Delesalle-Stolper. Même analyse d'Arnaud Comte. "La classe politique fait corps, tout le monde soutient et adresse ses prières à Boris Johnson, que ce soit Theresa May ou Jeremy Corbyn, avec qui il a livré une bataille féroce sur la question du Brexit."

Son remplaçant fait moins l'unanimité. En premier lieu, parce qu'au Royaume-Uni, pays qui n'a pas de Constitution écrite, la situation est un peu floue, en cas d'empêchement du Premier ministre. Contrairement à la France, où c'est le président du Sénat qui remplace le président de la République, si ce dernier ne peut plus exercer, au Royaume-Uni, "rien n'est prévu", rappelle Arnaud Comte. "C'est à Boris Johnson de donner un mandat et c'est ce qu'il a fait." Néanmoins, Dominic Raab n'a pas les mêmes pouvoirs que le Premier ministre. "Il préside les réunions, mais ça ne veut pas dire, par exemple, qu'il a le pouvoir de lever le confinement. Ces décisions seront prises collégialement. Il peut y avoir une bataille de pouvoir au sein des différents cabinets", explique Sonia Delesalle-Stolper.

Quand tu mènes une guerre et que tu perds ton capitaine, ça peut entraîner une désorganisation, c'est le risque.

Arnaud Comte

à franceinfo

Autre difficulté : la personnalité et le parcours de Dominic Raab. "Ce jeune loup du parti conservateur, qui a défendu un Brexit dur", selon les mots d'Arnaud Comte, "n'est pas considéré comme le plus compétent", assure Sonia Delesalle-Stolper. "Il a été concurrent de Johnson pour devenir leader du parti, mais il n'a pas le même pedigree que Johnson", note également Marion Lhour, correspondante au Royaume-Uni pour plusieurs médias. a va être un peu le panier de crabe au sein du gouvernement."

La reine, "phare de la nation"

Reste une figure rassurante, présente depuis des décennies : la reine Elizabeth II. Son adresse à la nation, la 5e seulement en 68 ans de règne, a été diffusée dimanche soir, à la veille de l'annonce de l'admission de Boris Johnson en soins intensifs. "C'est le phare de nation, celle qui a connu d'autres crises, comme la Seconde Guerre mondiale, et qui n'a pas caché la gravité de la crise, mais a aussi affiché sa résilience et son optimisme", livre Arnaud Comte.

"C'est l'amiral, c'est vers elle que l'on se tourne en moment de crise, conclut Sonia Delesalle-Stolper. Elle reste un élément de stabilité forte dans un pays qui est bousculé."

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