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Coronavirus : comment fonctionne la transfusion de plasma de patients guéris testée pour traiter des malades

La transfusion de plasma de personnes guéries fait l'objet d'un essai clinique lancé mardi en France.

Article rédigé par franceinfo - Alice Galopin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Un patient guéri du coronavirus donne son plasma à Wuhan (Chine), le 18 février 2020. (STR / AFP)

C'est un nouvel espoir dans la lutte contre la pandémie. L'Etablissement français du sang (EFS) lance, mardi 7 avril, un essai clinique consistant à transfuser à des malades du plasma sanguin de personnes guéries du Covid-19

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Chargé en anticorps, le plasma constitue une nouvelle piste vers un traitement. Plus de 200 patients guéris vont d'abord être prélevés. Une partie des 60 patients malades participant à l'étude recevront ensuite ce plasma. 

Quel est le rôle du plasma dans le corps ?

Le plasma sanguin est la partie liquide du sang qui sert notamment à transporter les cellules sanguines. Ce liquide contient de nombreux composants utiles à la médecine, dont " les immunoglobulines, les fameux anticorps, qui nous intéressent dans le cadre de la lutte contre la maladie Covid-19", explique Sciences et Avenir.

Les anticorps ont pour mission de détecter et neutraliser les substances étrangères au corps, appelées antigènes. Certains sont présents à la naissance, d'autres sont fabriqués lorsque le corps est confronté à ces antigènes. "Le plasma des personnes qui ont guéri du Covid-19 contient des anticorps que leur organisme a développés, explique donc l'EFS dans un communiqué. "Ces anticorps pourraient aider les patients en phase aiguë de la maladie à lutter contre le virus", espère l'établissement.

"C'est un transfert d'immunité", résume pour franceinfo Karine Lacombe, cheffe du Service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Antoine et chargée de mener l'essai. "La transfusion va permettre aux malades d'augmenter leur production d'anticorps."

Comment va se dérouler l'essai clinique ?

Baptisé "Coviplasm", l'essai clinique est conduit par l'EFS, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), en lien avec l'Inserm. Des prélèvements seront effectués sur environ 200 patients guéris depuis au moins 14 jours. Dans trois régions (Ile-de-France, Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté), les EFS vont lancer un appel au volontariat. Chaque donneur se verra prélever 600 millilitres de plasma. Ce qui permettra de mettre à disposition 600 unités de 200 millilitres de plasma pour l'essai clinique chez les malades.

"Tous les patients qui ont eu des symptômes du coronavirus" pourront faire un don, explique Karine Lacombe, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'un test de dépistage du coronavirus (PCR). Une analyse a posteriori du plasma permettra de contrôler la présence ou non d'anticorps du Sars-CoV-2. Dans le cas où le donneur n'aurait pas contracté le coronavirus, le plasma ne sera pas utilisé pour l'essai, mais viendra tout de même s'ajouter aux stocks de l'EFS, explique Karine Lacombe.

A partir de la mi-avril, l'essai clinique débutera dans quatre hôpitaux parisiens : 60 patients participeront à l'étude, mais seule la moitié d'entre eux recevra du plasma. "L'autre moitié recevra le standard de traitement, détaille Karine Lacombe. Cela nous permet de voir si avec du plasma, on fait mieux que sans." Les malades participants à l'essai seront des patients hospitalisés, qui ont un besoin en oxygène. 

Le but, c'est d'éviter le passage en réanimation.

Karine Lacombe

à franceinfo

La transfusion pourra être réalisée jusqu'au 8e jour après l'apparition des premiers symptômes, "car on sait que les complications surviennent autour du 10e jour", justifie la professeure. Les chercheurs veulent donc intervenir avant ce palier critique. Deux poches de plasma seront d'abord transfusées au patient. "En l'absence d'événements indésirables aigus et imprévus" dans les 24 heures qui suivent, deux nouvelles poches seront transfusées, précise l'EFS.

Une première évaluation pourra être rendue deux à trois semaines après le début de l'essai clinique. En fonction de l'efficacité du traitement et de l'absence d'effets secondaires délétères, il pourra être élargi à un nouveau groupe de patients.

Ce traitement a-t-il déjà prouvé son efficacité pour combattre d'autres maladies ?

L'idée d'utiliser du plasma de convalescents pour le transfuser aux patients malades n'est pas nouvelle. "Les tout premiers essais remontent aux années 1920, avec la grippe espagnole", rappelle Pascal Morel, directeur médical de l'EFS, dans L'Est Républicain

Cette technique a également déjà présenté des résultats concluants contre d'autres maladies infectieuses comme le Sras, lors d'études menées à petite échelle. "Le traitement a aussi montré son efficacité dans des formes de grippes graves, comme la grippe H5N1", ajoute Karine Lacombe. 

En février, la Chine a lancé un appel au don de plasma pour soigner les malades du Covid-19. Un essai a été réalisé auprès de cinq patients placés en réanimation à l'hôpital de Shenzhen, entre le 20 janvier et le 25 mars. Pour la professeure Karine Lacombe, les premiers résultats sont encourageants, puisque l'état de santé des patients s'est amélioré dans les jours suivants la transfusion de plasma. Cette étude, qui a fait l'objet d'une publication préliminaire dans le Journal of the American Medical Association (en anglais)vendredi 27 mars, doit toutefois être prise avec des précautions. Cet échantillon très restreint n'a pas été comparé avec des malades non transfusés. L'article le précise : "cette approche requiert une évaluation par des essais cliniques randomisés".

Ces transfusions présentent-elles des risques ?

Lors de l'appel au don de plasma lancé en Chine, la docteure Sylvie Briand, directrice du département Préparation mondiale aux risques infectieux à l'OMS, avait appelé à la prudence. "Avec les produits sanguins, vous pouvez transmettre d'autres maladies", avait-elle rappelé, soulignant l'importance de suivre des protocoles stricts. Karine Lacombe assure que le plasma prélevé dans le cadre de l'essai clinique français fera l'objet de tests pour plusieurs agents viraux, afin de vérifier que le donneur ne souffre pas d'autres maladies.

La transfusion sanguine peut également entraîner des effets secondaires. La cheffe du Service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Antoine évoque une possible réaction allergique, pouvant se traduire par de la fièvre ou l'apparition de plaques rouges. "A moyen terme", Karine Lacombe ajoute qu'un risque de pneumonie inflammatoire est aussi envisageable. "Ce sont des effets qu'on constate sur tous les transferts de plasma, ils ne sont pas propres à cet essai clinique", observe-t-elle.

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