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Covid-19 : pourquoi la France ne prend pas de mesures plus drastiques (pour l'instant)

Article rédigé par franceinfo
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Des consommateurs font leurs achats de Noël à Paris, le 19 décembre 2020. (JOAO LUIZ BULCAO / HANS LUCAS)

Alors que plusieurs pays européens se reconfinent avant Noël, l'exécutif n'a pas prévu, à ce stade, de durcir les mesures de restrictions pendant les fêtes. 

Reconfinement en Italie, dans une partie du Royaume-Uni ou encore en Autriche à partir du 26 décembre, fermeture des centres commerciaux et boutiques au Danemark... Alors que l'Europe redonne un tour de vis pour les fêtes de fin d'année, la France n'a pas annoncé, à ce stade, un nouveau durcissement des mesures face à un niveau de contaminations au Covid-19 qui reste élevé, malgré le second confinement, et à l'apparition d'une nouvelle souche du coronavirus dans certains pays.

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Le 20 décembre, le nombre de personnes testées positives en 24 heures était de 12 799 et la veille, le pays comptabilisait 17 565 nouveaux cas positifs. Cela reste très loin de l'objectif que s'était fixé le gouvernement pour la mi-décembre avec 5 000 cas quotidiens. Alors pourquoi l'exécutif ne durcit-il pas les restrictions pour les vacances de Noël ? Eléments de réponse. 

Parce que le second confinement était l'un des plus stricts d'Europe

C'est le message des autorités lundi matin : le deuxième confinement, l'un des plus stricts en Europe, a permis de sauver les fêtes. "La France n'a pas été obligée de reconfiner en catastrophe Noël et d'annuler les fêtes" car "nous avons confiné au bon moment, nous avons confiné fort, les Français l'ont respecté", a expliqué sur Europe 1 Olivier Véran, lundi matin. "Nous sommes le pays dans lequel le virus a baissé le plus rapidement", a ajouté le ministre de la Santé. Même son de cloche du côté de Gabriel Attal. "Les Français font beaucoup d'effort, a souligné le porte-parole du gouvernement sur RTL. Nous pouvons continuer à avancer avec les règles qui ont été fixées au 15 décembre", à savoir un couvre-feu de 20 heures à 6 heures, à l'exception du 24 décembre, et le report de la réouverture des lieux culturels au 7 janvier. 

La veille, Gabriel Attal avait souligné sur France 3 que si "le virus continue à circuler en France", il y "circule beaucoup moins vite qu'ailleurs". Au Royaume-Uni, le nombre de nouveaux cas quotidiens s'élève à 36 000 et la nouvelle souche de coronavirus est "hors de contrôle", comme l'a reconnu le gouvernement britannique. En Italie, où un premier cas de contamination par la nouvelle souche a été détecté, le nombre de nouvelles infections tourne autour de 17 000 cas, comme en Allemagne, qui n'avait jamais connu de tels niveaux pendant la première vague. 

Les restrictions dans ces pays ont été moins sévères. Si l'Angleterre s'était reconfinée début novembre, comme la France, elle avait déconfiné plus tôt et avait rouvert ses restaurants. De son côté, l'Italie n'avait opté que pour un couvre-feu et une restriction des déplacements entre régions. Quant à l'Allemagne, elle n'avait renforcé son "confinement léger" qu'à la fin novembre. "Nos voisins sont en train de faire des choix en termes de fermeture (...) que nous avons fait il y a plusieurs semaines et qui ont été très critiqués à l'époque", a martelé Gabriel Attal. 

Parce que le nombre d'hospitalisations reste stable

C'est l'un des indicateurs surveillé de près par l'exécutif. Si le nombre de contaminations n'est plus à la baisse, celui des hospitalisations et des réanimations reste stable. Le nombre de patients en services de réanimation se situe autour d'un peu plus de 2 700, contre 5 000 au début du deuxième confinement. Et les hôpitaux comptent près de 25 000 malades du Covid-19, contre plus de 30 000 début novembre

"Nous ne sommes pas sur une pente (ascendante), nous sommes plutôt sur une ligne droite depuis environ quinze jours, à savoir que le virus ne diminue plus, mais nous ne sommes pas non plus dans une augmentation massive", a expliqué Olivier Véran sur Europe 1. 

Un plateau qui reste toutefois "élevé""Il stagne à 1 500 admissions par jour depuis trois semaines. A la veille des fêtes, ce plateau élevé ne dit rien de bon", s'est inquiété dans Le Journal du dimanche (article abonnés) l'épidémiologiste Arnaud Fontanet. Mais il a exclu toute remise en cause des mesures de lutte contre la pandémie avant la mi-janvier, à cause "du délai entre une contamination et une éventuelle hospitalisation". Selon ce membre du Conseil scientifique, "le bilan de cette période à haut risque ne pourra pas être tiré avant la mi-janvier".

Parce que les situations sont contrastées selon les régions

Comme on peut le voir sur le tableau de bord de l'épidémie de franceinfo, la situation n'est pas la même sur tout le territoire. "Il faut des arguments très solides pour justifier d’un reconfinement national, ce n’est pas le cas aujourd’hui, estime dans Le Monde (article abonnés) le professeur Olivier Claris, aux Hospices civils de Lyon. Mais dans certaines régions concernées par de fortes remontées, cela peut se justifier." "Est-ce que cette deuxième vague peut avoir une deuxième bosse ? La réponse est oui" et la date de sa survenue "dépendra des régions", a de son côté considéré Martin Hirsch, le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), invité dimanche du Grand Jury RTL, Le Figaro, LCI.

Un avis partagé par Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF). "Il faut analyser tout cela région par région. La pression monte dans le Grand Est. En Bourgogne-Franche-Comté, elle est très forte, ce qui explique la fermeture des stations de ski, les hôpitaux des environs étant surchargés", a-t-il expliqué dimanche sur franceinfo. "La crainte d'une troisième vague est très présente, en particulier dans notre région", confirme Pierre Pribile, directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) en Bourgogne-Franche-Comté, invité de franceinfo dimanche. Cette région est la plus touchée de France en ce moment avec un taux d'incidence de 220 cas positifs pour 100 000 habitants. Il faut "surveiller cette situation comme le lait sur le feu", prévient-il, appelant les citoyens à "ne pas baisser la garde".

Des mesures territoriales pourraient donc être décidées dans un premier temps, avant d'envisager un nouveau durcissement à l'échelle du pays. 

Parce que l'impact psychologique d'un reconfinement pendant Noël serait désastreux  

Le gouvernement en a conscience, la persistance de l'épidémie et le reconfinement ont été très durs psychologiquement pour les Français. Le nombre de personnes concernées par des états dépressifs a doublé entre fin septembre et début novembre, avait alerté le directeur général de la Santé. "Cette épidémie est stressante, anxiogène et peut générer une souffrance psychologique pour nombre d'entre nous", avait expliqué Jérôme Salomon. "La santé mentale des Français s'est vraiment beaucoup dégradé dans ce deuxième confinement", confirmait Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste, sur franceinfo

Restreindre au dernier moment les possibilités de se retrouver en famille pour fêter Noël ne ferait qu'aggraver la situation. "Sur le plan strictement médical et sanitaire, il faudrait faire comme nos voisins, prendre des mesures plus strictes, comme reconfiner au 26 décembre. Mais sur le plan de la santé mentale, de la capacité de cohésion de notre société, il est fondamental que Noël puisse se dérouler, que les familles puissent passer des fêtes heureuses", estime dans Le Monde Djillali Annane, patron du service de réanimation de l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches (Hauts-de-Seine). Et ce, même si le prix à payer est un reconfinement en janvier. 

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