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"Avant il y avait des promesses, aujourd’hui il y a juste des silences" : l’inquiétude et le désarroi du monde de la justice à l’approche du déconfinement

Avocats et magistrats réclament au gouvernement plus de clarté sur les conditions d'exercice de la justice à partir du 11 mai.

Article rédigé par franceinfo - Margaux Stive
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des avocats portant des masques à l'intérieur du palais de justice de Paris, le 20 avril 2020. (LUDOVIC MARIN / AFP)

La justice était l’une des grandes absentes du discours d’Edouard Philippe mardi 28 avril devant l'Assemblée nationale, ce qui suscite de nombreuses réactions chez les avocats et les magistrats. Ils y voient le signe d’un mépris du gouvernement pour leurs professions et s’inquiètent des conditions dans lesquelles la justice va devoir reprendre son activité, à l’heure du déconfinement. Car aujourd’hui, rien n’est prêt, selon les témoignages recueillis par franceinfo, et les questions restent nombreuses. Qui pourra accéder aux tribunaux le 11 mai ? Quelles audiences seront maintenues ? Quelles mesures vont être prises pour protéger les justiciables du coronavirus ? La note envoyée il y a quelques jours aux juridictions par le directeur des services judiciaires du ministère de la Justice n’a pas permis de lever suffisamment le flou, selon l’avocate parisienne Laure Heinich.

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"Aujourd’hui, les magistrats comme les avocats, nous sommes incapables de dire à ceux que nous assistons la manière dont cela va reprendre. La justice est la grande oubliée. Avant, il y avait des promesses, aujourd’hui il n’y a même plus de promesses, il y a juste un silence", explique l’avocate. Un silence d’autant plus inquiétant, pour Laure Heinich, que les conditions sanitaires dans les tribunaux sont loin d’être respectées actuellement. "J’assistais quelqu’un qui était détenu lundi au tribunal judiciaire de Paris, raconte-t-elle. Il y avait trois personnes dans le box, qui venaient de trois maisons d’arrêt différentes et qui étaient assises à 10 centimètres les unes des autres, sans masques, sans aucune protection, sans gel. Les trois personnes allaient retourner le soir dans trois maisons d’arrêt différentes, c’est une catastrophe !"

Du côté des magistrats aussi, certains dénoncent le grand flou dans lequel ce déconfinement de la justice se prépare. "Si on doit commencer à envisager la reprise le 11 mai, il fallait que la Chancellerie puisse donner un premier grand cadre assez rapidement, au moins la semaine dernière, pour que les choses puissent se décliner en juridiction, estime Katia Dubreuil, la présidente du Syndicat national de la magistrature. Mais malheureusement, ce grand cadre, on l’attend toujours et il n’a toujours pas été rendu public par la chancellerie !"

Les avocats refusent que les règles provisoires perdurent 

Autre sujet d’inquiétude : les ordonnances mises en place pendant l’état d’urgence sanitaire. Elles prévoient notamment la généralisation de la visioconférence pour défendre les prévenus ou encore la prolongation des délais maximum de détention provisoire. Des règles qui ne sont que temporaires, jure la ministre de la Justice, Nicole Belloubet. Mais les avocats s’inquiètent en invoquant des exemples récents de mesures extraordinaires devenues la norme quelques mois plus tard. Il y a un risque que ces ordonnances soient prolongées au-delà de l’état d’urgence sanitaire, selon des avocats.

"Il y a des précédents, par exemple en matière de terrorisme, ça a bien commencé par des dérogations, qui se justifiaient dans le cadre de l’état d’urgence, puis qu’on a ensuite intégrées dans le droit commun, et nous ne voudrions pas que l’on reproduise le même processus avec l’état d’urgence sanitaire", explique la présidente du conseil national des barreaux Christiane Féral-Schuhl.

De son côté, le ministère de la Justice assure que la reprise de l’activité se fera progressivement. Un plan de déconfinement spécifique doit être présenté dans les prochains jours.

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