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Russie : un député condamné pour s'être moqué de Vladimir Poutine, dernier exemple en date d'une répression tous azimuts

En Russie, le procès d'un député témoigne de toute l'absurdité de la répression contre les voix dissidentes.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le président russe Vladimir Poutine avant un discours à Moscou (Russie), le 22 décembre 2022. (SERGEI GUNEYEV / SPUTNIK via AFP)

Mikhaïl Abdalkine, élu sous la bannière du parti communiste, siège à l'assemblée de la région de Samara à l'est de Moscou. En mars il a été condamné à une amende de 1 600 euros (150 000 roubles) pour "discréditation" de l'armée et des autorités. Son appel sera examiné le 27 avril. 

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En février, il publie une vidéo où on le voit assis à son bureau de parlementaire en train de regarder sur son ordinateur une intervention de Vladimir Poutine.

Le président russe justifie l'intervention en Ukraine dénonce "des siècles de colonialisme, de dictat et d'hégémonie" de la part de l'OTAN et des États-Unis. Le député a l'air très concentré. Mais il y a quelque chose qui cloche dans le tableau : il s'est accroché sur les oreilles une poignée de spaghettis cuites qui pendent et bougent au rythme de ses hochements de tête. 

Or dans la langue russe, "arrêtez d'accrocher des nouilles à mes oreilles", pourrait se traduire par "arrêtez de me raconter des salades". Bref, c'est complètement potache. Mais tout le monde n'a pas apprécié. Notamment le parti pro-Kremlin "Russie Uni" dont le député Alexandre Khinchtein a appelé le Parti communiste, d'ordinaire très docile, à "remettre à sa place" l'élu rebelle.

En vertu de la loi adoptée en mars 2022, juste après l'invasion russe de l'Ukraine, il n'est plus du tout possible d'émettre la moindre critique sur ce qui est toujours officiellement "une opération militaire spéciale" et pas une guerre. La farce de Mikhaïl Abdalkine aurait du rester une bonne blague, elle devient un délit passible d'une amende. Cette histoire dit tout de la volonté du Kremlin d'écraser la moindre parcelle de contestation. 

Une chape de plomb sur tous les citoyens

D'ailleurs cette loi s'applique de plus en plus souvent. Au début elle visait surtout les détracteurs notoires du président russe, les opposants politiques, les médias indépendants (les seuls qui subsistent aujourd'hui sont tous en exil). Mais peu à peu la chape de plomb s'est abattue sur les citoyens ordinaires. Des milliers de Russes qui ont publiquement critiqué le conflit sont sanctionnés par des amendes.

Des dizaines d'autres sont en attente de jugement ou ont déjà été condamnés à de lourdes peines. En mars un étudiant en informatique de 23 ans, Dmitri Ivanov, a été été puni de 8 ans et demi de prison. Sur sa chaîne Telegram "Protestny MGU" ("MGU qui proteste"), créée pour dénoncer les violations des droits des étudiants dans son université, il avait notamment publié des messages critiques contre l'opération russe et fait partager des déclarations du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Une collégienne de 13 ans a elle été placée dans un orphelinat pour avoir réalisé un dessin contre la guerre et son père, qui lui aussi s'était prononcé contre la guerre a pris deux ans de colonie pénitentiaire.

Dire la vérité, la meilleure des plaisanteries

Le député Mikhaïl Abdalkine a lui été soutenu par les membres de son parti, d'ordinaire plutôt docile : "au lieu d'examiner les dossiers des tueurs, escrocs et de ceux qui volent réellement le patrimoine national, ils (les juges) ont décidé de punir par le rouble un homme qui a un point de vue différent de celui du régime au pouvoir", a déploré un député de la Douma (chambre basse du Parlement russe), le communiste Denis Parfionov, dans une interview à la chaîne Youtube Svobodnaïa Pressa.

L'intéressé dénonce sa condamnation comme "illégale, fondée sur des motifs politiques". Il refuse de baisser les bras et revendique le droit de rire en affichant sur son profil cette citation de l'écrivain Bernard Shaw : "La plaisanterie la plus drôle du monde… c'est de dire la vérité". 

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