Tirs entre l'Iran et Israël : la Jordanie et l'Égypte tentent de maintenir la stabilité de la région

Israël a répondu à l’Iran dans la nuit de jeudi 18 avril à vendredi 19 avril 2024, cinq jours après l'attaque iranienne. Des pays comme l'Égypte et surtout la Jordanie, qui a participé à l'interception des missiles iraniens samedi 13 avril, s'attachent encore à une solution diplomatique. Explications de nos correspondants.
Article rédigé par franceinfo - Mohamed Errami, Édouard Dropsy
Radio France
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Les débris d'un missile iranien abattu à Amman, en Jordanie, le 14 avril 2024. (AHMAD SHOURA / AFP)

Trois explosions ont été entendues, vendredi 19 avril 2024, à l'aube, près de sites nucléaires iraniens. De hauts responsables américains affirment que ces tirs venaient de l'État hébreu, en représailles de l'attaque iranienne survenue il y a cinq jours.

La Jordanie, comme les États-Unis ou la France, a participé à la protection d’Israël lors de l’attaque du 13 avril, en interceptant dans son ciel les tirs envoyés depuis l'Iran. Cette position n’a pas plu a beaucoup de Jordaniens, mais le gouvernement jordanien, tout comme celui d'Égypte, se démène pour empêcher une escalade entre les deux ennemis.

L'incompréhension des Jordaniens face aux autorités

La justification donnée par l’État jordanien pour affronter les missiles et drones iraniens, alors qu'ils se dirigeaient vers Israël, n’a pas convaincu de nombreux Jordaniens. Le gouvernement a multiplié les messages pour expliquer qu'il s'agissait "d'autodéfense" et de la protection de son espace aérien. Mais beaucoup ont trouvé dans cette affaire un soutien clair de la Jordanie à Israël.

Sur les réseaux sociaux de nombreux pays arabes, comme la Syrie ou le Liban, des internautes ont vivement critiqué les autorités jordaniennes. Les opposants jordaniens, eux, estiment que l'abattage de missiles iraniens équivaut à une alliance avec Israël, à l'heure où le royaume se présente dans les forums internationaux comme le premier défenseur du peuple palestinien. Les tensions diplomatiques entre la Jordanie et Israël sont en effet très tendues depuis le 7 octobre 2023, et les Jordaniens accusent l’État hébreu de commettre un génocide à Gaza.

La Jordanie ne veut pas devenir une zone de guerre régionale

Avant de lancer l'attaque contre Israël, l’Iran a déclaré qu'il ciblerait tout pays qui intercepterait ses missiles et ses drones. Or l'armée jordanienne a abattu un groupe de missiles dans le ciel du royaume. Les médias iraniens, y compris l'agence de presse officielle, ont adressé à la Jordanie de vives critiques. Ils ont incité le ministère jordanien des Affaires étrangères à remettre en question sa politique sur la question palestinienne. Le gouvernement jordanien a rappelé à l'Iran qu’aucun autre pays n’a autant pris la défense de Gaza et des Palestiniens que le royaume hachémite depuis 6 mois au niveau international.

La Jordanie, restant mesurée, a répété que le pays souhaitait de bonnes relations avec tous les pays de la région, y compris l'Iran, mais à condition que l’Iran ne fasse pas de la Jordanie le théâtre d’une guerre régionale. La relation est basée sur "le respect mutuel entre les deux parties", a rappelé le ministre des Affaires étrangères Ayman Al Safadi. Après cela, l'armée jordanienne a effectué une série de sorties aériennes dans le ciel du pays, tout au long de la semaine, dans le but d'empêcher tout objet étranger de pénétrer dans son espace aérien, même s'il provenait d'Israël, comme l'a indiqué l'armée jordanienne dans ses déclarations officielles.

L'Égypte cherche un moyen de sortir du conflit qui grève son économie

En Égypte, on réagit surtout de manière diplomatique. Le ministère égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, multiplie les communiqués depuis l’attaque iranienne de drones. Vendredi 19 avril au matin, après les tirs de missiles israéliens sur Ispahan, le ministère a exprimé "sa profonde préoccupation face à l’escalade mutuelle" entre les deux pays.

Moins concerné militairement que la Jordanie, par exemple, c’est notamment le versant économique qui inquiète Le Caire. Les attaques des houthis, alliés de l’Iran, qui sévissent sur la mer Rouge depuis décembre 2023, ont fait fondre les revenus du Canal de Suez.

Une cellule de crise a été instaurée et le ministre égyptien des Affaires étrangères s’est entretenu avec ses homologues israéliens et iraniens. Fort de ses relations normalisées avec l’Etat hébreu, l'Égypte discute avec toutes les parties dans la région, tout en dénonçant, encore la semaine dernière, "des actions militaires provocatrices dans la région", et notamment celles d’Israël dans la Bande de Gaza.

Les chances d'une trêve à Gaza encore repoussée et le Qatar impuissant

Cette attente de riposte et cette attaque repoussent les chances d’une trêve à Gaza. Depuis le début de la guerre, l’Égypte est en première ligne des négociations. C’est son rôle traditionnel depuis les accords de Camp David en 1978.

Une nouvelle séquence de négociations avait encore lieu au Caire, il y a une dizaine de jours. Comme les précédentes, celle-ci n’a rien donné et, alors que les yeux sont tournés vers l’Iran ou le Liban, en raison de cette inquiétude de contagion régionale du conflit, le sort des Gazaouis semble oublié.

D’ailleurs, le Sheikh Mohammed Bin Abdulrahman Al-Thani, le Premier ministre du Qatar, qui est réellement le plus influent des médiateurs, a annoncé que ces négociations étaient au point mort la semaine dernière et qu’en conséquence, la monarchie pétrolière allait réévaluer ses positions en tant que négociateur. Cela pourrait arranger l’Egypte d’un point de vue diplomatique. Le Caire redeviendrait ainsi l’interlocuteur privilégié pour mener les négociations de fin de guerre ainsi que de la libération des otages. Mais pour le moment, cet horizon demeure incertain.

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