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Quel est l'état de la menace terroriste au Mali et en Irak ?

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Direction aujourd'hui l'Irak et le Mali, où les populations craignent un regain de la menace terroriste après le retrait des forces militaires américaines et françaises, d'ici la fin de l'année.

Article rédigé par franceinfo - Omar Ouahmane, Lucile Wassermann
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Un soldat français de l'opération Barkhane au port de Korioumé à Tombouctou, avec des habitants de la ville. Photo prise le 9 mars 2016. (PASCAL GUYOT / AFP)

Au Mali, la France s'apprête à réduire sa présence militaire d'ici la fin de l'année. Les Etats-Unis veulent retirer leurs "forces combattantes" d'ici la fin 2021 également. Mais où en est la menace terroriste dans ces pays ?

Au Tombouctou, la peur du scénario afghan

La France s’apprête à refondre l’opération Barkhane, destinée à lutter contre les terroristes au Sahel. Les soldats français vont quitter les bases du nord du Mali, celles de Kidal, Tessalit et Tombouctou, au "second semestre de l'année 2021", a indiqué Emmanuel Macron, le 9 juillet dernier. Cette annonce inquiète la population, à Tombouctou notamment. Pour beaucoup, le départ de Barkhane est synonyme de retour des jihadistes qui avaient occupé la ville en 2012.

Les habitants sont dans leur grande majorité, des tenants d’un islam modéré, un islam d'obédience soufie. Ils exècrent les jihadistes et leur islam rigoriste, radical. Tombouctou est aussi une ville musée avec ses mausolées. Classés au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, ils ont été détruits en 2012 par les jihadistes et reconstruits à l’identique en 2016. Elle compte également des mosquées en terre crue datant du XIVe siècle.

"Je m'attends à tout"

Tombouctou est régulièrement la cible d’attaques des jihadistes, que seule la présence de l'opération Barkhane a permis de repousser. La ville est aujourd’hui enclavée. A l’extérieur ce sont les jihadistes qui font la loi, et les routes qui la relient aux autres villes comme Gao ou Kidal sont régulièrement attaquées par les groupes armés.

Depuis l'annonce du chef de l'Etat, Fatouma, qui habite Tombouctou, est "très pessimiste" pour l'avenir. "Je m'attends à tout. Quand vous voyez que les forces militaires sont concentrées près de l’aéroport, prêtes à partir comme en 2012, vous vous dites que dès qu’il va y avoir du grabuge, ils vont tous rentrer dans les avions, partir encore une fois de plus, nous laisser face aux fameux jihadistes, qui vont nous fouetter comme ils veulent, enfermer qui ils veulent, marier qui ils veulent".

"Ici la population n’a pas confiance en l’armée malienne"

Car à Tombouctou, les habitants sont persuadés qu'une fois les forces de Barkhane parties, le scénario afghan va se reproduire dans cette ville qui n’a pas fini de panser ses plaies, à peine dix ans après l'occupation des jihadistes. "Personne n’a envie revivre ce qu’il a vécu en 2012, 2013. Donc, la population de Tombouctou souhaite que Barkhane reste. Ici la population n’a pas confiance en l’armée malienne", affirme Salaha Maiga, membre de la société civile de Tombouctou.

Et les personnes les plus vulnérables dans ce climat d’insécurité sont les enfants et les femmes. Zahra avait 20 ans lorsque les jihadistes contrôlaient Tombouctou, en 2012. "C’était terrible. On voyait des choses qu’on ne connaissait pas. J’ai été séquestrée, j’ai été enfermée pendant deux jours parce qu'ils disaient que je n’étais pas couverte alors que je l’étais", raconte la jeune femme. "Ça m’inquiète beaucoup que la France parte. Je demande à la France s’ils peuvent rester", poursuit-elle.

Aujourd'hui encore on vit avec les jihadistes. Ils sont là, près de nous à Tombouctou, ils sont cachés. C’est juste qu’ils ne sont pas assez nombreux pour nous faire du mal.

Zahra, habitante de Tombouctou

franceinfo 

Les habitants de Tombouctou font aussi face à l’instabilité politique au Mali : deux coups d’Etat en moins d’un an, une junte au pouvoir à Bamako. 

En Irak, la menace terroriste recule mais inquiète toujours

En Irak, où Al-Qaïda, puis le groupe État islamique (EI), ont longtemps opéré. C’est à Mossoul, dans le nord du pays, que Daech avait proclamé son califat. La situation s’est améliorée depuis la victoire contre le groupuscule en 2017. Aujourd'hui, le groupe terroriste est loin de l'apogée qu'il a connu en 2013 et en 2014. Les jihadistes sont reclus dans les régions désertiques ou montagneuses de l'Irak. Ils lancent des attaques sporadiques, en particulier dans les campagnes contre des postes de contrôles des forces de l’ordre.

Toutefois, le groupe Etat islamique garde des capacités d’actions : trois attentats suicide ont eu lieu depuis le début de l’année à Bagdad. Le dernier remonte au 19 juillet dernier dans un marché bondé d’un quartier chiite. 35 personnes sont décédées. "La situation s’était améliorée dernièrement alors les forces de sécurité ont réduit les contrôles. Personne n'aurait cru qu'ils attaqueraient ce marché. Ça n'était pas arrivé ici depuis 2006", explique le grand-père de l'une des victimes.

"La situation en Irak n’est pas celle de l’Afghanistan"

La menace est donc toujours bien réelle. Pourtant, Joe Biden a annoncé cet été vouloir retirer, d'ici la fin de l'année 2021, les "forces de combat" engagées dans cette lutte en Irak. Mais le terme de "forces de combat" utilisé par le président des États-Unis prête à confusion, car sur le terrain, cela fait des années que les militaires étrangers et les forces irakiennes répètent que les 2 500 soldats américains déployés dans le pays sont des forces de soutien ou de conseil. Difficile donc de savoir si cette présence est vraiment remise en cause.

Si c’est le cas, cela déstabilisera-t-il la région ? Faut-il s'attendre à un scénario similaire à celui qui vient de se dérouler en Afghanistan ? Le porte-parole des forces anti-terroristes irakiennes se veut rassurant : "Ce qui se passe en Afghanistan maintenant, est la même chose que nous avons vécue en 2014. Mais aujourd’hui, la situation en Irak n’est pas celle de l’Afghanistan. En tant que forces antiterroristes, nous avons les moyens et les capacités de continuer seuls notre mission contre Daech".

De son côté, Emmanuel Macron a assuré lors d'une conférence de presse le 28 août à Bagdad que les soldats français, qui sont environ 800 dans la région, resteraient engagés en Irak,  y compris si un départ des troupes américaines était confirmé. Le président français a appelé à "ne pas baisser la garde" face aux jihadistes du groupe Etat islamique, qui demeurent "une menace".  

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