L'Otan fête ses 75 ans : Corée du Sud, Japon et Australie, ces pays du Pacifique qui multiplient les signes de rapprochement

Ces trois pays entretiennent des relations de coopération avec l'Otan, mais ils ont également d'autres alliances du côté du Pacifique. Nos correspondants sur place expliquent ces liens.
Article rédigé par franceinfo - Nicolas Rocca, Karyn Nishimura et Grégory Plesse
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Née le 4 avril 1949, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord fête ses 75 ans en 2024. Photo d'illustration. (IMAGO/JANINE SCHMITZ / MAXPPP)

Alors que l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord fête ses 75 ans en 2024, certains pays du Pacifique semblent pousser pour un rapprochement avec l'Otan ces dernières années, notamment la Corée du Sud et le Japon.

L'Australie, proche alliée de l'Otan, participe à ses sommets chaque année et souhaite davantage d'implication de l'organisation dans la région Indo-Pacifique. Mais la Corée du Sud quitte sa diplomatique neutralité avec son actuel président, qui cherche à créer une alliance forte avec les États-Unis et le Japon. Quant au chef de l'exécutif japonais, qui participe aussi pour la première fois aux sommets depuis 2022, montre une claire volonté de se rapprocher de son allié américain face à la menace chinoise.

Corée du Sud : un rapprochement avec l'arrivée au pouvoir du nouveau président en 2022

Se rendre à des sommets de l'Otan était une grande première pour un chef d'État sud-coréen. À Madrid en 2022, puis à Vilnius en 2023, Yoon Suk-yeol a fait le déplacement et vient d'être invité pour le sommet à Washington en juillet prochain. La Corée du Sud a également une mission diplomatique à Bruxelles auprès de l'Otan. Autant de symboles d'un rapprochement à grande vitesse et d'une rupture drastique opérée par le conservateur Yoon Suk-yeol : historiquement, la Corée du Sud préservait ses relations avec les voisins russes et chinois dans l'espoir de trouver une issue positive au conflit intercoréen. Cette position poussait le pays à garder une certaine distance avec l'allié militaire américain et l'Otan. Mais dès son arrivée au pouvoir, le 10 mai 2022, l'actuel président a tout changé ou presque : rapprochement avec le Japon après des années de relations compliquées sur fond de désaccord historique, réalignement avec les intérêts des États-Unis dans la région, vente d'armes à la Pologne et partage d'informations dans le domaine de la cybersécurité et de la défense avec l'Otan.

L'alliance trilatérale avec Washington et Tokyo

Cependant, une adhésion à l'Otan n'est pas encore au goût du jour en Corée du Sud et ce n'est pas non plus un sujet très présent dans les débats publics. D'autant que la Chine use de toute son influence pour limiter la coopération de son voisin avec l'Organisation atlantiste. La priorité à Séoul est avant tout de renforcer le début de l'alliance trilatérale avec Washington et Tokyo. Le gouvernement veut notamment instaurer des dispositifs qui permettraient de faire perdurer cette alliance au-delà d'une alternance politique. L'opposition démocrate n'est effectivement pas favorable à un rapprochement avec le Japon et à l'alignement avec l'Occident. Et puis, autour du conflit en Europe, Yoon Suk-yeol reste prudent : s'il vend ses armes aux pays soutiens de Kiev, il refuse d'en fournir directement à l'Ukraine. Donc si on reste assez loin d'un éventuel traité de défense mutuel avec les pays membres de l'Otan, on devrait voir dans les prochaines années une participation continue de Séoul aux sommets ainsi qu'une collaboration militaire étendue.

Australie : le pays est favorable à une montée en puissance de l'Otan dans l'Indo-Pacifique

Parmi les pays non-membres de l'Otan, l'Australie est l'un de ses plus proches alliés. Le Premier ministre, Anthony Albanese (NIZI) a d'ailleurs participé au sommet de Vilnius en 2023. Il a également été invité à celui qui se tiendra cette année à Washington. Si l'Australie n'est pas un membre à part entière de l'Otan, c'est uniquement parce que ce pays ne se trouve pas dans l'Atlantique nord. Parce que pour ce qui est des valeurs ou de la vision des enjeux géopolitiques, l'Australie est totalement alignée sur celles de l'Otan.

Le pays a participé à plusieurs opérations menées par l'Otan, comme la coalition internationale contre Daech, l'opération de lutte contre la piraterie au large de la Somalie, ou encore en Afghanistan jusqu'en 2021 quand les troupes américaines se sont retirées. Comme Joe Biden, et contrairement à Emmanuel Macron, Anthony Albanese souhaiterait que l'Otan s'implique davantage dans la région Indo-Pacifique pour contrer la montée en puissance de la Chine. En 2023 à Vilnius, il a d'ailleurs expliqué à ses homologues que, pour lui, il y a un lien direct entre la sécurité dans l'Atlantique Nord et dans l'Indo-Pacifique.

L'alliance Aukus avec les États-Unis et le Royaume-Uni

Sans être membre de l'Otan, l'Australie fait partie en revanche du pacte Aukus, depuis septembre 2021, aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni. Et si on regarde bien, Aukus est une alliance entre Occidentaux qui vise à assurer la paix et la sécurité collective, la liberté de navigation, l'état de droit et surtout à contenir la montée en puissance d'un régime perçu comme hostile, en l'occurrence la Chine. On peut en conclure qu'Aukus est en fait un genre d'Otan du Pacifique. Derrière les fameux sous-marins nucléaires qu'espère obtenir l'Australie auprès de ses alliés, il y a une volonté réelle de renforcer l'interopérabilité entre les armées des trois pays. Par ailleurs, et même si on en est encore très loin, il n'est pas exclu qu'Aukus intègre un jour de nouveaux membres, en particulier le Japon.

Japon : se rapprocher de l'Otan est une force de dissuasion recherchée vis-à-vis de la Chine

Le Japon, autre allié des États-Unis en Asie, s’est lui aussi rapproché des pays de l’Otan depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il paraît difficile d’étendre officiellement l’Organisation jusqu’au Japon. Mais l’actuel Premier ministre japonais, Fumio Kishida, montre autant, sinon plus, que ses prédécesseurs la volonté de faire compter davantage son pays sur la scène internationale, comme puissance relais des États-Unis et de l‘Otan en Asie. En 2022 et 2023, Fumio Kishida a été le premier chef de l’exécutif japonais à participer à un sommet de l’Otan. Il devrait en être aussi cette année.

Des discussions ont même eu lieu sur l’installation d’un bureau de représentation de l’Otan à Tokyo, ce à quoi s’est fermement opposé le président français Emmanuel Macron. Il redoutait que cela envoie un message trop menaçant à la Chine et aux pays d’Asie qui ne veulent pas choisir entre Pékin et Washington. De plus, le Japon, pays du Pacifique, n’entre pas dans le périmètre géographique d'une organisation basée sur l’Atlantique Nord.

Dans tous les cas, Otan ou non, Kishida va se rendre en visite officielle aux États-Unis la semaine prochaine. Le Premier ministre japonais et le président américain Joe Biden vont discuter de l’amplification de leurs coopérations militaires. Il s’agit de mettre en place une meilleure coordination opérationnelle et de commandement entre l’armée américaine stationnée au Japon et les forces d’autodéfense japonaises. Le but est une dissuasion renforcée vis-à-vis de la Chine.

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