Immigration : les débats politiques sur les migrants en Irlande et en Italie

La question de l'accueil des migrants est un enjeu politique en Irlande, qui a connu des tensions en novembre. En Italie, le gouvernement de Giorgia Meloni veut externaliser en Albanie une partie de sa politique migratoire.
Article rédigé par Bruno Duvic - Clémence Pénard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Des migrants à l'extérieur d'un centre d'accueil de la Croix-Rouge à Turin (Italie), en septembre 2023. (ALESSANDRO DI MARCO / EPA/ANSA)

Le projet de loi immigration est arrivé lundi 11 décembre à l'Assemblée nationale, en France. En Italie, Giorgia Meloni veut contenir l’immigration en envoyant une partie des exilés qui se dirigent vers son pays en Albanie. En Irlande, la crise immobilière complique l'accueil des demandeurs d'asile.

En Irlande, une situation exploitée par l'extrême droite

Le gouvernement irlandais fournit actuellement un hébergement à 100 000 demandeurs d’asile, dont 74 000 qui ont fui l’Ukraine. Mais le pays est à court d’hébergements d’urgence, alors que les températures dégringolent en ce début d’hiver. La priorité a été donnée aux femmes et aux enfants, et les hommes vont devoir dormir dans des tentes dehors. En plus des sacs de couchage et des tentes, ils reçoivent désormais 75 euros par semaine à la place des 38 euros habituellement donnés aux demandeurs d'asile. Pendant la journée, des centres peuvent les accueillir, où ils ont accès à des repas et des douches. Il y aurait une soixantaine d'hommes dans cette situation à Dublin.

Mais en plus du froid, il y a aussi des craintes quant à la sécurité de ces ressortissants étrangers, contraints de dormir dans la rue, à la lumière des émeutes du 23 novembre dernier. Ces scènes de violence inédites avaient eu lieu à la suite de l'appel de plusieurs factions d'extrême droite. En mai 2023 à Dublin, des tentes appartenant à des réfugiés sans abri avaient déjà été volontairement incendiées. Plusieurs manifestations ont également eu lieu devant des centres d'hébergement d'urgence. Ce discours extrémiste est alimenté par la grave crise du logement que traverse le pays et certains Irlandais pourraient se sentir frustrés en pleine pénurie immobilière.

L'énorme afflux de personnes en Irlande est récent, puisqu'en 2021, il y avait moins de 10 000 demandeurs d’asile dans les centres d'accueil fournis par le gouvernement. Ce chiffre a augmenté de façon spectaculaire pour atteindre près de 100 000, en 2022.

S'il y a bien un mouvement anti-immigration dans le pays, l'Irlande fait pour l'instant figure d'exception en Europe, car l'extrême droite n'a en effet pas de pouvoir électoral. Elle n'est pas représentée au Parlement et aucun parti politique n'a embrayé sur ce thème de l'immigration. Mais il va être intéressant de se pencher sur les prochaines élections locales, qui elles auront lieu en mai 2024.

En Italie, Giorgia Meloni en quête de résultats concrets

Le 6 novembre dernier, la Première ministre italienne avait annoncé un accord avec l'Albanie pour le traitement de 36 000 dossiers de migrants, soit un peu moins d'un cinquième des exilés arrivés en Italie en 2023. Ces 36 000 dossiers seraient ceux des personnes secourues par des navires officiels italiens dans les eaux internationales. En premier lieu, les migrants provenant de pays jugés sûrs, autrement dit ceux qui auraient le profil pour être expulsés rapidement, seraient orientés vers l’Albanie. La question du tri sur les bateaux en mer est restée sans réponse.

Deux centres sous juridiction italienne doivent voit le jour en Albanie et, là non, plus le mode d’emploi juridique n’est pas clair, avec un premier emplacement pour le traitement des dossiers et un autre qui serait un centre de rétention avant expulsion.

Le projet est passé en Conseil des ministres, mais le coût de l'opération, qui contient la construction des locaux, le fonctionnement, le personnel et les policiers, n'est pas mentionné précisément. "Cela ne reviendra pas à plus de 200 millions par an" dit le ministre italien des Affaires étrangères. Cet accord porte sur cinq ans et il devrait donc atteindre le milliard d'euros.

L'efficacité d'une telle dépense est remise en question puisque le chiffre de 36 000 migrants pris en charge sera sans doute nettement moins élevé. Par ailleurs, seulement 15% des mesures d’expulsions décidées en Italie sont effectivement appliquées. Il n’y a pas de raison que le chiffre soit supérieur depuis ces nouveaux centres. Or, l’Albanie ne veut pas garder les personnes au-delà d’un certain délai. Une bonne partie finira donc par arriver en bout de chaîne en Italie.

Il existe aussi deux autres incertitudes. Tout d'abord, la garantie des droits des migrants, puisque les entretiens avec les avocats restés en Italie doivent se faire par visioconférence. Ensuite, côté albanais, la Cour constitutionnelle a été saisie par l’opposition et l'accord pourrait ne pas être ratifié.

Le projet de Giorgia Meloni aura fait avancer en Europe le débat sur l'externalisation de la politique migratoire, mais elle avait été élue sur la promesse de faire cesser les flux de migrants, ce qui est pour le moment un échec. Elle doit montrer qu’elle cherche des solutions innovantes et si les centres voient le jour, elle pourra faire valoir qu’une partie des migrants qui se dirigeaient vers l’Italie ont débarqué ailleurs.

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