Covid-19 : les applications de traçage au Royaume-Uni, en Allemagne, et en Irlande ont-elles plus de succès qu'en France ?
Une même actualité dans trois pays dans le monde : chaque jour dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières. Aujourd'hui, nous sommes au Royaume-Uni, en Allemagne et en Irlande pour voir comment sont accueillies les applications de traçage des malades du coronavirus.
"Je ne dirais pas que c'est un échec, ça n'a pas marché", a reconnu Emmanuel Macron en évoquant l'application StopCovid lors de son interview télévisée mercredi 14 octobre en pleine épidémie de Covid-19. L'application de traçage n'a envoyé que 472 notifications en cinq mois. Le président a donc demandé une refonte de l'application, dont le nouveau nom sera "TousAntiCovid", et qui sera "présentée le 22 octobre". Selon le chef de l'État, "personne n'a réussi à faire de l'application un vrai outil d'alerte" chez nos pays voisins.
Pour savoir si le président français a raison, franceinfo fait le point au Royaume-Uni, en Allemagne et en Irlande.
Au Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, l'application NHS Covid-19 a été téléchargée par plus de 16 millions d'utilisateurs, soit huit fois plus qu'en France, ce qui montre une réelle curiosité et sans doute une envie de bien faire de la part de la population. Mais elle n'est active qu'en Angleterre et au pays de Galles, l'Écosse et l'Irlande du Nord ayant des outils à part. De plus, l'application n'a été lancée que fin septembre. Au départ, elle aurait dû être lancée en juin mais les premiers essais étaient catastrophiques. Et depuis son lancement, les informations peu rassurantes se succèdent. La pire sans doute, c’est un bug qui a laissé 48 000 personnes dans l’ignorance pendant plusieurs jours. Ces personnes avaient été en contact avec des cas positifs donc elles auraient dû s’isoler et se faire tester en urgence. Au lieu de ça, elles ont continué à vivre leur vie et sans doute à propager le virus sans le savoir.
Il y a eu d'autres mauvaises surprises : l’application ne fonctionne pas avec les téléphones anciens. Ce qui veut dire que dans le pays, 20% des Iphone et 8% des Android ne pourront jamais faire marcher cette application, ils ne pourront même pas la télécharger. Et puis la semaine dernière, les restrictions ont changé dans le pays qui se retrouve maintenant découpé en 3 zones évolutives selon le taux d’infection : moyenne, élevée et très élevée. L’application vous géolocalise, elle doit donc vous informer des restrictions en cours. Et même vous envoyer une alerte quand les règles changent dans votre zone. La semaine dernière, des milliers d’utilisateurs ont rapporté l’absence totale d’alerte ou des informations erronées sur la zone où ils se trouvaient.
L’Écosse a sa propre application, ce qui complique encore la situation puisqu'il y a énormément de frontaliers dans le nord de l’Angleterre et le sud de l’Écosse. C’est une frontière qui n’existe pas, les gens travaillent d’un côté et vivent de l’autre. Impossible d’utiliser l’application écossaise côté anglais et inversement, d'où une déperdition d’informations cruciales dans une zone où le virus se propage particulièrement vite.
Allemagne
En Allemagne, la Corona-Warn-App cumule, elle, plus de 18 millions de téléchargements, un record en Europe. Son succès reste pourtant limité. Selon les estimations du ministère de la Santé, il y a 15 millions d'utilisateurs actifs. C'est trop peu pour avoir une réelle incidence sur la pandémie, de l'avis des épidémiologistes. À ce jour, sur 300 000 personnes infectées dans le pays par le Covid-19 depuis le début de la pandémie, seule 3% ont déclaré leur cas via l'application.
La relative inefficacité de l'application allemande tient aussi à la forte protection des données dans le pays. Les concepteurs Deutsche telekom et le fabricant de logiciels d'entreprise SAP se sont vu imposer de strictes consignes. Les informations ne sont pas centralisées, et les personnes qui ont été en contact avec un malade ne savent souvent ni où ni quand elles ont été exposées au virus, ce qui complique la reconstitution de la chaîne des contacts par les services sanitaires.
Irlande
En Irlande, l’application Covid-tracker est présente sur 1,3 millions de téléphones, une bonne nouvelle pour une île d’à peine 5 millions d’habitants. Quatre mois après son lancement, le ministère de la Santé estime qu’un tiers de la population utilise Covid-tracker, malgré quelques bugs à son lancement. En trois mois, 4 000 alertes "Vous êtes cas contact" ont été envoyées, principalement aux personnes qu’on ne connaît pas, comme les gens à côté de vous quand vous allez au travail en bus.
La comportementaliste Hannah Julienne a participé à son développement et n’est pas surprise de la coopération du public. "Une fois que vous la téléchargez, il faut juste que votre Bluetooth soit activé et l’application fonctionne toute seule, explique-t-elle à franceinfo. Et puis elle est informative, vous pouvez voir les données sur la propagation du virus à travers le pays."
L’application, développée par une jeune pousse du sud du pays, a également été transposée en Irlande du Nord, à Gibraltar et dans plusieurs États américains. Un succès apparent, qui n’a pourtant pas empêché l’Irlande de faire face à une deuxième vague. Le taux d’incidence a explosé : 150 cas pour 100 000 habitants. Peu de personnes mettent à jour leur statut "Covid positif" sur l’appli et le traçage de contact reste bien souvent manuel. Les enquêteurs sont d’ailleurs débordés et ne parviennent pas à joindre tout le monde.
L'application Covid-Tracker est aujourd’hui à peine mentionnée dans les recommandations, dans les messages à la radio par exemple. Ce qui est finalement logique : elle avait été lancée au moment du déconfinement, et le gouvernement réfléchit actuellement à reconfiner le pays.
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