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Ukraine : à Kiev, même loin du front, la guerre n'est jamais loin

Des carcasses de tank russes ont été installées dans le centre de la capitale ukrainienne. Le week-end, les Kiéviens ont pris l'habitude de venir en famille se faire photographier devant. La guerre semble loin.  Mais il suffit de regarder les infos ou d'aller au cimetière de Berkivtski au nord-est de la ville pour que la guerre vous rattrape.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Place Mykhailivska, dans le centre de Kiev (Ukraine), début octobre 2022. Des restes de blindés russes sont exposés, pour rappeler l'ampleur des combats à plusieurs centaines de kilomètres plus à l'est. (NICOLAS TEILLARD / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Vu de Kiev, la ligne de front est à plusieurs centaines de kilomètres et pourtant la guerre n'est jamais très loin. Et elle prend la forme de vestiges. Autour de nous, trois chars russes calcinés, quelques véhicules ennemis ramenés du front, des trophées de guerre exposés à ciel ouvert. Ici, sur la place Mykhailivska, entre une église orthodoxe du monsatère Saint-Michel-au-Dôme-d'Or et un bâtiment universitaire, entre les chars, le week-end, les enfants se promènent, touchent les carlingues, prennent la pose sous le regard amusé de quelques uniformes. "Regarde le char tout aplati", dit ce garçon à son papa.

Dans le centre de Kiev, la guerre est presque un fond d'écran. Des restes de barricades au croisement, les couleurs du pays, le jaune, le bleu, partout, sur les vitrines, les façades. Sur les écrans aussi, avec des coupures pub survitaminée à la télé pour vanter l'héroïsme de l'armée. L'iconographie est léchée, le ton guerrier. Les spots passent en boucle sur toutes les chaînes.

Au cimetière de Berkivtski, en périphérie de Kiev, les enterrements s'enchaînent. (NICOLAS TEILLARD / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Mais à quelques kilomètres seulement du cœur de la capitale, l'atmosphère est bien plus lourde. Au cimetière de Berkivtski, un enterrement a lieu, comme si souvent ces derniers temps. Trois hommes creusent la terre fraîche avec une pelle. Aleksandr avait 49 ans, il est mort dans l'Est au début septembre. La police a prévenu sa femme de sa mort il y a dix jours. "Ils sont venus chez moi, raconte Olga, malheureusement, ils ne viennent que dans ces cas-là : pour annoncer la mort des soldats. Ils n'ont pas dit grand chose. Ils m'ont remis un papier et je suis partie ensuite à Dnipro pour reconnaître le corps. Je l'ai reconnu. Mais il n'était pas en entier."

Olga tient le portrait de son mari, Aleksandr, 49 ans, dans un bombardement à Dnipro. Elle ne sait pas comment annoncer sa mort à leur fils de bientôt six ans. (BENJAMIN THUAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Prostrée sous sa capuche, Olga tient le portrait de son mari dans ses bras. "Il disait que tout se passait bien. Il me soutenait. Il me racontait qu'avec son unité, ça se passait bien. Qu'ils étaient solidaires. Je ne pouvais même pas imaginer que quelque chose de mal aller lui arriver. Et maintenant, je ne sais pas comment le dire à notre fils, lui dire qu'il n'a plus de père. Dans quelques jours, il aura six ans. Il attend tellement son père."

Sur la tombe d'Aleksandr comme sur toutes celles creusées à côté, pas de pierres tombales, juste des drapeaux, des couronnes de fleurs, des images agrafées, des photos qu'on imagine envoyées ces derniers mois. On y voit des soldats sourire aux lèvres.

Le cimetière de Berkivtski, en périphérie de Kiev. (NICOLAS TEILLARD / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

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