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Ils ont fait l'actu. Cécile Delarue, qui a témoigné contre Patrick Poivre d'Arvor pour harcèlement sexuel, souhaite que "les choses changent"

Sandrine Etoa-Andegue revient sur les événements marquants de l'année. Et ce sont ceux qui les ont vécus qui les racontent. Cécile Delarue, l'une des femmes qui a témoigné contre Patrick Poivre d'Arvor pour harcèlement sexuel.

Article rédigé par franceinfo, Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La journaliste française Cécile Delarue à Paris, le 22 juin 2021. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

28 avril 2022, Cécile Delarue, journaliste et autrice apprend dans la presse qu'elle fait partie des 16 plaignantes contre lesquelles Patrick Poivre d'Arvor vient de porter plainte pour "dénonciation calomnieuse". La précédente plainte pour le même motif de l'ancien présentateur star de TF1  avait été classée sans suite.

>> Affaire PPDA : les investigations étendues aux faits a priori prescrits dénoncés par Florence Porcel

Aujourd'hui, au moins 27 femmes ont pris la parole devant la justice ou dans la presse contre lui. Les faits qu'elles dénoncent vont du viol au harcèlement sexuel. 
"On ne ment pas, ce qu'on dit, on le maintient", avait réagi sidérée Cécile Delarue, journaliste et autrice, chargée de la communication du collectif "#MeTooMedias", sur franceinfo.

L'enquête sur PPDA par le parquet de Nanterre débutée en février 2021 quand  Florence Porcel avait porté plainte pour viol avait été classée sans suite quatre mois après. La majorité des faits sont prescrits. Mais fait rare, la cour d'appel de Versailles a décidé la semaine dernière d'étendre les poursuites aux faits, a prori prescrits, dénoncés par l'écrivaine.

Les 16 femmes visées par la plainte de Patrick Poivre d'Arvor devront peut-être faire face à un procès. Cécile Delarue – qui connaît 14 des 16 femmes citées par la plainte – s'y prépare qui leur donnera "l'occasion d'avoir le procès que beaucoup d'entre (elles) attendent. Pas forcément une confrontation, n'est pas forcément l'idée de pouvoir batailler, mais c'est plutôt pouvoir faire entendre notre parole à la justice. Et puis aussi le voir, lui, se confronter à la justice."

L'entretien à Médiapart, un tournant

Vingt femmes ont accepté de prendre la parole ensemble et de témoigner devant la rédaction de Médiapart le 9 mai dernier dont 18 à visage découvert. Un tournant dans ce dossier, selon Cécile Delarue."On a eu un immense élan de soutien qui fait du bien évidemment, parce que tout à coup on est entendu, on est cru surtout ce qui est très important, explique-t-elle à franceinfoAu début, on disait : 'Florence Porcel est une menteuse', puis 'ce sont toutes de menteuses'. La question qu'on a toutes maintenant, c'est 'OK, on nous a cru'. On sent que même qu'on a touché des personnes qui ne connaissaient même pas la personne qui nous a agressés, dans la jeune génération, mais maintenant, c'est 'qu'est ce qui va se passer ?'"

"Est-ce qu'on va avoir justice un jour ? Et surtout, est-ce que ça va changer politiquement ? Est-ce que la société va changer ? Ça ne suffit pas juste de raconter nos petites misères."

Cécile Delarue, journaliste et autrice

à franceinfo

"Quand on entend un président de la République qui nous dit beaucoup qu'il avait aidé à la libération de la parole, il a aussi dit des propos qui, cette année, pour le coup, nous ont extrêmement choqué, poursuit Cécile Delarue. Et il a parlé de tribunal de l'Inquisition. On lui a écrit, ça nous a demandé beaucoup d'énergie aussi. On lui a fait une lettre ouverte qui a été publiée dans Le Monde. On n'a toujours pas eu de réponse."

Un combat pour faire évoluer les mentalités

Avec le collectif "#MetooMedias" qu'elles ont fondé dans le sillage de cette affaire, elles se battent pour faire changer les choses dans la société et évoluer les mentalités. "Notre combat après, c'est de savoir ce qu'il faut faire maintenant pour pas que ça se reproduise, explique la journaliste. Toutes les problématiques qui sont soulevées par notre histoire, qui sont celles de la prescription, mais aussi de comment est-ce qu'on gère les prédateurs sexuels en série. Comment est-ce qu'on gère les personnes qui ont un comportement sexuel inapproprié au travail ? Je n'ai pas l'impression du tout que ce soit pris en compte et qu'il y ait une réflexion sur ce qu'on fait maintenant."

À chaque vague de médiatisation, l'association reçoit de nombreux témoignages, qui concernent d'autres personnes que PPDA, mais il y a aussi des femmes qui apportent de nouveaux éléments le concernant, "de nouveaux témoignages, de viols et témoignages de harcèlement, d'agressions sexuelles, avec une liste qui ne fait qu'empirer" selon Cécile Delarue. Mais pour la plupart, c'est "compliqué d'aller porter plainte" à cause de la prescription des faits qui leur donne le sentiment que cela ne servira à rien et aussi parce que beaucoup ont peur que "leur intimité (soit) jetée en pâture" et de se retrouve "dans un combat hors du commun. Et je pense qu'on est toutes là pour dire que évidemment on les soutiendra. Mais ça ne suffit pas, c'est très difficile."

Cécile Delarue, elle-même a "beaucoup hésité" avant de s'exprimer médiatiquement mais refuse de s'interroger sur des regrets, "je n'ai pas envie de me dire que je regrette". Aujourd'hui, si on tape son nom dans Google, ce n'est pas sur son travail de journaliste et autrice que l'on tombe en premier, mais sur l'affaire PPDA, "ça devient une partie de mon CV", souffle-t-elle.

"Ce n'est pas quelque chose que j'ai voulu. C'est plus quelque chose que je subis et en même temps, c'est quelque chose que j'assume parce que je veux, en tant que citoyenne et en tant que journaliste, que les choses changent."

Cécile Delarue, journaliste et autrice

à franceinfo

Le collectif #MetooMedias attend toujours que TF1 lance une enquête interne sur ce dossier. Patrick Poivre d'Arvor bénéficie de la présomption d'innoncence. Il conteste fermement tous les faits qui lui sont reprochés.

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