Patrick Poivre d'Arvor porte plainte pour "dénonciation calomnieuse" contre 16 femmes l'accusant de harcèlement et violences sexuelles
D'après leur avocate Laure Heinich, les plaignantes "attendent impatiemment de répondre et de le confronter devant des juges, ce que la prescription leur interdisait".
Après une première plainte classée sans suite en février, le journaliste et écrivain français Patrick Poivre d'Arvor, ancien présentateur du journal de 20 heures sur TF1, a décidé de porter plainte avec constitution de partie civile pour "dénonciation calomnieuse" à l'encontre de 16 femmes l'accusant de harcèlement sexuel ou de violences sexuelles, a appris "Complément d'enquête" auprès de l'avocat du journaliste et du parquet de Nanterre.
L'avocat de "PPDA", Philippe Naepels, a confirmé avoir déposé cette plainte auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de Nanterre cette semaine, avant la diffusion dans "Complément d'enquête" sur France 2, jeudi 28 avril, d'une enquête consacrée à l'ex-présentateur de TF1. La plainte a été enregistrée mardi. Mercredi, le parquet de Nanterre a confirmé à "Complément d'enquête" "la réception par le service de l'instruction" de cette plainte.
"Depuis de nombreux mois, beaucoup d'accusations qui n'ont aucun fondement sont portées contre Patrick Poivre d'Arvor. Il est temps que ces accusations soient jugées. On ne peut pas accuser faussement et impunément."
Philippe Naepels, avocat de Patrick Poivre d'Arvorà franceinfo
"Depuis l'emballement généré par la déferlante #MeToo, la libération de la parole des femmes connaît malheureusement son lot d'excès et de dérives, et les moyens mis en œuvre pour servir cet objectif légitime peuvent s'avérer pervers et dévastateurs", dénonce Patrick Poivre d'Arvor dans sa plainte, que "Complément d'enquête" et franceinfo ont pu consulter. Quarante-trois pages au vitriol qui fustigent "un retour du puritanisme et de la censure, habilement parés de la prétendue protection des femmes".
Des accusations contestées
Dans cette plainte, l'ancien journaliste met en cause 16 des 22 femmes qui ont témoigné à son encontre à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). "Huit d'entre elles ont déposé plainte", rappelle le document. "Il ne saurait être donné le moindre crédit à ces seize femmes, journalistes ou écrivains en mal de renommée et/ou féministes de la dernière heure, venues soutenir une ancienne collègue, une amie, voire une simple militante de la cause féminine", tacle le document à l'encontre des personnes concernées.
Et de poursuivre : "Regretter de ne pas avoir bénéficié de davantage d'égards, voire d'un simple regard, de la part d'un homme qu'elles ont un temps admiré rend aujourd'hui les mises en cause éconduites ou ignorées très amères, amertume qui les conduit à commettre, par vengeance tardive, le délit de dénonciation calomnieuse." La plainte revient ensuite sur chacune des accusations de ces 16 femmes, fermement contestées par Patrick Poivre d'Arvor. Le plaignant cite, pour quatre d'entre elles, des extraits de correspondances qui auraient été écrits après les faits dénoncés, fragilisant selon lui la version de ces femmes l'accusant.
Des termes jugés "outrageants"
L'avocate Laure Heinich, qui défend des plaignantes accusant l'ancien présentateur de violences sexuelles, évoque, dans un courrier adressé à "Complément d'enquête", "une plainte en dénonciation calomnieuse dans des termes outrageants qui ne font que l'accabler". Les mises en cause "attendent impatiemment d'en répondre et de le confronter devant des juges, ce que la prescription leur interdisait", défend-elle.
"Les plaignantes déplorent enfin l'ignorance feinte du processus de domination et de violence sexuelle pour tenter de faire accroire qu'il existerait des lettres qui pourraient être 'incompatibles'."
Laure Heinich, avocate des plaignantesà France 2
Contactée par franceinfo, Cécile Delarue, trésorière de l'association #MeTooMédias (fondées par des femmes accusant Patrick Poivre d'Arvor de harcèlement et violences sexuelles), dénonce "une façon de signifier aux femmes qui ont eu le courage de parler qu’il faut se taire". "On est d’abord très choquées de l’apprendre par voie de presse, on ne sait même pas qui sont les femmes visées par cette plainte", réagit-elle. "Nous aussi nous avons hâte de pouvoir parler dans un tribunal. On a hâte de justice." Hélène Devynck, vice-présidente de l'association, a dénoncé sur Twitter une "pathétique diversion".
Je suis une des 16 femmes. La plainte a été classée sans suite. Il réitère. Pathétique diversion. Comment faire des victimes les coupables encore et encore ? J’attends que la procédure bâillon se transforme en procès et qu’on puisse toutes défiler à la barre. https://t.co/2Dg8mLYxvG
— Devynck Hélène (@DevynckH) April 27, 2022
L'association #MeTooMédias a dénoncé dans un communiqué "des procédures bâillon de la part de Patrick Poivre d’Arvor comme des tentatives d’intimidation visant à décourager les victimes qui ne se sont pas encore manifestées auprès des autorités d’entreprendre cette démarche douloureuse et difficile".
Selon ce communiqué, "à ce jour, 26 femmes se sont adressées aux autorités et 16 plaintes ont été déposées contre Patrick Poivre d’Arvor, dont 7 pour 'viol'". L'ancienne figure de TF1 conteste fermement ces accusations. Franceinfo revient sur les suites judiciaires données à ces plaintes, et sur les actions pour "dénonciation calomnieuse" enclenchées par le journaliste et écrivain.
De nouveaux recours déposés
L'affaire Patrick Poivre d'Arvor a commencé en février 2021, lorsque l'écrivaine et Florence Porcel avait porté plainte contre lui, l'accusant de lui avoir imposé un rapport sexuel en 2004 et une fellation en 2009. Le journaliste avait alors porté plainte pour diffamation et dénonciation calomnieuse. Le parquet de Nanterre avait ensuite mené une enquête préliminaire pendant quatre mois. L'enquête avait été classée "sans suite" en juin, tout comme la plainte de Patrick Poivre d'Arvor. Début novembre, huit femmes qui avaient été entendues par la justice avaient témoigné auprès de Libération, accusant le journaliste de harcèlement ou violences sexuelles.
Florence Porcel s'est par la suite constituée partie civile auprès du doyen des juges d'instruction, entraînant l'ouverture d'une nouvelle enquête. En décembre, deux nouvelles plaintes, l'une pour viol, l'autre pour agression sexuelle ont également été déposées à l'encontre de l'ancien présentateur, pour des faits en 1985 et 2013.
Auprès de franceinfo, Philippe Naepels annonce son intention de déposer une nouvelle plainte pour "dénonciation calomnieuse" avec constitution de partie civile à l'encontre de Florence Porcel, à l'issue de l'enquête en cours portant sur ces accusations.
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