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Histoires d'info. Les peines alternatives à la prison, un débat difficile et récurrent en France

La ministre de la Justice présente un nouveau plan prison, incluant le développement des peines alternatives. Cette tentation ancienne se heurte à des blocages culturels puissants.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Une mutinerie éclate, le 27 juillet 1974, à la prison de la Santé à Paris. Depuis une semaine, une quarantaine de prisons françaises vivaient au rythme des révoltes de détenus. (AFP)

Avec 71 000 détenus, les prisons françaises sont surchargées. La garde des Sceaux Nicole Belloubet présente mercredi 12 septembre un nouveau plan prison. Le gouvernement se fixe comme objectif de diminuer la population carcérale, avec 8 000 prisonniers en moins d'ici à 2022. L'idée est de mettre l'accent sur les solutions alternatives à la prison pour les détenus condamnés à des peines courtes. C'est une tentation ancienne en France, mais qui se heurte à des blocages culturels puissants.

L'exemple des prisons suédoises

La réflexion sur la prison en France a commencé dans les années 1970. C'est notamment un livre, Surveiller et punir de Michel Foucault, qui a lancé le débat. En mars 1975, un mois après la sortie de son livre, le philosophe était l’invité de Jacques Chancel dans "Radioscopie" : "Cette institution d'enfermement punitif est née en Europe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et qui est devenue maintenant une forme d'encadrement général de la plupart des sociétés modernes qu'elle soit capitaliste ou socialiste." Foucault ne se contente pas de constater le triomphe de l’emprisonnement comme punition, il le dénonce, y voyant un moyen de contrôle des masses par l’État. Il s'en prend également à l'institution que représente la prison, la qualifiant d'inutile. Foucault écrit que "la prison ne peut pas manquer de fabriquer des délinquants. Elle en fabrique par le type d'existence qu'elle fait mener aux détenus".

D’où la tentation de mettre en place des peines alternatives, dès les années 70, en observant avec intérêt et un peu d'étonnement la situation des prisons en Suède. Dans ce pays, trois quarts des prisonniers sont dans des prisons dites ouvertes, où ils travaillent plusieurs heures par jour et où de simples panneaux leur indiquent qu'ils ne peuvent pas sortir. C'est un système très libéral qui se diffusera dans toute la Scandinavie avec des résultats remarquables.

Des résistances tenaces

L’Europe a poussé les Etats membres, et notamment la France, dans ce sens. En 1992, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe proposait le recours à des alternatives à la détention qui présentaient "une réelle utilité, aussi bien pour le délinquant que pour la communauté, puisque le délinquant est à même de continuer à exercer ses choix et à assumer ses responsabilités sociales". En 1998, le Parlement européen disait la même chose, puis le Conseil de l’Europe à nouveau en 1999. Il y a eu de nombreuses injonctions, notamment pour la France qui a semblé très résistante.

En France, l'accusation d’angélisme ou de laxisme pesait sur la tête des politiques qui n’ont jamais osé pousser très loin les expérimentations. Regardez, par exemple, comment les mesures visant à humaniser la vie des prisonniers a conduit à faire de Robert Badinter, le garde des Sceaux, le symbole du laxisme, le "ministre des criminels" en 1983. 

Aujourd'hui, en cette période actuelle de grande crispation sur les questions sécuritaires, dire que la prison est inhumaine, coûteuse ou inutile n’aura malheureusement guère d’efficacité. En revanche, dire qu’elle produit de l’insécurité (car elle n’empêche pas assez la récidive et qu’elle peut même plonger des petits délinquants dans le radicalisme religieux) devrait avoir plus d’impact sur l’opinion et permettre de sortir enfin de cette accusation en laxisme qui a empêché jusqu'à aujourd'hui toute réforme profonde des prisons.

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