Congrès des Républicains : l'ombre de la primaire plane (déjà) sur le nouveau parti
Le congrès fondateur des Républicains, qui enterre l'UMP, s'est tenu samedi à Paris. Derrière le rassemblement, la bataille pour la primaire de 2016 se fait déjà sentir. Reportage.
Sur la photo de famille, ils sont tous là. Sarkozy, Juppé, Fillon, Kosciusko-Morizet, Bertrand, Le Maire, Wauquiez... Réunis, avec des dizaines d'autres cadres de l'ex-UMP, pour le congrès de "la refondation" scellant la naissance des Républicains, samedi 30 mai, à Paris. Tous ont l'occasion de s'exprimer à la tribune et de déambuler dans les allées du Paris Event Center, porte de la Villette, pour incarner "le rassemblement" prôné par leur président Nicolas Sarkozy. Mais derrière l'unité de la nouvelle formation, la primaire de la droite et du centre, fin 2016, est dans toutes les têtes, sinon sur toutes les lèvres.
Les régionales en point de mire
Comme un symbole destiné à promettre un traitement équitable entre orateurs, c'est le député Thierry Solère, en charge de l'organisation de cette primaire, qui joue les Monsieur Loyal. A la tribune, cinq heures durant, se succèdent une soixantaine d'élus, centristes compris. En campagne pour les régionales, Christian Estrosi et Valérie Pécresse se chargent de chauffer la salle. "Municipales, départementales, et maintenant régionales... Comme en 1998 : c'est un, deux, trois zéro !", fanfaronne l'ancienne ministre du Budget. Les régionales sont la première échéance électorale des Républicains. Officiellement, c'est la seule qui doit les occuper.
Trois candidats déclarés à la primaire profitent de ce congrès pour tester leur popularité auprès des militants : chacun de leur côté, François Fillon, Alain Juppé et Xavier Bertrand enchaînent les selfies et les poignées de main, cernés par des massifs de caméras... Pas simple de leur couper l'herbe sous le pied. Nathalie Kosciusko-Morizet, numéro 2 du parti, choisit de regarder dans le rétro et d'évoquer "la guerre des clans" et "le manque d'exemplarité" qui minaient l'UMP depuis 2012, avec le duel Copé-Fillon et l'affaire Bygmalion. Laurent Wauquiez, numéro 3 salué par une standing ovation, et dont la candidature à la primaire reste hypothétique, met d'emblée les pieds dans le plat.
Aucune réussite individuelle ne se fera sans le collectif. Je ne veux pas entendre parler des primaires. Unité ! Unité ! Unité"
L'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin ne prend pas davantage position. Dans son discours face aux 10 000 militants présents, il vante les mérites du candidat "le plus rassembleur" et assure que le parti saura s'unir derrière lui ou elle. "Nicolas, Alain, François, Bruno, tous ici nous devons réussir l'alternance", exorte-t-il, loin de réitérer publiquement son soutien implicite à Alain Juppé apporté deux jours plus tôt sur i-Télé. Il y a un temps pour tout.
Juppé et Fillon hués, Le Maire conquérant
Mais derrière les slogans fédérateurs, on sent que l'unité du parti se craquelle. Bruno Le Maire, qui a récolté près de 30% des suffrages à l'élection pour la présidence de l'UMP, fin 2014, goûte à sa nouvelle popularité avec une certaine ostentation. Son équipe de campagne dans son sillage, il étire sa présence dans l'allée centrale de la salle, pas inquiet des "Bruno ! Bruno !" qui couvrent les discours à la tribune. Derrière son pupitre et face aux journalistes, il vend "le renouveau indispensable" du parti, qu'il prétend incarner. "Ma détermination est totale."
Stratégie similaire pour Alain Juppé, qui fend la foule au moment où Xavier Bertrand s'exprime. Un jeune Républicain clame triomphalement : "J'ai eu mon selfie avec Juppé !" Un autre lui tourne expressément le dos : "Oh non, pas lui !" Ils sont nombreux, dans les rangs, à afficher haut et fort leur hostilité à certains cadres. A leur arrivée à la tribune, à une heure d'écart, Alain Juppé et François Fillon sont copieusement sifflés par une partie de l'assistance.
Le premier ne relève pas, et enchaîne. "N’ayons pas le réflexe de penser que le balancier électoral jouera mécaniquement en notre faveur. Parier sur le pendule, miser sur le rejet de la gauche : non, nous n’avons pas le droit d’être aussi peu ambitieux !", dit-il, critique à peine voilée de la stratégie de Nicolas Sarkozy. Le second, à qui la mésaventure des sifflets est déjà arrivée lors d'une réunion publique de l'UMP, opte pour le rentre-dedans : "Certains d'entre vous ont sifflé, ça me fait de la peine mais ne change pas ma détermination. Vous êtes ma famille !" Là encore, sans faire mystère de ses dissensions avec Nicolas Sarkozy, il se permet quelques petites piques.
Notre société a besoin d'apaisement et non de revanche.
Nicolas Sarkozy, "c'est une évidence pour 2017"
Tant bien que mal, chacun essaie de se faire une petite place. Mais Nicolas Sarkozy domine. L'audience lui réserve ses plus riches applaudissements. A 15h10, il entre en scène. Pas de musique de campagne, pas de portraits XXL ni de bain de foule prolongé. Ce n'est plus l'homme de 2012. Le nouveau chantre du "rassemblement" laisse filer un mot doux pour Alain Juppé ("une richesse" pour le parti) et parade modestement : "Je ne suis pas un homme seul, parce que vous êtes là." Il affine par la suite son programme pour 2017 à travers un nouveau concept : "La République de la confiance." Et en profite pour faire applaudir Eric Woerth, récemment blanchi dans l'affaire Bettencourt. De Bygmalion, évidemment, et des affaires qui le concernent, il n'est point fait mention.
Les multiples références à la République et aux hommes qui l'ont fait vivre semblent peu déterminantes, au sein de l'assistance. La personnalité du chef prime, au-delà du pluriel "les Républicains". Pour Madeleine, qui vient de Guadeloupe, son élection à la primaire de 2017 "est une évidence. Je ne suis là que pour lui, depuis toujours." Jeanine et Amandine, originaires du Doubs, ressortent galvanisées par son discours : "C'est le meilleur, il est un cran au-dessus de tous les autres, même si Le Maire a l'avantage de la jeunesse." Un peu à l'écart, Michel, un ancien DRH en veste de tweed qui "est malheureusement pro-Fillon", se sent bien seul : "La primaire est un mal nécessaire. Dommage qu'elle ne laisse pas vraiment l'issue du vote ouverte." Il lui reste un an et demi à attendre avant de savoir si sa prophétie sera concrétisée.
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