Pourquoi les photos de Ségolène Royal ne devraient pas vous étonner
Habituée des coups médiatiques, Ségolène Royal a une stratégie de communication bien rodée. Au service d'une grande ambition politique.
Ségolène Royal fait de nouveau parler d'elle. Dans Le Parisien Magazine (article payant) du vendredi 25 octobre, l'ex-candidate à la présidentielle et présidente de la région Poitou-Charentes pose à la façon de La Liberté guidant le peuple pour parler du courage en politique. Un coup de communication osé, qui montre sa volonté de revenir sur le devant de la scène. Francetv info vous explique pourquoi il fallait s'y attendre.
Parce que c'est une habituée des coups médiatiques
"J’entends déjà dire que je me prends pour Jeanne d'Arc" déclare, lucide sur les risques qu'elle prend, Ségolène Royal dans les pages du Parisien Magazine. "Elle a toujours eu, même avant la présidentielle de 2007, un mode de communication décalé et efficace", analyse le politologue Laurent Bouvet, directeur de l'Observatoire de la vie politique à la Fondation Jean Jaurès. "Elle a compris, contrairement à d'autres, que dans notre société actuelle, l'important est de faire parler de soi. Se démarquer pour une plus grande efficacité."
Ségolène Royal sait y faire – depuis longtemps. Elle n'hésite pas, dès 1988, à poser en châle crocheté et coiffe à dentelle aux côtés de François Mitterrand à la garden party de l'Elysée, avec un cabas plein de chabichou pour défendre les producteurs de fromage de chèvre. De la même façon, en 1992, alors qu'elle est ministre de l’Environnement sous le gouvernement Bérégovoy, elle accueille, le lendemain de son accouchement, les caméras d'Antenne 2 et les flashs de Paris Match dans sa chambre d'hôpital, pour poser avec sa fille Flora. Une communication plutôt avant-gardiste pour l’époque et une volonté de donner l'image d'une femme moderne et décomplexée, son enfant dans les bras et ses dossiers sur le lit d’hôpital.
Autre coup de com' mémorable, son "one-woman show" lors de son Rassemblement de la Fraternité (avec Trust, Hervé Vilard, Cali…) au Zénith en 2008. Madone aux airs de rock star évangéliste, jean, tunique bleue et cheveux bouclés au vent, elle avait mené une opération médiatique bien rodée.
"Elle détonne et propose quelque chose de nouveau à chaque fois. Même si elle est considérée parfois comme ridicule, c'est sur ces coups médiatiques qu'elle a construit toute sa carrière", décrypte Laurent Bouvet.
Parce qu'elle réaffirme ainsi ses valeurs de 2007
En robe blanche, pieds nus et drapeau tricolore à la main, Ségolène Royal s'affiche sans complexe en icône républicaine et donne au Parisien Magazine une interview intitulée "Osez, monsieur le président !"
Entre les couacs à répétition, l'affaire Leonarda et les dissonances au sein de la majorité, Ségolène Royal a choisi le symbole avec soin. L'hebdomadaire lui avait proposé un clin d'œil à Simone Veil ou aux Femen, mais c'est bien l'héroïne de la célèbre toile du XIXe siècle qu'elle a choisi d'incarner. Pour David Réguer, spécialiste en communication, cette stratégie est payante : "Ségolène Royal communique depuis toujours autour de la liberté et se distingue en cela de ses camarades. La gauche met plutôt en avant l'égalité et la fraternité. Elle se positionne ainsi en symbole de la République, au-dessus de la mêlée."
Et ce choix n'est pas anodin, au moment où le Front national fait beaucoup parler de lui et où la défiance envers le gouvernement atteint des sommets. Les valeurs républicaines lui sont chères. Elle en avait d'ailleurs fait l'un de ses thèmes de campagne en 2007, proposant un drapeau tricolore dans chaque foyer afin de ne pas laisser le Front national s'en attribuer le monopole. "Je défendais un certain nombre d'idées anticonformistes qui ont, depuis, fait leur chemin dans mon camp politique, explique-t-elle au Parisien Magazine. La sécurité, l'ordre juste, la nation".
Pout Laurent Bouvet, c'est clair : "Ségolène Royal a voulu donner l'image d'une femme qui part à l'assaut. Elle est, en effet, intimement persuadée qu'elle seule pourra sauver la gauche".
Parce qu'elle a toujours des ambitions politiques
Lentement mais sûrement, Ségolène Royal avance ses pions pour convaincre son camp que la seconde partie du quinquennat ne se fera pas sans elle. Elle marque son soutien à François Hollande, comme dans l'affaire Leonarda : "J'aurais fait ce que le président de la République a fait, ce que le ministre de l'Intérieur a fait, c'est-à-dire rappeler le principe d'application de la loi", a-t-elle affirmé sur BFMTV. Mais elle montre aussi sa singularité, en livrant au Parisien sa vision du courage : "Il faut savoir prendre des décisions difficiles, au risque de n'être pas entendu par tous. Oser des réponses neuves quand les anciennes ne fonctionnent plus. Et prendre le risque de décisions impopulaires." Et d'esquisser les mesures urgentes : fusionner les départements avec les régions, imposer tout de suite le non-cumul des mandats, soutenir l'innovation des entreprises ou encore accentuer les efforts en faveur de la famille et de la jeunesse.
Par cette offensive médiatique, Ségolène Royal se rappelle au bon souvenir de François Hollande. Elle est toujours là et compte bien faire savoir qu'elle peut être utile en cas de remaniement. "Elle peut être un atout pour François Hollande dans la suite des opérations, si les municipales se passent mal. Elle n'a plus beaucoup de soutien au sein du Parti socialiste, mais a gardé une vraie aura chez les militants. Et c'est elle qui parle encore le mieux aux catégories populaires", conclut Laurent Bouvet.
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