Dissolution de l'Assemblée nationale : la gauche désunie face au défi d'élections législatives organisées dans l'urgence
A peine les nouveaux eurodéputés français élus, leurs collègues députés doivent remettre leur écharpe en jeu. Après des élections européennes perdues pour la majorité, dimanche 9 juin, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale en convoquant des élections législatives anticipées, les dimanches 30 juin et 7 juillet. Pour la gauche, unie lors des précédentes législatives, en 2022, le défi à relever est immense.
La courte campagne – trois semaines – démarre au soir d'un scrutin qui a vu le Parti socialiste arriver en tête à gauche, avec 14% des suffrages. Derrière, La France insoumise rassemble 10,1% des voix et améliore son score de 2019 (6,31%), selon une estimation Ipsos pour France Télévisions, Radio France, France 24, RFI, Public Sénat et LCP Assemblée nationale. De leur côté, Les Ecologistes chutent à 5,5% mais sauvent les meubles en conservant des eurodéputés français au Parlement européen.
La gauche face au "calcul" d'Emmanuel Macron
Les scores de ces élections sont pourtant passés au second plan dès la déflagration de l'annonce de la dissolution. Ils jettent une lumière crue sur les divisions de la gauche, qui dépasse péniblement la barre des 30% en cumulé. "C'est un peu comme le jour de la marmotte, image le chercheur Simon Persico auprès de franceinfo. A chaque élection depuis 2017, on se retrouve avec une forte volatilité à l'intérieur de la gauche et une compétition sur qui va être le meilleur candidat. Ce qui change, c'est quelle est la force politique qui arrive première, mais cela reste au pays des nains".
Deux ans après l'accord de la Nupes aux législatives, La France insoumise, Les Ecologistes, le Parti socialiste et le Parti communiste français font désormais route chacun de leur côté, à l'Assemblée nationale et en dehors, après la rupture de la coalition électorale en 2023. "Pour eux, il s'agit d'une situation vraiment compliquée, surtout que les élections arrivent très vite", analyse Antoine Bristielle, directeur de l'Observatoire de l'opinion à la Fondation Jean-Jaurès. "Il y a un calcul d'Emmanuel Macron, qui doit se dire qu'en 20 jours, la gauche est incapable de recréer" ce qu'elle a lancé dans l'urgence en 2022.
Au terme de cet accord négocié intensément, dès le premier tour de l'élection présidentielle, la gauche unie avait obtenu environ 150 députés, dont plus de la moitié pour La France insoumise, force motrice de la Nupes. Une telle coalition n'apparaît pas aussi évidente après des mois de divisions entre une partie de La France insoumise et le Parti socialiste, notamment. "Quels seraient les contours d'une union ? Raphaël Glucksmann, la tête de liste socialiste, est sur la ligne d'union à gauche, mais sans Jean-Luc Mélenchon", rappelle Antoine Bristielle.
"Les désaccords depuis un an et demi peuvent-ils être résolus en 20 jours ?"
Antoine Bristielle, directeur de l'Observatoire de l'opinion à la Fondation Jean-Jaurèsà franceinfo
Sitôt la dissolution annoncée par l'Elysée, les appels à l'union ont pourtant essaimé. Olivier Faure, patron du Parti socialiste et partisan de l'accord de la Nupes, a invité la gauche à travailler à un "rassemblement utile". Les cadres du PS se sont retrouvés dimanche soir à leur siège d'Ivry-sur-Seine, près de Paris, pour une longue nuit de discussions. "On va se parler, on en a besoin je crois", glissait l'un d'entre eux à France Télévisions, vers 23h30.
De son côté, François Ruffin, plus unioniste que la majorité des députés La France insoumise, a appelé à un nouveau "front populaire". "Nous appelons Olivier Faure, Fabien Roussel, Marine Tondelier, Manuel Bompard à la porter, ensemble. Insoumis, communistes, socialistes, écologistes. Unis. Pour éviter le pire, pour gagner", a-t-il écrit sur X, peu après 22 heures.
Des discussions immédiates
D'autres cadres de LFI se sont montrés moins loquaces sur les perspectives d'union de la gauche. "Quand on est insoumis et insoumises, on ne craint pas le peuple. C'est le contraire", a affirmé le chef de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. "Nous avons gagné le premier tour des élections législatives de 2022. Nous pouvons gagner de nouveau et tout changer en utilisant les bulletins de vote !" Manon Aubry, la candidate LFI aux élections européennes, a appelé ses soutiens "à leur mobilisation parce que ce sont les prochaines semaines qui vont être décisives".
A la tête d'une liste qui a péniblement dépassé les 5%, la candidate écologiste, Marie Toussaint, a annoncé des discussions "très certainement dans les heures qui viennent" avec les autres forces de gauche. "L'heure est trop grave pour perdre des heures à se déchirer. J'invite tous les chefs de parti progressistes à se réunir dès demain matin. Les Ecologistes seront aussi disponibles que nécessaire", a tweeté dimanche soir Marine Tondelier, patronne des Ecologistes-EELV. Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et hostile à la Nupes, a appelé les partis de gauche à travailler à un "pacte pour la France".
Les soutiens du chef de l'Etat pourraient en tout cas tenter d'influer sur le cours des échanges à gauche. Le secrétaire général de Renaissance, Stéphane Séjourné, a affirmé à l'AFP que le camp Macron "donnera[it] l'investiture" aux députés sortants "faisant partie du champ républicain" et souhaitant "s'investir dans un projet clair" autour de la majorité présidentielle... Rien n'assure que le Parti socialiste, par exemple, acceptera cette main tendue, que rejettera immédiatement La France insoumise.
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