Loi immigration : ce que révèlent les débats au sein de la CMP

Une semaine après l'adoption du texte polémique, le rapport de la commission mixte paritaire est désormais disponible. On peut ainsi y lire les échanges tenus à huis clos entre les parlementaires.
Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin prend la parole pendant une séance publique sur le rapport de la CMP dédiée au projet de loi immigration, le 19 décembre 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS)

L'envers du décor. Une semaine après l'adoption par le parlement du compromis entre la majorité présidentielle et la droite sur la loi immigration, le rapport de la commission mixte paritaire (CMP) est désormais disponible. Les échanges tenus à huis clos, le lundi 18 et le mardi 19 décembre, entre les 14 parlementaires et leurs suppléants y sont intégralement retranscrits. 

Lorsqu'on épluche ces échanges, le premier enseignement est que les représentants du RN n'ont jamais, au cours des deux jours de discussion, caché leur soutien aux dispositions du texte, alors qu'Emmanuel Macron et son camp se sont montrés désarçonnés par le "coup politique" de Marine Le Pen.

Même au moment du débat sur la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension, à aucun moment, Yoan Gillet, le député du RN, seul parlementaire RN titulaire, n'indique explicitement que cette seule mesure conduirait à un vote contre de la part de son groupe à l'Assemblée. Il dénonce une prime à la clandestinité, un article qui permet des régularisations massives. Il menace les Républicains : "Nous le ferons savoir en particulier aux électeurs LR". Mais il dit surtout d'emblée que le Rassemblement national soutiendra "tous les articles qui vont dans le bon sens".

Le RN a échoué à remplacer le mot "intégration" par "assimilation"

Aucune de ses propositions de rédaction pour durcir encore les mesures n'est adoptée. Il échoue à faire remplacer le mot "intégration" par le mot "assimilation" ainsi qu'à faire obstacle à l'interdiction de placer des mineurs en rétention. Mais tout en demandant systématiquement à aller plus loin, avec sa suppléante Edwige Diaz, il annonce très clairement qu'il va voter pour tout le reste : la caution demandée aux étudiants étrangers, le délit de séjour irrégulier, ou les restrictions dans le versement de certaines prestations sociales. 

Le Sénat voulait remplacer l'Aide médicale d'Etat (AME) par une aide médicale d'urgence. La promesse d'Elisabeth Borne d'ouvrir le débat sur une réforme à la rentrée apparaît comme décisive dans la conclusion de l'accord avec les Républicains. "Nous nous félicitons que d'autres reprennent une proposition fort ancienne de Marine Le Pen" se réjouit Yoan Gillet. Par exemple, sur la limitation de l'accès aux prestations sociales : "Nous voyons consacrée une valeur qui nous est chère (...) : la préférence nationale" triomphe Edwige Diaz. Et de conclure : "nous voterons l'article avec beaucoup de plaisir"

La gauche a dénoncé les compromissions avec l'extrême droite

"Je ne comprends pas bien à quel moment on est passé aux yeux du Rassemblement national d'un texte inacceptable à un texte admirable" s'étonne benoîtement le sénateur centriste Philippe Bonnecarrère. "Arrêtez de faire semblant" lance à ses collègues RN Marie Guevenoux, députée Renaissance. Pourquoi prétendre, (...) que le texte valide vos idées alors que vous ne le voterez pas"

On connaît la suite : l'annonce de Marine Le Pen que son groupe votera le texte. La panique jusqu'au sommet de l'État, la parade pour expliquer que les voix du RN n'étaient pas nécessaires à l'adoption du texte, et l'argument d'Emmanuel Macron : lutter contre le RN n'est pas refuser de traiter les problèmes qui le nourrissent. "Je suis convaincu qu’en 2027, les Français préféreront l’original à la copie", a lâché dès mardi dernier Yoan Gillet devant ses collègues de la CMP.

Aussi, tout au long des discussions, la question de la "victoire idéologique" est soulevée par la gauche qui ne cesse de dénoncer le franchissement de lignes non pas rouges, mais "bleu marine", des compromissions plus que des compromis. 

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