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La droite risque-t-elle de sortir divisée du duel Juppé-Fillon ?

La campagne d'entre-deux tours entre le maire de Bordeaux et le député de Paris a été émaillée d'attaques cinglantes.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Alain Juppé et François Fillon, le 13 février 2016 à Paris.  (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Dans quel état la droite va-t-elle finir après ce combat des chefs ? Sur le papier, et dans la bouche des candidats à la primaire de la droite, il ne s'agit que d'un affrontement programme contre programme. Mais certaines attaques de cet entre-deux tours ont été cinglantes, obligeant notamment 215 députés et sénateurs à publier une tribune pour soutenir François Fillon après les critiques d'Alain Juppé. 

La droite va-t-elle sortir de ce duel affaiblie ? Au lendemain de l'ultime débat entre les finalistes, au terme duquel François Fillon a été jugé le plus convaincant, franceinfo pèse le pour et le contre.       

Non, les deux adversaires ont calmé le jeu pendant le dernier débat

Jeudi soir, lors de l'ultime débat télévisé avant le second tour de la primaire, les deux candidats sont restés sur le fond et ont évité de tomber dans l'invective. Parfois tendu, Alain Juppé a tenté d'imprimer le rythme en pointant ses divergences avec François Fillon. Mais il a baissé d'un ton par rapport au début de la semaine, ses attaques ayant semé le trouble jusque dans son propre camp. 

"Tu sais que j'ai toujours eu pour toi de l'amitié et de l'estime et je n'ai pas changé d'avis", a démarré le maire de Bordeaux. Mais "on peut se poser des questions, c'est ce que j'ai fait quand tes positions ou propositions ne me paraissaient pas tout à fait claires, et j'ai été un peu surpris de la virulence de ta réponse." François Fillon, lui, s'est employé à désamorcer les critiques. "Ce débat ne doit pas être celui de la division, a-t-il répondu. Ce deuxième tour, ce n'est pas un combat, c'est la présentation de projets de deux hommes qui appartiennent à la même famille politique et qui, je pense, ont la même éthique de l'action publique."

Oui, certaines attaques ont été mal perçues

Dans les rangs des Républicains, certains souffrent de voir les deux anciens Premiers ministres s'affronter si durement. "Il est nécessaire de refermer la phase douloureuse de ces primaires sans déchirure interne", réclame ainsi, sur Facebook, le député LR du Vaucluse Julien Aubert. "On s'attendait à un débat apaisé, mais on est surpris de la violence de certaines attaques", d'autant que, selon lui, les différences entre les deux candidats ne sont pas si marquées. Ce soutien de François Fillon cible ainsi la polémique lancée par Alain Juppé sur la position de son adversaire sur l'IVG, temps fort de cet entre-deux-tours.

"Choquée", "effarée", "interloquée", Marie-Jo Zimmermann est sortie de son silence pour défendre François Fillon. Preuve que les attaques d'Alain Juppé ont marqué les esprits. "Je ne supporte pas que l'on utilise le sujet des femmes dans une campagne, déplore la députée de Moselle auprès de franceinfo. Ce n'est pas sur ce sujet-là qu'il faut se tacler." Pour elle, qui a signé la tribune appelant à "élever le débat" publiée dans Le Figaro, Alain Juppé s'est trompé de combat : "On est à la primaire, pas à la présidentielle." Une stratégie que fustige également Sébastien Huyghe, proche de Nicolas Sarkozy : "Pour remonter très fort, il faut cogner très fort", analyse le député LR du Nord, pour qui ces attaques "donnent des billes à la gauche".

Ces déchirures internes vont-elles laisser des traces ? Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI et soutien d'Alain Juppé, se veut rassurant. "C'est classique", tempère-t-il, interrogé par franceinfo. "Le ton monte, les propos débordent, mais c'est éteint au soir du résultat." 

Oui, comme ce fut le cas à gauche en 2011

Rappelez-vous 2011 et la primaire de la gauche. "Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup", avait glissé Martine Aubry, adversaire au second tour de François Hollande. La pique est non seulement restée dans toutes les mémoires, mais elle semble avoir collé à la peau du président tout au long de son mandat à l'Elysée. Une expression reprise avec gourmandise par l'opposition, comme Luc Chatel en septembre 2014, après le départ du gouvernement d'Arnaud Montebourg, ou encore par Christian Jacob quelques jours plus tard, pour cibler cette fois le discours de politique générale de Manuel Valls. 

"Attention aux flèches qui handicapent sérieusement le candidat par la suite", s'alarme d'ores et déjà Julien Aubert, qui rappelle d'autres qualificatifs peu glorieux sur François Hollande passés à la postérité, comme "Flamby" ou "fraise des bois". "Les débats ont été corrects jusque-là. Attention de ne pas tomber dans la caricature", prévient-il.

Non, car le vainqueur ne devra pas composer avec ses concurrents

Difficile d'imaginer Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ou François Fillon accepter une place dans un futur gouvernement de droite, à Matignon ou ailleurs. De ce côté-là au moins, le vainqueur du 27 novembre pourra composer son futur gouvernement (en cas de victoire à la présidentielle évidemment) en toute tranquillité, sans avoir besoin de satisfaire les déçus. Un luxe que François Hollande n'avait pas en 2012 et qui l'avait conduit à nommer Manuel Valls à l'Intérieur, Arnaud Montebourg au Redressement productif puis à l'Economie, prenant avec ce dernier le risque d'être critiqué au sein même de son gouvernement. L'alliance n'a d'ailleurs duré que deux ans et trois mois avant que le ministre ne "reprenne sa liberté". 

Pour Sébastien Huyghe, "les divergences qui s'expriment aujourd'hui ne sont que des nuances". Les projets des candidats ne sont pas si éloignés, selon lui. "A la grande différence de la gauche, (...) nous avons tous une sensibilité commune."

Oui, si Juppé l'emporte

Arrivé largement en tête (44,1%) devant Alain Juppé, François Fillon a été la grande surprise de ce premier tour. Désormais favori, peut-il être battu ? Ses soutiens anticipent déjà ce scénario et laissent planer le doute sur un possible éclatement de la droite au lendemain du second tour. "Un retournement inexpliqué de tendance laisserait croire qu'on a 'piraté' de l'extérieur la primaire et entraînerait sans doute une explosion du parti", envisage ainsi Julien Aubert, farouchement opposé depuis le début à l'organisation de cette primaire ouverte. Pour lui, Alain Juppé aurait dû se retirer dès le 20 novembre. Il espère désormais "une confirmation et un candidat renforcé"

"Une menace pour effrayer les étourneaux", balaie de son côté Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI et soutien d'Alain Juppé. Il estime, en bon politicien, que ces propos trahissent une "fébrilité" du camp Fillon. 

Non, car tous se sont engagés à soutenir le vainqueur

"Il y a un chef, et on se met derrière." D'un côté comme de l'autre, les troupes sont au diapason. Il n'y aura pas de match retour après cette primaire puisque tous les candidats se sont engagés à soutenir le vainqueur. "C'est dans la tradition de la droite" de se rallier derrière le leader proclamé, rappelle Julien Aubert. Edouard Philippe, député-maire du Havre et porte-parole d'Alain Juppé, estime que l'union sera immédiate, dimanche soir, entre le vainqueur et le vaincu de la primaire. Mais il continue de penser que le programme de François Fillon n'est pas réaliste.

"Nicolas Sarkozy a montré la voie et tout le monde sera derrière le gagnant, rassure Sébastien Huyghe. Bien évidemment , il y aura de la tristesse et de la rancœur, mais cela ne durera qu'un temps." 

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