Gouvernement de Gabriel Attal : malgré la surprise Dati, peu de renouvellement et des ténors toujours en place

Article rédigé par franceinfo
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Le nouveau Premier ministre Gabriel Attal et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin lors d'une rencontre avec des policiers lors de la visite d'un commissariat, à Ermont (Val-d'Oise), le 10 janvier 2024. (BERTRAND GUAY / AFP)
Le remaniement resserré, composé par Emmanuel Macron et Gabriel Attal, n'a pas bouleversé les équilibres. En dehors de l'arrivée de l'ancienne ministre sarkozyste et de trois autres nouveaux visages, les poids lourds restent en place et le gouvernement penche de plus en plus à droite.

L'arbre Dati qui cache une forêt de fidèles. L'annonce de la nouvelle équipe gouvernementale, jeudi 11 janvier, a donné lieu à une surprise de taille avec la nomination de Rachida Dati à la culture dans une équipe resserrée à quatorze ministres, en attendant la deuxième salve, attendue la semaine prochaine, de secrétaires d'Etat et de ministres délégués.

Mais au-delà de la surprise Rachida Dati, le nouveau gouvernement composé par Emmanuel Macron et Gabriel Attal comportent peu de nouveautés. Il s'inscrit aussi toujours dans la ligne d'une stratégie tournée vers la droite, initiée depuis le début du quinquennat. 

Des poids lourds toujours en poste

Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Eric Dupond-Moretti... Quand le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, a égrené les noms qui vont composer le gouvernement de Gabriel Attal, il a surtout confirmé les principaux poids lourds de l'ancienne équipe d'Elisabeth Borne. Au total, huit ministres conservent leur portefeuille (avec, dans certains cas, un périmètre élargi) et deux autres changent de ministère. "C'est un gouvernement qui ne change pas fondamentalement. Les poids lourds comme Bruno Le Maire et Gérald Darmanin restent à leur place", observe Mathieu Gallard, directeur d'études chez Ipsos.

"C'est un remaniement limité qui ne modifie pas le socle macroniste."

Mathieu Gallard, directeur d'études chez Ipsos

à l'AFP

Dans le détail, le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, reste effectivement numéro 2 du gouvernement, améliore son record de longévité à Bercy et récupère le dossier de l'énergie. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, est également toujours en poste, à la troisième position de l'ordre protocolaire. Marc Fesneau conserve l'agriculture, Sébastien Lecornu le portefeuille des armées, Eric Dupond-Moretti la justice, Christophe Béchu la transition écologique et Sylvie Retailleau l'enseignement supérieur et la recherche. Ce choix de la continuité offre de la stabilité aux administrations, mais risque aussi de poser des problèmes au nouveau Premier ministre.

Avec une équipe totalement renouvelée, le chef du gouvernement n'aurait pas eu de problème d'autorité. Là, du haut de ses 34 ans, il va devoir gérer des personnalités rompues à l'exercice ministériel et qui ont leur propre agenda politique. Plus l'échéance de 2027 va se rapprocher, plus les ambitions de Bruno Le Maire ou de Gérald Darmanin risquent par exemple de s'exprimer au grand jour. Le ministre de l'Intérieur a d'ailleurs envoyé un signal dès mercredi, en laissant ses équipes annoncer son maintien au gouvernement, alors même que le couple exécutif était en train de travailler à l'architecture de la nouvelle équipe.

Peu de nouveaux visages

L'exécutif semble avoir tout misé sur la surprise Rachida Dati. L'ancienne ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy provoque des remous au sein de sa famille, Les Républicains, en acceptant de devenir ministre de la Culture. "C'est un coup de com' de faire rentrer des poids lourds, des personnes identifiées dans ce gouvernement", analyse sur franceinfo Stéphane Zumsteeg, de l'institut Ipsos. "En termes d'image, c'est une personnalité très identifiée par les Français. Et il y en a finalement très peu dans le gouvernement actuellement", confirme Mathieu Gallard.

Au-delà du coup politique réussi avec cette nomination, Emmanuel Macron n'a pas créé beaucoup de surprises. La volonté d'aller chercher des personnalités issues de la société civile, avec parfois un manque d'expérience politique revendiqué, ne semble plus faire partie du logiciel macroniste. "Nommer des techniciens issus de la société civile a montré ses limites", estime Stéphane Zumsteeg. Les expériences de Pap Ndiaye à l'Education ou de François Braun à la Santé en début de quinquennat semblent notamment avoir laissé des traces.

Au total, seuls quatre nouveaux visages font leur entrée. Catherine Vautrin, qui avait raté Matignon en 2022, hérite cette fois d'un grand ministère dédié au travail et à la santé. Il s'agit d'un nouveau débauchage dans le camp de LR, même si l'ancienne vice-présidente de l'Assemblée nationale n'est pas très identifiée dans l'opinion publique. Avec l'arrivée de Stéphane Séjourné, Emmanuel Macron se tourne vers un fidèle de la première heure. L'ancien conseiller politique du président de la République, qui est également l'ancien compagnon de Gabriel Attal, va prendre en charge le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Enfin, la députée des Yvelines Marie Lebec, 33 ans, est promue ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement. La benjamine du gouvernement devra faire ses preuves dans le contexte difficile de la majorité relative.

Une équipe toujours plus tournée vers la droite

"On a soit le gouvernement Macron II, soit Sarkozy le retour", ironise sur franceinfo le député La France insoumise Eric Coquerel. Avec ce casting, Emmanuel Macron poursuit la stratégie "du coup de barre à droite", analyse Stéphane Zumsteeg. La presse est d'ailleurs unanime sur ce point. "Le macronisme vire à droite", selon Les Echos ; "La Sarko connection", pour Libération ; "Comme un LR de famille", s'amuse La Marseillaise. L'entourage du président de la République a bien tenté de vendre aux journalistes un "retour aux sources" à "l'esprit du macronisme de 2017", avec le dépassement des clivages. Mais face aux huit ministres issus de LR ou de l'ex-UMP, seuls deux ministres (Gabriel Attal et Stéphane Séjourné) sont brièvement passés par le Parti socialiste.

Le président de la République continue à miser sur le débauchage des personnalités de droite, à l'image de Rachida Dati et de Catherine Vautrin. "Il fait le pari électoral de se dire que les prochaines échéances se joueront à droite et absolument pas à gauche, et qu'il y a une petite force [Les Républicains] qu'il faut siphonner, qu'il faut mettre à mort en quelque sorte", poursuit le sondeur. L'entrée de Rachida Dati au gouvernement "confirme l'ancrage à droite de la macronie, qui était déjà très clair pour les Français, notamment avec les deux réformes symboliques sur les retraites et l'immigration", confirme Matthieu Gallard.

"C'est une cohabitation pratique et effective avec la droite", a d'ailleurs réagi sur franceinfo le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Boris Vallaud, en évoquant "une reconstitution de la ligue sarkozyste dissoute". Gabriel Attal a tenté de répondre tant bien que mal à ces critiques jeudi soir. Il a affirmé sur TF1 qu'il n'était "pas là à demander à [ses] ministres de vider leurs poches pour [lui] montrer la carte de leur parti politique". Il a également assuré que le gouvernement comprenait "des personnes qui ont une sensibilité de droite" et des personnes "qui ont une sensibilité de gauche", citant notamment le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, et Sylvie Retailleau, la ministre de l'Enseignement supérieur.

Une donne politique inchangée

Les quatre nouveaux noms annoncés sur le perron de l'Elysée jeudi soir ne devraient pas rebattre les cartes. "Je ne suis pas sûr que [l'arrivée de Rachida Dati] permette un accord plus large et à plus long terme avec LR", observe Mathieu Gallard. "Au-delà du coup de com' qui va durer une semaine ou plus, est-ce que la donne politique a changé ? Non, confirme Stéphane Zumsteeg. La situation restera toujours bloquée à l'Assemblée." La majorité présidentielle dispose toujours actuellement de 250 voix au Palais-Bourbon et doit compter sur l'apport d'autres groupes politiques (généralement le groupe LR) pour espérer atteindre la majorité de 289 voix pour faire voter ses textes. "Le gouvernement va continuer dans la douleur (...) Ce sera de plus en plus dur, il y aura de plus en plus de 49.3. Mais, malgré tout, les projets de loi passeront", prédit Stéphane Zumsteeg.

Emmanuel Macron va devoir reprendre la parole pour dévoiler davantage le "rendez-vous" fixé "avec la nation" pour janvier et donner une vision pour la fin de son quinquennat, au-delà de la notion de "réarmement civique" scandée depuis quinze jours. "Dans nos enquêtes, les Français ne comprennent pas vraiment son cap et ce qu'il veut pour le pays. Ils ont le sentiment qu'il agit au jour le jour et qu'il n'y a pas vraiment de direction, analyse Mathieu Gallard. C'est une rupture très forte par rapport au précédent quinquennat. En 2017, les Français avaient compris son positionnement. Là, le remaniement ne répond pas à cette question."

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