Remaniement : on vous résume l'affaire Carlos Ghosn, dans laquelle la ministre de la Culture Rachida Dati est mise en examen

L'ex-ministre sarkozyste est poursuivie pour "corruption passive", "trafic d'influence passif" et "recel d'abus de pouvoir" depuis 2021 dans l'enquête sur ses prestations de conseil auprès de l'ex-PDG de l'alliance Renault-Nissan.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 5 min
Rachida Dati, alors candidate à la mairie de Paris en 2020, pose lors d'une séance photo à Paris, le 25 novembre 2019. (JOEL SAGET / AFP)

"Elle est mise en examen, ce n'est pas une condamnation". Voilà comment Gabriel Attal a balayé, jeudi 11 janvier au soir, la question entourant l'avenir judiciaire de la nouvelle ministre de la Culture, Rachida Dati. Nommée quelques minutes plus tôt, l'ancienne garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy "bénéficie de la présomption d'innocence", a rappelé le Premier ministre, qui n'entend donc pas s'épancher sur l'affaire Carlos Ghosn, dans laquelle Rachida Dati est impliquée depuis 2019.

La maire Les Républicains du 7e arrondissement de Paris a bien été mise en examen pour "corruption passive", "trafic d'influence passif" et "recel d'abus de pouvoir" en 2021 dans l'enquête sur ses prestations de conseil auprès de l'ex-PDG de l'alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn. Voici ce que l'on sait de cette affaire et de ce qui est reproché par la justice à la ministre. 

La plainte d'une actionnaire de Renault comme point de départ

Cette enquête, ouverte par le Parquet national financier (PNF) pour "abus de biens sociaux" et "corruption" en 2019, a été déclenchée après la plainte d'une actionnaire de Renault, qui faisait état de "soupçons" sur "l'usage inconsidéré des fonds de Renault" par Carlos Ghosn, selon l'avocat de la plaignante, Jean-Paul Baduel. L'avocat estimait alors auprès de l'AFP que certains contrats conclus par l'entreprise étaient "douteux de par leurs montants".

Cette plainte vise l'actuelle maire du 7e arrondissement de Paris, Rachida Dati, le criminologue Alain Bauer et l'ex-PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, par ailleurs en délicatesse avec la justice japonaise, qui l'accuse de malversations financières.

A la suite de l'arrestation de ce dernier à Tokyo en novembre 2018, l'alliance Renault-Nissan, basée aux Pays-Bas, avait entrepris d'examiner les paiements effectués par le passé à des conseillers extérieurs français et lancé un audit indépendant. C'est dans ce contexte que la plainte a été déposée.

Le conseil d'administration de Renault a fait savoir par la suite que cette mission d'audit avait "confirmé des déficiences" dans cette structure "au plan de la transparence financière et des procédures de contrôle des dépenses". Une information judiciaire a été ouverte à l'été 2019, et confiée à deux juges d'instruction.  

Des honoraires d'un montant de 900 000 euros perçus par Rachida Dati en tant qu'avocate

L'ex-garde des Sceaux, désormais en poste à la Culture, est dans le viseur de la justice pour des prestations de conseil facturées en tant qu'avocate auprès de l'alliance Nissan-Renault entre 2010 et 2013. Elle était alors élue au Parlement européen.

Les juges cherchent notamment à déterminer si les 900 000 euros d'honoraires perçus par Rachida Dati correspondent à des activités déterminées ou s'il s'agissait d'un emploi de complaisance ayant pu masquer des activités de lobbying, interdites pour les députés européens.

Rachida Dati avait annoncé, en juin 2019, attaquer à son tour la plaignante pour dénonciation calomnieuse et diffamation. Dans un communiqué, ses avocats Hervé Lehman et Olivier Pardo dénonçaient une  "campagne de presse calomnieuse menée par l'avocat d'un actionnaire anonyme de Renault diffusant à l'envi des propos diffamatoires constituant de fausses informations dans le seul objectif de déstabiliser Rachida Dati, qui [avait alors] annoncé sa candidature à la mairie de Paris".

Placée sous statut de témoin assisté, puis mise en examen 

Le bureau et le domicile de la maire du 7e arrondissement de Paris avaient été perquisitionnés en octobre 2019. A l'issue d'un premier interrogatoire de 16 heures par les juges d'instruction, en novembre 2020, elle avait d'abord été placée sous statut de témoin assisté. Avec ses avocats, elle avait alors tenté de faire jouer la prescription dans ce dossier. Ses conseils avaient fait valoir, notamment auprès de l'AFP, qu'aucun élément de sa rémunération n'avait été dissimulé, et que par conséquent la prescription de trois ans pour ces délits était acquise depuis 2017. Or, le PNF n'a ouvert une enquête qu'en 2019.

Ses avocats avaient par ailleurs observé que ni le Parlement européen, ni la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, ni le ministère public n'avaient décidé de la poursuivre, alors même que des accusations de conflit d'intérêts la visant avaient été relayées par la presse entre 2009 et 2015.

Neuf mois après sa première audition, Rachida Dati a finalement été reconvoquée pour une journée d'interrogatoire et mise en examen, notamment pour "corruption passive par personne investie d'un mandat électif public au sein d'une organisation internationale", le Parlement européen, et "recel d'abus de pouvoir". Elle a fait appel de cette décision, mais la cour d'appel de Paris a refusé, fin 2021, de constater la prescription des poursuites la visant. Ses avocats avaient à l'époque annoncé leur volonté de se pourvoir en cassation. Selon nos informations, Rachida Dati a déposé une nouvelle requête aux fins de constatation de la prescription, de nouveau rejetée. Un appel à de nouveau été formé devant la chambre de l'instruction.

L'élue de Paris avait dénoncé un complot politique

"Comme en 2019 [pendant la campagne pour les municipales], on tente d'entraver mon engagement dans les échéances qui s'annoncent !", avait réagi Rachida Dati auprès du Parisien après l'annonce de sa mise en examen. "Ma conviction et ma détermination sont intactes. Je serai de ce combat", avait-elle ajouté, en référence à la primaire de la droite pour la présidentielle.

Martelant que "tout a toujours été déclaré et contrôlé" lorsqu'elle était eurodéputée, Rachida Dati assurait avoir "apporté toutes les preuves de [son] travail" pour l'alliance Renault-Nissan. 

Dans cette procédure, les investigations sont désormais terminées et les parties en ont été avisées par la juge d'instruction en septembre, a appris franceinfo de source judiciaire. La rédaction du réquisitoire définitif du PNF est en cours, avant que la magistrate ordonne, ou non, la tenue d'un éventuel procès.

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